Les bulletins paroissiaux de 1915

Bulletin paroissial du 3 janvier 1915 - N°157

Don généreux : Les propriétaires et cultivateurs de St Ph.  de Bouaine se sont montrés très généreux dans l’offrande de blé pour les départements du Nord envahis par l’ennemi.   Ils ont donné 3 822 K° de blé , classant ainsi notre commune la troisième du département.  

Nos soldats : Léon Coislier de l’Aurière , porté comme disparu , est prisonnier à Cassel.  Son beau-frère , Pierre Dugast a été blessé la semaine dernière , à l’épaule.   Lucien Sauvaget , gendre de Jean Lorteau de la Pausetière des Landes , a été grièvement blessé à la tête et au bras.   Emmanuel Grit , du Chiron de Beaulieu , blessé à la jambe droite, le 2 septembre , au combat de la Fère-Champenoise , et conduit comme prisonnier à Erfurt , est actuellement guéri.   Au sujet du camp des prisonniers d’Erfurt , voici d’intéressants renseignements fournis par le médecin-major Sieur , rapatrié d’Allemagne.  

Le camp est installé aux portes de la ville.   Il se compose de 8 baraques de 2. 000 hommes.   Les baraques sont en bois , planchéiées , recouvertes de toiles goudronnées , éclairées et chauffées.   Elles sont divisées en chambre de 40 hommes.   Chaque chambre comporte elle-même une antichambre où mangent les prisonniers , et une chambre proprement dite où ils dorment sur deux étages superposés de planches recouvertes de paille.  

Les compagnies de prisonniers ( 1. 000 hommes) sont astreintes successivement à quelques corvées.   La nourriture se compose de soupes, de ragoûts et de charcuterie froide : mais grâce à une cantine , ils peuvent s’acheter des suppléments de nourriture et des laitages.  

Lettre d’un soldat ordonnance : Nous sommes dans des tranchées qui sont de véritables fortifications.  Le capitaine lui-même couche dans les tranchées avec ses hommes ; c’est vraiment la vie souterraine.  

On a touché des tricots ; et je vous assure que le matin surtout , on est heureux de les avoir , car la gelée blanche commence à venir nous rendre visite.  Heureux quand on peut trouver un peu de paille pour se faire une sorte de guérite.  

Il y a quelques jours , nous avons arrêté trois Alboches , avec chevaux et selles ; alors je me suis débrouillé pour me procurer une bonne couverture qui me sert de couvre-pieds.   On ne dépense guère d’argent ; mais ce qui fait maronner , c’est de penser au vin nouveau , et qu’on ne peut pas en goûter.  Espérons tout de même , et bientôt , en boire tous ensemble.   Dans ce pays , on ne peut rien trouver , ni vin , ni cidre. Heureusement que nous avons de bon café , jusqu’à trois fois par jour.   La goutte n’est pas bien forte , mais elle est bonne , et je vous assure que , le matin , après une ou deux gralées , ça fait du bien.   La viande est bonne.   Nous mangeons souvent du beefsteack avec des pommes de terre frites , et même des côtelettes de mouton.   Vous voyez que nous ne sommes pas à plaindre.  

Jusque là j’ai été heureux d’avoir pu assister presque tous les dimanches à la messe.   Ici l’église est petite , mais remplie de militaires à l’heure de la messe, dite par un bon vieux curé qui a bien 80 ans C’est vraiment là , à la messe , que l’on trouve tout notre espoir et nos meilleures consolations.   Quelle douce joie j’ai ressentie vendredi derneir , au moment où je me trouvais uni par la communion du 1er vendredi du mois , aux paroissiens de St Ph.  de Bouaine ! Hélas ! tous n’ont pas ce même bonheur , mais ne sont pas délaissés quand même pour remplir leurs devoirs de religion.  

Laissez-moi , à ce sujet , vous raconter un acte de dévouement de la part de notre aumônier.  

Toute la semaine dernière , notre héroïque aumônier , au péril de sa vie ne voyageant que pendant la nuit , au milieu du sifflement des balles , est allé de tranchée en tranchée , entendre les confessions de mes camarades qui sont toujours captifs en cette vie souterraine.   Ce matin , de très bonne heure , à 2 heures , je crois , il a dit sa messe , et ensuite il a porté la sainte Communion.  Mr l’abbé Grit , vicaire de Beauvoir , témoin de ce spectacle m’a assuré que la plus grande partie des soldats avaient pris part au banquet divin.   Il a ausi remarqué des hommes qui chez eux n’allaient jamais à l’église , et qui ici , se sont unis de grand coeur à leurs camarades , pour accomplir leur devoir de religion , laissant ainsi derrière eux tout respect humain.  

Après tant de périls à affronter , tant de peines à supporter , cette malheureuse campagne devrait , en effet , ramener à leurs devoirs , beaucoup d’hommes hésitants.   L. J. 

Bulletin paroissial du 10 janvier 1915 - N° 158

Le petit drapeau belge : Grâce à nos dévouées réfugiées , la vente du petit drapeau belge , faite sur la voie publique et aux portes de l’église , a été rapide et fructueuse.   Elle a rapporté la somme de 105 francs.   Cette somme a été remise aussitôt entre les mains de Mr le Maire , qui a bien voulu se charger de la faire parvenir à qui de droit.  

Nos soldats : Mr le Curé , Je suis conducteur des voitures de l’ambulance : les brancardiers vont chercher les blessés dans les champs et nous les apportent.   Quel spectacle dont on est parfois témoin ! Quand on est pour les descendre de voiture , souvent on en trouve morts.   Mais ce n’est pas plus triste que d’en trouver dans les tranchées qui y sont depuis 3 ou 4 jours , les jambes coupées.  

Heureusement que ces pauvres blessés ont pour les consoler Mr l’aumônier qui est toujours avec nous , et qui nous dit souvent la messe à laquelle assistent une grande partie des soldats.  Mais hélas ! dans ce pays , les gens ne vont point à la messe, et ils travaillent les dimanches comme les autres jours.   C’est bien triste.  Ce soir , si nous ne sommes pas dérangés nous irons à la messe de minuit.  

Depuis trois semaines nous avions un temps tout à fait humide ; et depuis trois jours il tombe de la neige qui fond à mesure.   
Jos.   E. 

Cher Mr le Curé , je veux vous parler de notre fête de Noël.   J’ai pu aller avec tous mes camarades de Bouaine à la messe du matin , où nous avons communié, (car il n’y avait pas de messe de minuit par prudence) ensuite nous avons assisté à la grand’messe de 10 h : et cette messe que je n’oublierai jamais.  Jamais en effet on sent mieux le besoin de secours qu’en face du danger.   La messe était chantée par le vieux curé de la paroisse ,et deux aumôniers faisaient les fonctions de diacre et sous-diacre.   Le chant était exécuté par les soldats et quelques officiers.   C’est surtout à la fin de la messe , que le chant des cantiques a fait couler bien des larmes , larmes de bonheur et de consolation, et qui semblaient jeter un nouveau défi aux démolisseurs de nos églises.   Pendant la messe on a fait une quête pour placer dans l’église une plaque commémorative du passage des bretons et des vendéens. 

Votre paroissien respectueux et affectionné.   Eug.  G. 

Cher M.  le Curé, Depuis huit jours, nous sommes entrés dans une série d’attaques , qui a donné aux brancardiers beaucoup de travail.   Plus de 700 blessés sont sortis de cette lutte corps à corps , qui s’est livrée dans les environs de Tracy -le Val et Puisaleine.   Il est heureux que nous ayons peu enregistrer quelques succès dans notre secteur.   Trois tranchées ont été enlevées successivement , mais nos braves zouaves et tirailleurs ont eu nulle peines pour tenir et consolider leurs positions conquises à la pointe de la baïonnette.   Le jour de Noël tout particulièrement a été marqué par une recrudescence d’activité dans l’attaque de part et d’autre.   Quel triste spectacle de voir les blessés arrivant en grand nombre en maculant la neige d’une traînée de sang.   J’ai peiné beaucoup ce jour-là , à transporter ces pauvres victimes de la guerre.  

Le jour de Noël , nos zouaves ont fait prisonniers une centaine de badois dont un lieutenant , qui portait sur lui une note officielle, enjoignant l’ordre de ne plus faire de prisonniers français.   La conclusion était facile à tirer.  Il ne fait pas bon de tomber entre les mains de nos ennemis.  Un prêtre qui s’est engagé dans les zouaves , a été frappé mortellement avant-hier alors qu’il entraînait sa compagnie à l’assaut.   Reconnu par sa bravoure et son sang-froid , il avait été cité à l’ordre du jour plusieurs fois et proposé pour la médaille militaire.   Tous les officiers supérieurs sont venus lui rendre visite à l’ambulance où il a été conduit - Union de prière.   Alc. G. 

Bulletin paroissial du 17 janvier 1915 - N° 159

Baptêmes : Marcel Benoît Session , né au bourg , des époux Alfred Session et Jeanne Brassart (réfugiés de Maubeuge)

Les soldats français disparus du 23 août au 5 septembre - Un journal de la Mayenne publie l’entrefilet suivant :

Un caporal infirmier , de retour de captivité , fournit les renseignements suivants, susceptibles d’intéresser de nombreuses familles :

"J’ai pu constater que,dans les hôpitaux du nord de la France, encore occupés par l’ennemi , se trouvent de nombreux soldats français blessés au cours de la retraite du 23 août au 5 septembre.   Il y a , en outre , de nombreux blessés anglais. 

"Aux uns et aux autres , il est interdit de communiquer avec leurs familles. Cette autorisation ne leur sera accordée que lorsqu’ils seront internés en Allemagne.  "

De là le long silence de beaucoup.   (Havas) Il y aurait donc encore espoir pour les familles.  

Bulletin paroissial du 24 janvier 1915 - N°160

La voiture publique ne correspond plus avec Montbert.  Depuis mardi dernier elle va porter ou chercher les dépêches à Vieillevigne.   C’est là qu’une autre voiture publique , partant chaque matin de Montaigu vers 7 H 1/2 et se rendant à Rocheservière , dépose les dépêches pour St Philbert de Bouaine , lesquelles nous arrivent ici par la voiture Mollé vers 9 H 1/2.   Le soir la même voiture part de St Philbert à 6 H 1/4 et est de retour pour 8 H 1/4.  Les prix sont les mêmes que pour Montbert.  De Vieillevigne à Montaigu , aller et retour 1 fr.  50

Nos soldats : Marcel Sorin du bourg , parti il y a quelques semaines a été blessé à Ypres , en Belgique , et dirigé aussitôt sur l’hôpital de Trouville dans le Calvados.   Il est blessé à une jambe.  

Edmond Chauvet du Temple , guéri d’une première blessure , et reparti au feu , a de nouveau été obligé de quitter le combat.   Ses pieds étaient gelés.   Il a du être transporté dans un hôpital d’Indre et Loire.  

Alfred Chagneau du bourg , blessé à une jambe , a eu également les pieds gelés , et est en traitement à l’hôpital de Besançon. 

Lucien Sauvaget de la Pausetière des Landes , assez gravement blessé à la tête et à un bras , est soigné à l’hôpital de Dax , dans le département des Landes.  

Lettre - M. le Curé , malgré toutes les épreuves que nous traversons , je peux m’estimer heureux de pouvoir assez souvent assister à la messe et d’y communier ; c’est toujours là qu’on y trouve le meilleur Consolateur.  

Notre commune sera sans doute bien éprouvée à la suite de cette malheureuse campagne , beaucoup de nos amis manquent déjà à l’appel , Puis les épidémies seront à craindre.   Enfin je conserve toujours mon sang-froid pour pouvoir lutter jusqu’au bout et me résigner à la volonté du

Bon Dieu.   L. J. 

 

Bulletin paroissial du 31 janvier 1915 - N° 161

La correspondance avec les prisonniers.   Le Comité international de la Croix-Rouge de Genève nous fournit les renseignements suivants , touchant la transmission des lettres , papiers et envois d’argent , destinés à des prisonniers français en Allemagne.  

Lettres - Ces lettres doivent être ouvertes, courtes , ne contenir aucune allusion à des évènements politiques ou militaires, sous peine de suppression par la censure.  Elles peuvent être écrites en français.  L’adresse doit être complète (nom , prénom , grade , affectation , lieu d’internement.  ) Les lettres recommandées ne sont pas admises en Allemagne.  

Colis - Les facilités accordées pour les lettres s’étendent également aux colis jusqu’à 5 kilos , qui sont francs de port et de douane depuis le 25 novembre. Les paquets ne doivent contenir ni comestibles pouvant se détériorer, ni journaux , lesquels sont interdits, même comme emballage.   Les envois de tabac , allumettes et cartes à jouer sont autorisés. Employer de préférence du papier-toile goudronné pour l’emballage. Ecrire l’adresse lisiblement , en observant les mêmes prescriptions que pour la correspondance.  

Envois d’argent.  - Les envois d’argent doivent être adressés avec les mêmes soins que les lettres et les paquets.  Bien que leur montant ne soit pas limité , nous conseillons de ne pas envoyer de trop fortes sommes.  

Tout colis , pli ou valeur est expédié à l’adresse donnée sans qu’il soit possible de modifier celle-ci en cours de route.  Les envois qui n’ont pu être remis pour une raison quelconque sont retournés à l’expéditeur.  Pour assurer ce retour , les expéditeurs sont priés d’inscrire leurs nom et adresse sur l’enveloppe ou sur l’étiquette.  

Nos soldats : M.  le Curé , Le métier militaire est bien dur surtout, quand en arrivant sur le front, on voit les grosses marmites tomber à moins de 30 mètres de soi.  Il n’y fait pas bon non plus à se coucher dans la boue, pour se garantir des balles.   Plusieurs fois celles-ci sont tombées sur mon sac et ont glissé sans me faire de mal.  Il y en a pourtant une qui m’en a bien fait.   Le jour de Noël, les Boches nous ont poussé attaques sur attaques, et ce n’était pas le moment de s’amuser. Je vous dirai , M. le Curé , que j’ai tiré dans l’espace de 2 heures plus de 300 cartouches, tellement que le canon de mon fusil en était tout rouge.   Je vous jure aussi que les Boches tombaient.  Ils ont laissé sur le terrain plus de 300 morts et blessés, et 150 ont été faits prisonniers.  Si on n’avait pas été retenu, je crois qu’on aurait enfilé ces derniers comme un rien , tant on était furieux contre eux.   Ils baissaient sérieusement la tête en disant : Camarades , camarades !Ah oui, les gaillards ; ils étaient de bons camarades une heure auparavant ! Enfin trois jours après , nous avons eu encore une rude bataille , et j’ai été blessé.  Emmené au poste de secours, j’ai demandé aussitôt un prêtre.   On m’a répondu que je n’étais pas assez grièvement blessé.   "ça ne fait rien, leur ai-je dit , je veux en avoir un quand même. " Alors je me suis confessé, et j’ai communié en arrivant à Ypres, où j’ai passé la fin de l’année 1914.  Je termine en souhaitant bon courage à Mr l’abbé , et je souhaite que le Bon Dieu le garde.   M. S. 

Bulletin paroissial du 7 février 1915 - N°162

Nos soldats : Lettre d’un artilleur.   Mr le Curé , Il paraît que nous allons avoir à nous mesurer à 100 000 Allemands.   Espérons qu’ils ne seront pas de taille , et que Dieu aidant , nous les repousserons.  Ca va être le moment de cracher dans ses mains.   Les aéroplanes n’arrêtent plus depuis quelques jours , ils surveillent les manoeuvres de l’ennemi pour nous avertir quand il approche.   J’aimerais bien mieux coucher dans mon lit , vivre en famille et en paix , mais puisqu’il nous faut faire la guerre, eh bien ! Faisons -là. Il nous faut à tout prix sauver la France , quels que soient les sacrifices à faire.  

Si vous pouviez me voir en ce moment-ci , vous ne seriez pas assuré de me reconnaître , avec ma grande barbe que je sépare chaque matin d’un geste noble avec un peigne sale.  

Hier ,je me suis trouvé à côté d’un cimetière ; on y apportait sur des brancards , trois morts revêtus seulement d’une chemise et d’un caleçon tachés de sang.  C’est un bon Curé du voisinage qui a entonné le De Profundis, au moment où les 3 frères d’armes ont été placés côte à côte au fond de la fosse.  Je me suis trouvé là pour y répondre. Vous ne vous figurerez jamais combien cela m’a été doux de remplacer un enfant de choeur et les membres des familles de ces 3 glorieux morts.  

Ma peine est de voir des soldats qui ne veulent pas ouvrir les yeux à la lumière.   La guerre n’aura fait que les faire souffrir.  

Bulletin paroissial du 14 février 1915 - N°163

Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Jean Emmanuel Cormerais de Landefrère, soldat, âgé de 21 ans, décédé à l’hôpital de la Roche sur Yon , le 5 février.  

Conseil de révision de la Classe 1916 - Il a eu lieu à Rocheservière le vendredi 5 février.  

Ont été déclarés bons pour le service :

J. B. Avrilleau des Grimaudières , Jos.  Baudry de la Métairie , Aug. Buet de la Biretière, Eugène Coislier de l’Aurière, Georges Epiard du Cou , Henri François de Beauchamp , Aug. Hilléreau de la Couëratière , Jules Honoré du Paradis, Ferdinand Hervouet de la Favrie, Raphaël Remaud de Landefrère , Jos.  Sauvaget de la Lardière , Léon Sorin de la Bordinière. 

Ont été ajournés : Jos.  Bachelier du bourg , Emile Blais du Coing-Garat , Aug.  Cormerais du bourg, Lucien Morisseau de la Bouanchère , Aug.  Thibaud du Breuil -du -Faux.  

A été déclaré exempt : Benjamin Jaunet du Cou.  

Léandre Guibreteau , du bourg , de la classe 1916 , s’est engagé il y a un mois.  

Nos soldats : - Lettre.   Tous les soirs à 7 h , dans l’église de la Roche sur Yon , nous avons le chapelet suivi d’une instruction.   Quels beaux sermons nous y entendons! Comme les soldats sont contents ! Le jour de Noël à la messe de 8 h dite pour les soldats, jamais je n’ai rien vu de si touchant. Quel chant que celui du Credo et du Magnificat ! Il faut aller à Lourdes pour être témoin de choses semblables.  Et cette Communion , donnée par deux prêtres et qui n’a pas duré moins d’une demi-heure ! Avec quelle ardeur ces hommes chantaient leur croyance en Dieu ! Quel renouveau ne sent-on pas sur notre terre de Vendée , où en tant d’endroits , on ne pratiquait guère.   En vérité la guerre n’aura pas que des effets désastreux, et beaucoup d’âmes reviendront au Bon Dieu, qui sans cela, peut-être n’y seraient jamais revenues.  C’est comme une grande mission qui couvre le sol de la France.  Pendant ce temps on aime mieux le Bon Dieu, on comprend mieux le besoin de son secours, on le prie sans respect humain et avec confiance.  Les incrédules auront beau dire que la religion se perd, ce n’est pas vrai.   Qu’ils viennent donc à une seule cérémonie du soir , et ils s’en retourneront avec la conviction que la France chrétienne non seulement n’est pas morte , mais est plus vigoureuse que jamais.  Puis dans la communion , comme tous les coeurs étaient heureux de recevoir le Dieu de toute consolation , de pouvoir échanger leurs sentiments avec ceux du Coeur du divin Maître.  A ce moment , comme le soldat se sent consolé de ses peines et de ses tourments ; comme il se sent plus fort pour continuer cette vie de fatigue et d’ennui ; comme il se relève plus décidé à tous les sacrifices afin de sauver la France.   Oui notre France , en sa majorité , est encore chrétienne.  Mais la France officielle ? Quand tous les peuples viennent se jeter aux pieds du Dieu des Armées , seul , le gouvernement de France ne prononce jamais son Nom Sacré.  

Qu’on n’enlève pas toute espérance aux coeurs des braves qui luttent et qui souffrent là-bas , dans les tranchées , car c’en serait bientôt fait de notre belle armée; mais qu’on sache que devant le danger, les plus timides sont changés en coeurs d’acier par la foi et l’espérance.  

Je termine en disant que chaque fois que j’ai l’occasion de passer devant l’église , et que j’ai le temps, j’y entre , et je me dirige bientôt vers la chapelle de la Sainte Vierge.   Comme on y est tranquille , quels bons moments j’ y passe ; comme j’en sort réconforté.   Cl.   C. 

 

 

Bulletin paroissial du 21 février 1915 - N° 164

Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Philbert Hégron , de la Blinière, âgé de 26 ans, tombé au champ d’honneur , à la bataille de la Ferté-Champenoise.  

Nos soldats - M. le Curé , Blotti au fond de ma tranchée comme un lapin au fond de sa garenne, je veux m’entretenir un petit moment avec vous.  Je ne suis cependant pas trop en sécurité , car la fusillade continue journellement , et dès que l’on se montre , les balles ennemies sifflent autour de nous.   Depuis longtemps nous occupons les mêmes positions, combattant tranchée contre tranchée.  Je me demande quand est-ce que Dieu aura pitié de nous, car s’il est ainsi révolté , c’est certainement à cause des péchés commis dans notre pauvre France ; et s’il n’a pas châtié son peuple sur le coup , il le fait certainement aujourd’hui.   Un fait dont j’ai été témoin.   Un soldat se moquait des prêtres et de la religion , proférant des paroles blasphématoires , et quelques minutes après une balle lui rentra dans la bouche et lui sortit au travers de la tête.   Il rendait aussitôt le dernier soupir.   Plusieurs d’entre nous , témoins de ce fait , ont cru à une juste punition de Dieu.   ( à suivre)

Bulletin paroissial du 28 février 1915 - N°165

Départ pour l’armée - Cette semaine un grand nombre d’hommes et de jeunes gens ont reçu ordre de se rendre à l’armée.   Sont partis : MMrs , l’abbé Stanislas Caille Vicaire , Alcime Arnaud de la Vrignais , Alphonse Forget de Noëlland , Armand Baudry de Landefrère , Alcime Dugast de la Ferrière , pour l’infanterie coloniale , à Brest ; Eugène Auneau , instituteur libre , pour le 123è d’infanterie , à Poitiers ; Auguste Nicoleau de la Favrie , Théophile Pouvreau du bourg , Armand Mériau du Petit Breuil du Faux , pour le 66 è d’inf.  à Tours ; Emilien Maratier du bourg , Pogu de la Renaudière , pour Fontenay le Comte , Gustave Grassineau du bourg , Clément Delhommeau de la Barretière , Louis Garreau du Temple , pour St Nazaire , Isaïe Sorin de la Noue -Morin , Henri Sorin du Piltier , pour Nantes ; J. B. Naulin de la Mercière, Armand Renaud de la Flomanchère , pour Chatellerault , Emile Choblet de la Gerbaudière , pour Rochefort ; Auguste Guillon du bourg, Louis Boutin de la Roche Chotard , pour Nantes ; Amédée Sorin du bourg , Clément Richard du bourg , Joseph Barteau du bourg , Edouard Rambaud de la Boule , pour la Roche sur Yon ; Eugène Lebreton de l’Héraudière, Ernest Martin de la Trinité , Jean-Marie Jeanneau de la Favrie , pour Fontenay le Comte.  

D’autres ont dû également recevoir leurs feuilles de route , mais nous ne les connaissons pas pour le moment.   Nous donnerons leurs noms dans le prochain bulletin.  

Bulletin paroissial du 7 mars 1915 - N°166

Chronique - Cette semaine , plusieurs hommes ont été appelés sous les drapeaux. Sont partis : Auguste Baudry du bourg , pour Nantes ; Jules Micheneau de la Chevronière , Henri Vollard du Point du Jour , H.  Charron de la Gergue , Armand Chiffoleau de la Garloupière , H. Blais du Coin-Garat , H. Sorin de la Lardière , pour la Roche sur Yon.  

Par ailleurs nous avons appris que plusieurs de nos jeunes soldats sont partis pour la Serbie ou la Turquie.  Ce sont : René Bourdet et Aristide Goillandeau , du bourg ; Joseph Rambaud de la Boule , et Lucien Remaud de Landefrère.  

Jeudi dernier, Mr l’abbé Bogaert , prêtre flamand de Belgique , est venu visiter ses compatriotes de Roulers , habitant actuellement le Gué-Bifou.   Ces braves gens qui ne parlent que le flamand , ont profité du passage de leur prêtre pour se confesser, et se préparer à leur devoir pascal.  

Nos soldats - Lettre d’un colonial (suite) Autre fait dont j’ai été moi-même témoin : une de nos tranchées était occupée par une section où se trouvaient beaucoup de Vendéens hésitant un peu pour sortir sous la fusillade et le feu violent de l’artillerie ennemie.   Voilà que le sergent se met à insulter ses hommes , les appelant bande de Chouans , ventre à choux.  "Croyez-vous , disait-il , que c’est votre Sainte Vierge que vous êtes toujours à prier qui va vous empêcher de sortir de là?" Il achevait à peine ces mots , qu’un projectile le frappe en plein coeur et le tue sur le coup. 

Ce soir ma section a pris les avant-postes , et nous avons dû marcher à travers les champs.  Nous avions 4 ou 5 ruisseaux à sauter , mais il faisait tellement nuit que la plupart des hommes ont sauté dedans.   Quant à moi , je suis arrivé à les sauter tous sans accident.   Chacun est enfin parvenu à son trou , mais les habits tout sales et les souliers remplis d’eau.   Nous n’étions pas couleur de chrétien.  Puis , dans la tranchée, la vase jusqu’à mi-jambe.  Pour commencer, j’ai pris la faction pendant trois heures.  J’étais comme gelé , et je me suis ensuite réchauffé en me couchant sur la paille trempée.  Quelle nuit! Nous l’avons passé à la belle étoile, sans dormir bien entendu, car nous étions tout près des Boches.  Tremblant de froid, sans abri , cachés derrière un fossé , ce n’était pas gai ! Nous sommes restés là 24 heures , et pendant toute la journée, l’eau est tombée à torrent.  Jamais je n’avais vu un temps pareil et jamais je n’ai eu aussi grand froid. Tant que dura la journée je n’ai fait que trembler.  Enfin 4 jours après , relevés par une autre section, nous retournons à notre 1ère tranchée.  Par une brume si forte qu’on ne voyait rien, on est parti à minuit.  J’ai roulé mon couvre-pieds tout trempé et je l’ai mis sur mon sac.  Arrivé au cantonnement vers 4 h, j’ai voulu défaire mon sac.  Impossible : toile, paletot, couvre-pieds , tout était gelé. Moi-même, je l’étais à moitié.  Il m’a fallu quand même prendre une heure de faction.   Je me couche à 2 h.  et je pars ensuite avec mes camarades, transporter des briques afin de faire de petites routes.  A 11h. 1/2 nous avons eu la soupe, et comme nous n’avons pas le droit d’avoir plus de 8 à 10 lumières dans le grand logement où nous sommes cantonnés , on ne voit à peu près rien , même pas manger sa soupe.  Ainsi ce soir , on l’a mangé au clair de lune.  A 1 h.  visite sanitaire.  Nous passons devant les médecins sans même avoir eu le temps de nous laver la figure : "Chemise sale, me dit le major, et sur la tête , besoin d’un coup de tondeuse".  Je m’en vais en colère , et tous mes camarades y étaient aussi.  Voilà à peu près mon existence depuis quelques jours, et je souhaite vivement une vie nouvelle. Malgré toutes ces misères, je suis en bonne santé.  Assurément je suis protégé et j’ai une grande confiance que Dieu me protègera jusqu’au bout.  Tous les matins je lui offre ma journée , mes peines et mes souffrances.  Je suis très fatigué et je souffre beaucoup de douleurs dans les membres; je le prends en patience et j’espère en être recompensé.  Cette vie est vraiment un purgatoire.  J’ai encore confiance que la Vierge Immaculée m’accordera la grâce de retourner sain et sauf parmi vous.   Quel heureux jour que celui-là ! En attendant , les jours que je suis de repos , je tâche de me procurer un petit moment pour aller à l’église et j’y rencontre souvent plusieurs camarades de Vendée.   Cela montre une fois de plus combien notre pays est catholique , et je remercie Dieu de m’y avoir fait naître.  J. M. PL

Bulletin paroissial du 14 mars 1915 - N°167

Sépulture : A été inhumé en terre sainte, pour y attendre , à l’ombre de la Croix , la résurrection des morts , le 10 mars , le corps d’Armand Joseph Hervouet du Bas Beauvais , soldat décédé à Ancenis , le dimanche 7 mars , à l’âge de 19 ans.  

Nous avons également appris avec regret la mort de Lucien Bureau de la Paquetière , tombé glorieusement sur le champ de bataille le 8 septembre.   Il était âgé de 21 ans.  

Nos soldats - Monsieur l’abbé Caille est à la 24è Compagnie du 2è régiment d’Infanterie coloniale à Brest.  Couché sur une simple paillasse, et n’ayant qu’une couverture, il a dû souffrir du froid, mais ne s’en plaint pas.  Grâce à la bienveillance de ses chefs , il peut dire le sainte Messe presque tous les matins.   Il voit souvent Mr l’abbé Daviaud, vicaire de St Philbert de Bouaine de 1897 à 1901, lequel est infirmier dans l’hôpital de Brest.   Pensons à eux, et prions pour que Dieu les fasse retourner sains et saufs en leur paroisse respective. 

Mr Auneau, qui est à Poitiers, à la 26è compagnie du 125è d’Infanterie, nous fait une description très humoristique de sa chambre, dont nous espérons bientôt faire bénéficier les lecteurs du Bulletin. Sa santé est excellente. 

Nous avons appris avec douleur que le soldat Jean Marie Planchot de la Vrignais, dont les abonnés au Bulletin , lisent avec un si grand plaisir les lettres vraiment intéressantes, est actuellement en traitement à l’hôpital de Clermont-Ferrand.  Grâce à Dieu, ses blessures, quoique nombreuses, ne mettent ses jours en danger.  "Je suis blessé, dit-il , en 4 ou 5 endroits par des éclats d’obus, j’ai la main gauche traversée par une balle, et l’index de la main droite un peu meurtrie. D’autres éclats d’obus m’ont également frappé à la poitrine, et dans la jambe droite, et dans la figure.  Un de ses éclats m’a même touché l’oeil droit , mais toutes ces nombreuses blessures ne sont pas graves; je ne souffre pour ainsi dire pas , ou plutôt , je ne souffre pas plus de ces blessures, que des maux causés par le froid et la misère des tranchées.  J’ai passé à la radiographie.   Les médecins après avoir examiné mes plaies , ont trouvé quelques petits éclats d’obus restés dans la poitrine , et qui devront être extraits.   Mais j’ignore quand viendra mon tour pour cette opération.   tous les jours , les médecins font 5 ou 6 de ces opérations. 

J’avoue que je suis heureux de n’avoir été blessé que légèrement , car j’aurais bien pu être tué dans une pareille mitraille.  Il y avait au moins 25 ou 30 pièces de canon qui crachaient sur nous , et il est étonnant qu’il en ait resté un seul vivant.  

J’avais mon cache-nez autour du cou , et il a été percé en tous les sens.  Vraiment , c’est étonnant que je n’ai pas reçu davantage d’éclats d’obus dans tout le corps.  Remercions ensemble la Sainte Vierge de m’avoir ainsi protégé.   J’ajoute que notre attaque avait très bien réussi.  Notre mission était de prendre un fortin où il y avait des mitrailleuses, des canons et des lance-bombes.  Nous avons pris tout cela, et 3 tranchées.  Celles-ci étaient pleines de Boches que nous avons tués.  "

Bulletin paroissial du 28 mars 1915 - N°169

Décès : Nous avons appris avec regret la mort d’Emile Naulin , soldat, décédé à l’hôpital d’Amiens, à l’âge de 22 ans.  Un service religieux a été célébré hier dans cette église , pour le repos de l’âme.  

Nos soldats : Depuis une dizaine de jours sont partis de notre commune :

Pour la Roche sur Yon, au 93è d’infanterie, J. B.  Choblet, de Beauvais; J. B. Pineau, du bourg, François Hervouet du bourg; Alphonse Hégron, de la Blinière ; Léon Pasquier, du Piltier ; Henri Dugast , de la Grande Héraudière ; -pour Fontenay le Comte (Chasseurs à pied) , Auguste Garnier, de l’Errière ; Jean Hervouet , de la Noue-Morin ; Lucien Hervouet du bourg ; Alfred Musset , de la Ganachère ; -pour Laval, (compagnie des cyclistes) , Eugène Bossard , du Temple ; - pour Brest, (Artillerie coloniale), Amédée Chauvet, du Temple; -pour Nantes, (train des équipages), Célestin Hilléreau, de la Garloupière; -pour Lorient, (Artillerie coloniale), Joseph Leclair, du bourg ; Jean Marie Gaborieau de la Morlière, Ferdinand Cormerais, du bourg ; Armand Bossard, du Temple ; François Brenon , de la Gerbaudière.  

Lettres :-Cher M.  le Curé , Comme ce soir le quartier est consigné par suite du départ sur le front de 300 conscrits maritimes, je suis heureux d’en profiter pour me renfermer dans ma petite chambrée , et causer quelques instants avec vous ; ce n’est pas que les distractions me manquent, car des chambrées voisines s’élèvent de joyeuses exclamations.   Pendant ce temps, il me semble vous voir au milieu de nos chers paroissiens écoutant la parole du bon Père Missionnaire ; je souhaite qu’il se fasse beaucoup de bien par ces différentes retraites que vous faites donner. 

La vie militaire m’apparaît de plus en plus dure , surtout certains jours ; ainsi hier , nous sommes sortis en ville pour aller manoeuvrer sur une grande place de puis une heure jusqu’à cinq heures, le fusil sur l’épaule; et que sera-ce quand nous aurons le sac ? Ce soir nous avons été vaccinés dans le dos contre la typhoïde : les douleurs commencent à se faire sentir assez sérieusement.  Il faudra recommencer cet exercice 3 fois avant de partir au front.   Celui qui essaye d’y échapper est menacé de 8 jours de prison , vous voyez qu’à la caserne on ne badine pas.  Depuis notre arrivée, il y a déjà deux morts parmi les réformés , un de Loire Inf. , l’autre de la Vendée.   Ce dernier, (un poitrinaire), la veille, je l’avais aperçu à la fenêtre de sa chambrée en train de prendre l’air pendant que nous faisions l’exercice.  Ici il faut marcher jusqu’au bout , on n’est pas facilement dispensé d’exercices.   - Je commence à mieux dormir la nuit, par suite de la fatigue la plus grande. 

Le cher bulletin paroissial est attendu avec impatience chaque semaine, et par votre vicaire , et par vos paroissiens mobilisés à Brest.   Envoyez-le si , c’est possible , dès le samedi soir.  

Votre vicaire reconnaissant et dévoué en N. S.  S. Caille

M. le Curé , Presque tous les jours j’ai la douce satisfaction de pouvoir assister à la messe et d’y communier.   Tous les soirs on peut assister au Salut et le vendredi au Chemin de la Croix.  Au salut, hier soir, notre bon Curé de M..   nous a avertis que le temps des Pâques était ouvert à tous les habitants du canton d’Albert, et aussi à tous les soldats. Quel spectacle nous avons eu en voyant la petite église remplie de soldats à la messe de communion de 6h1/2 et à celle de 8 h. Ensuite j’ai été à la grand’messe qui était chantée par un prêtre-soldat. Pendant la messe nous avons eu un sermon par un aumônier du 123è territorial.  Il nous a dit que ce temps était pour nous comme une grande mission, où l’on se retrempe dans la foi catholique.   Votre tout dévoué.  L. J. 

Bulletin paroissial du 4 avril 1915 - N° 170

Nos soldats : Lettre de M. Auneau : Faisons un petit tour dans ma nouvelle demeure. Ce n’est pas la caserne, mais bel et bien , un coin du grand Séminaire, pris par le gouvernement.  La cour de notre quartier est excessivement petite.  Dans notre chambre, on y voit deux cheminées. . .  sans feu.   Cependant, pour y entretenir la chaleur au moins pendant la nuit, on nous a ménagé la surprise agréable d’avoir de vastes ouvertures en communication directe avec le dehors. Deux carreaux sont cassés , et sous la porte une ouverture effrayante. Donnant communication avec le corridor, une superbe porte ex-vitrée. En haut, un riche plafond décoré de quelques trous, nous préserve de la pluie. Malgré ces courants d’air multiples, jusqu’ici, je n’ai encore pas enrhumé. - Le couchage est-il bon, est-il mauvais? Oui et non. D’abord notre sommier métallique se compose de cinq planchettes clouées sur trois traverses servant d’isolateur ; puis une paillasse pas trop épaisse, sans doute pour avoir moins de peine à la brasser: ensuite, un traversin en plume.. .  de paille: le tout recouvert d’un blanc sale.  Comme drap notre culotte.  Avec cela on dort comme des bienheureux ; et si le matin on a un peu mal aux reins , on finit par s’habituer. 

Cette gentille chambre mesure 9 pas de long sur 4 de large, et renferme 16 Vendéens.  Notre espoir est de ne pas rester longtemps dans ce superbe logis. 

Comme nourriture, nous sommes très bien.  Même il y a souvent changement d’ordinaire.  Hier soir , nous avions même.. .  du poulet avec des haricots.  Trois fois par semaine nous avons du vin.   Le jus est excellent et nous n’en avons pas moins de deux quarts chaque matin.  

Nous sommes de nombreux Vendéens à la compagnie.  Mais la plupart sont des environs de la Mothe-Achard.  Ces malheureux ont toujours le blasphème à la bouche: quelle pitié!

Par bonheur, j’ai rencontré dans ma compagnie Mr l’abbé Airiau de Rocheservière.  Nous faisons à tous deux une paire d’amis. Aussitôt arrivé, je suis allé lui serré la main, et dimanche , j’avais l’honneur et le grand bonheur de servir sa Messe à Notre Dame la Grande, pendant la Grand’messe.  Que c’est doux pour un coeur chrétien d’associer ainsi l’uniforme au Sacrifice divin. Priez pour moi, cher M. le Curé , et pour les pauvres soldats.  E. A. 

Bulletin paroissial du 11 avril 1915 - N°171

Sépulture : A été inhumé en terre sainte, pour y attendre, à l’ombre de la croix, la résurrection des morts, le 7 avril, le corps d’Alphonse Forget de Noëlland, soldat , décédé à l’hôpital de Brest , à l’âge de 27 ans.  

Nos soldats : La semaine dernière, François Hervouet de la Roche-Chotard, et Louis Bretin, du bourg , ont reçu leur ordre d’appel.  Le premier est parti pour la Roche sur Yon ; et le second, pour le 81è régiment d’infanterie , à Nantes.  

Nos conscrits de la classe 1916 , ont été appelés :

Joseph Baudry de la métairie, au 51è d’artillerie à Nantes. 

Jules Honoré du petit Paradis , Ferdinand Hervouet de la Favrie, Joseph Hilléreau de la Couëratière, au 2è régiment d’Infanterie coloniale , à Brest.  

Léon Sorin de la Bordinière, Joseph Sauvaget de la Lardière, Raphaël Remaud de Landefrère, au 64è d’Inf.  , à Ancenis, Aug.  Henri François de Beauchamp, au 2è génie, à Versailles.   - Georges Epiard du Cou, au 4è régiment de zouaves à Rosny sous Bois, près de Paris.  

J. B. Avrilleau des Grimaudières, au 77è d’Inf.  de Cholet. 

Aug.  Buet de la Biretière, et Eugène Coislier de l’Aurière , au 137è d’Inf.  , à Fontenay le Comte.  

Lettre.   Cher M.  le Curé, Je vous assure que si nous combattons en bons français nous combattons aussi en bons chrétiens.   De ce moment nous sommes heureux d’être au repos pour aller rendre visite à Celui qui nous donne le courage de supporter nos épreuves si terribles parfois, comme par exemple, lorsque l’eau , dans les tranchées, nous monte jusqu’aux genoux.   Oh oui ! en des moments pareils, il n’y a que Dieu qui puisse nous donner courage.  Hier soir nous avons assisté à un Salut du S. Sacrement, et il aurait fallu nous entendre chanter !Ce matin , nous avions le chemin de Croix.  Aussi le Bon Dieu ne peut pas rester sourd à nos prières, et cette pensée nous donne du courage.  Pour moi, je ne me suis jamais désolé, et jusqu’à présent je n’ai qu’à remercier Dieu. 

Eug.  B. 

Bulletin paroissial du 25 avril 1915 - N°173

La St Georges - Nous regrettons vivement le départ de 3 familles : celle d’Emmanuel Airiau de la Couëratière, partie pour l’Epinaie de Saint André Treize Voies ; celle de Pierre Grimaud de Landefrère , partie pour le Plessis, également de Saint André Treize Voies, et celle de Vve Bouaud de la Gergue. 

Nos soldats : Un certain nombre de paroissiens ont reçu cette semaine leur feuille de route.  

Voici ceux dont on nous a parlé : Jean Rousseau du Gué-Bifou , Antoine Cormerais de Landefrère , François Guillet de la Merlatière, Théophile Pavageau de la Garloupière, Albert Samson et Auguste Guilet du bourg, Paul Moreau de la Lardière, Vital Garreau de la Noue-Morin , Sam. Déramé de l’Ecorce , Aug.  Pavageau de la Trinité, J. B.  Bachelier du Bourg , Hri François de Beauchamp, Cl. Rezeau de la Bouanchère.  

Bulletin paroissial du 2 mai 1915 - N°174

Nos soldats : - Lettre.  Dimanche dernier, à 2 h.  du matin , nous nous sommes rendus à un km.   des tranchées qu’il nous fallait occuper.  Tout à coup, une forte fusillade se fait entendre, le canon tonne et les yeux n’aperçoivent plus que nuage de feu et de mitraille.  Par malheur, plusieurs obus allemands éclatent sur nous, et en tuent ou blessent une trentaine de ma compagnie.   Quelques uns d’entre nous ont leur gamelle percée , le sac troué; pour moi j’ai eu mon képi brisé sur ma tête, sans avoir une seule égratignure.   Une fois de plus j’ai vu que le Bon Dieu et la Sainte Vierge, en qui j’ai mis toute ma confiance, n’ont pas cessé de me protéger.   La nuit, notre sentinelle s’est laissée aller au sommeil, et les Allemands nous ont surpris, mais nous avons fait une vive contre-attaque, et aidés du 75 , nous avons fait un effroyable carnage.   Un Capitaine Boche se voyant perdu , a voulu se défendre jusqu’au bout , et il a tiré plusieurs coups de révolver sur ceux qui se sont approchés de lui , mais heureusement sans rien attraper.  Sitôt après , trois de chez nous s’élancent sur lui , et l’ont cloué à la tranchée avec leurs baïonnettes.  Un autre capitaine a été fait prisonnier.   Par la menace on l’a décidé à parler et il a déclaré que les Allemands ne sauraient continuer la guerre plus de deux mois, parce qu’ils auraient la famine. 

Reste à savoir s’il a dit la vérité.  L. G. 

Un de nos bons amis, ne se contente pas de prose ; il nous a envoyé plusieurs pièces de vers qui ont bien leur mérite.  C’est donc avec grand plaisir que nous vous offrons aujourd’hui la lecture du Diable noir

Crispé sur ses volants, l’oeil au collimateur,
L’oreille bourdonnante à la voix du canon ,
Le servant étourdi, la rage plein le coeur
Repointe sans arrêt sur le maudit Teuton.  
Et le brave canon sous la main du pointeur
Chante joyeusement sa vibrante chanson ,
Hymne de délivrance et de virile ardeur
Dont retentit la plaine au delà du grand mont. 
A l’horizon lointain l’Allemand terrifié
N’ose plus se montrer et reste pétrifié. 
Cet obus de malheur qui frange le ciel noir,
Déchire la nue et file lugubrement,
Et vient dans son terrier éclater bruyamment,
Lui semble l’intervention de quelque diable noir.   P. D. 

Bulletin paroissial du 9 mai 1915 - N°175

Sépultures : Le 6 mai , le corps de Julia Vandermeeren, refugiée, décédée au Gué-Bifou , à l’âge de 4 ans.  

Bulletin paroissial du 16 mai 1915 - N°176

Nos soldats : Notre 75 contre la cavalerie
Notre petit canon tout couvert de poussière
Roule au trop allongé de nos chevaux vaillants
Et tous nos artilleurs pleins d’une ardeur guerrière
Sont prêts à se lancer contre les Allemands. 
Tout à coup, au lointain, arrive à pleine allure
Un régiment entier de Hussards de la mort,
Sabre au clair, oeil ardent et haine figure,
Chargeant, criant, hurlant, car il est le plus fort
"Aux batteries, enfants !" Clame le capitaine
Contre les cavaliers, aussitôt les canons
Sont pointés, débouchés à zéro ! Quelle veine
de pouvoir leur montrer mieux que nos mousquetons. 
Feu ! le terrible obus a passé dans les lignes
Du régiment fameux qui se croyait vainqueur;
Feu ! la mitraille éclate, arrosant les poitrines
Des hommes, des chevaux, arrêtant toute ardeur. 
Un silence lointain suit ce bruit effroyable
L’émotion saisit le jeune canonnier. 
Mais notre capitaine en un calme admirable
Fait accrocher les trains et repart sans broncher.   P. D. 

Bulletin paroissial du 23 mai 1915 - N°177

Sépulture : Nous avons appris avec regret la mort de Armand Clément Tenaud , du Vignon, soldat du 51è d’artillerie, tombé au champ d’honneur le 6 mai, à l’âge de 22 ans.  

Sa mort est venue accidentellement par l’éclat d’un canon dont il était pointeur.  - La sépulture a été solennelle en l’église de Mailly-Maillet , département de la Somme.  Après la levée de corps faite par Mr l’abbé Retailleau, vicaire de la Chaize-le-Vicomte, et le chant de l’office funèbre , la sainte Messe fut célébrée par Mr l’abbé Combeau , aumônier du groupe, en présence d’une foule nombreuse et recueillie.  Plusieurs officiers étaient présents, et 2 d’entre eux, le colonel et le capitaine, ont prononcé , les larmes aux yeux, quelques paroles sur sa tombe que protège une Croix portant le nom du Cher défunt.  

Nos soldats : Lettre du 11 mai 1915.   Le voyage est enfin terminé et je vous assure que je ne me suis pas ennuyé tout le long de la route, car j’étais avec de bons camarades.  La plupart de ceux qui sont partis avec moi de Vannes, sont Vendéens ou Bretons, par conséquent bons catholiques.  Aussi, au milieu de leur gaieté habituelle, ils n’ont pas oublié les graves pensées de la religion.   Et même, ce qui m’a profondément édifié, c’est que presque tous avaient placé sur leur poitrine le drapeau du Sacré-Coeur, affirmant par là leur caractère de patriotes chrétiens.  Il est vrai qu’en arrivant, par ordre du chef, nous avons été obligés de cacher cette insigne, mais cela ne nous a pas empêchés de le garder et de la porter sous notre capote.  

Depuis ce matin ,nous sommes près de Verdun, dans un petit bourg où nous cantonnerons pendant 15 jours, jusqu’au moment de partir pour le feu. D’ici nous entendons très bien le canon , et nous voyons beaucoup d’aéroplanes qui survolent le pays; mais nous sommes complètement hors de danger, car il y a encore 15 km.  avant d’arriver aux tranchées.  Cependant le lieu où nous sommes est une base d’approvisionnement pour le champ de bataille des Eparges; c’est pourquoi il y a dans les rues et sur les routes une activité incroyable.   Ce ne sont que voitures et automobiles allant porter à ceux qui combattent, nourriture et munitions.  La plupart des habitants ont quitté le pays , et les maisons sont occupées par les soldats.  

Le temps est beau, et les renforts sont si nombreux, que j’espère que les choses vont peut-être assez vite se débrouiller. Pendant cette semaine de neuvaine préparatoire à la fête de la B.  Jeanne d’Arc, prions de tout notre coeur pour obtenir du Bon Dieu par l’intercession de cette grande protectrice, la fin de cette malheureuse guerre.  Ayons confiance que celle qui a déjà sauvé la France , la sauvera une seconde fois.   G. F. 

Bulletin paroissial du 6 juin1915 - N°179

Chronique : - Les conscrits de la Classe 17 , au nombre de 23 , sont allés vendredi dernier à Rocheservière, passer le Conseil de révision.  Sept ont été déclarés bons pour le service : Armand Baudry de Landefrère, Armand Dugast de la Favrie, Alex.  Guillon du Chiron des Landes, Aug.  Honoré du Paradis, Alp.  Lemoine de la Pausetière des Landes , Pierre Morisset de Landefrère, Joseph Roy de la Valotière. 

Ont été ajournés : Jos.  Airiau de la Couëratière, Maurice Biret du Gué-Bifou, Félix Bachelier, Jos.  Bouaud , du bourg, Jos.  François de Bauchamp, Jos.  Dugast de la Noue Morin, Raph.  Gendre de la Roulière, François Hervouet de la Roche-Chotard, Jos.  Leclair du bourg, Jean M. Marchais de la Dronière , Jos.  Pavageau de la Blinière, Jos.  Richard du bourg, Aug.  Rousseau de la Chevronière , Jos.  Vaidie de la Roulière. 

Ont été exemptés : Isidore Honoré du bourg , et Jos.  Rousseau du Piltier.  

Nos soldats : - Lettre.   M. le Curé, C’est de loin , bien loin , du diocèse d’Arras, que je vous adresse la présente.  Le pays où nous sommes a l’aspect charmant et riche. Il n’a nullement souffert de la guerre, aussi la plupart des gens ont-ils un certain air d’aisance.  Les campagnes sont très bien cultivées, on y voit cependant encore un certain nombre de meules de blé non battu.  Dans la localité où nous avons cantonné hier, se trouvaient plusieurs mines de charbon.  toutes les contrées que nous avons traversées pour venir, ont peu ou point souffert de la guerre.  Nous avons toujours longé les régions désolées; aussi jusqu’à ce jour n’ai-je eu qu’un léger aperçu de la guerre.  Depuis samedi matin au moment où nous débarquions à quelques kilomètres des tranchées jusqu’à ce moment, le canon tonne sans discontinuer.  A certains moments il fait rage, c’est une drôle de musique, en ce moment je ne suis pas au danger, à moins que certain  malveillant s’imagine de nous expédier quelques bombes, mais nous sommes bien gardés par nos aéros.   Hier soir et ce matin , nous avons pu apercevoir le bombardement , dans le lointain, de quelques-uns de ces oiseaux de mauvaise augure.  

Je suis dans un bataillon de dépôt de la 17è division, nous attendons en nous perfectionnant, le moment de prêter notre concours à nos camarades.  Je crois que ce moment ne tardera pas, car la canonnade de ces jours nous indique une lutte terrible.   Quand le moment sera arrivé , j’irai comme mes devanciers et j’espère bien faire tout mon devoir sans faiblir. 

Hier matin , jour de la Pentecôte, j’ai eu le très grand bonheur de communier à la messe de 5h1/2.  Comme l’on communie bien au son du canon, et que l’on est heureux et fort lorsque l’on porte le Tactitien souverain dans son coeur.  

Après mon arrivée à notre nouveau cantonnement de Pernes, j’ai pu assister aux vêpres à 3 h.  et au mois de Marie à 7h.  dans une très jolie église.  

La meilleure distraction pour moi, est de passer quelques bons instants au pied de l’autel.  On se repose là, on se réconforte et on est à l’abri des conversations abominables de nombreux soldats mauvais ou inconscients.  

Je me recommande à vos bonnes prières, M. le Curé, je me recommande aussi à celles de mes Chers petits élèves de St Philbert.  Priez tous pour que je retourne, après le devoir accompli, pour continuer le bien parmi vos Chers petits paroissiens.   E. A. (Eugène Auneau)

 

L’arbre de Bitrys

J’ai revu le vieux chêne au sommet du coteau
Tendant vers le ciel nois ses grands bras rabougris;
La mitraille a cessé, seul le vol du corbeau
Vient troubler le repos de l’arbre de Bitrys

 

Sentinelle avancée et gardien de nos morts,
Il domine les monts où l’obus les coucha,
Et sa dure racine et son énorme corps
Font un fier mausolée au plus petit soldat. 

 

Il y demeurera quand nous repasserons
Guidés par la victoire, en élans furibonds;
Puis le printemps venu, son feuillage naissant
Voilera pieusement de son ombre bien douce
La terre refleurie où dorment sous la mousse
Les morts pour leur pays, nos compagnons d’antan. 

P. D. 

 

Bulletin paroissial du 20 juin 1915 - N°181

Sépulture : Nous avons appris avec regret la mort de René Bourdet, soldat, décédé à l’âge de 21 ans, aux Dardanelles, à bord du bateau "Burdigala".  Il est mort des suites de ses blessures.  Sa dernière lettre était datée du 8 mai, veille de sa mort. Cet excellent jeune homme possédait son brevet élémentaire, préparait son brevet supérieur, et se destinait à l’enseignement libre.   Ses lettres sont vraiment édifiantes, et montrent une grande foi mélangée d’un ardent patriotisme. En partant aux Dardanelles il écrivait :"Chère maman , je me suis offert à partir pour le front, comme volontaire, mais on ne l’a pas voulu.  Je veux redemander à partir, au prochain détachement, pour défendre la France et la civilisation contre les hordes de barbares qui veulent asservir l’une et détruire l’autre.  Dieu nous donne de dures épreuves, mais prions -le de nous donner la force de les supporter courageusement. Prions aussi la Très Sainte Vierge de nous protéger, et faisons courageusement notre devoir.   Pour moi, j’ai pris la devise suivante:"Fais ce que dois, advienne que pourra.   Je préfère mourir cette année et aller au ciel, que de vivre 70 ans et aller en enfer.  La mort n’est pas terrible pour un chrétien, c’est plutôt la délivrance.  

Aujourd’hui, je suis allé à la messe , comme d’habitude , et aux vêpres.. .  "

Il serait difficile de mieux penser, de mieux dire.  

Annonces :. . .  

Notre excellent Vicaire, l’abbé Caille, est toujours en bonne santé et en garnison à Brest.  Depuis quelques semaines il fait partie de la musique militaire; aussi les personnes qui désirent lui écrire, doivent modifier un peu l’ancienne adresse.  Jusqu’à nouvel ordre, on devra donc mettre : Mr Stanislas Caille, soldat, 2è colonial, Section Hors-rang, à Brest.  Finistère.  

Nos soldats : Cette semaine, nous avons été fiers de lire à l’officiel le récit de la prise des tranchées de Touvent, et de pouvoir constater une fois de plus, que dans la France entière, les meilleurs soldats étaient les Vendéens et les Bretons. 

"Vous avez sans doute dans ce combat, disait un officier allemand, fait prisonnier, à un officier d’état major français, envoyé contre nous des troupes d’élite : jamais je n’ai vu des soldats s’élancer à l’assaut avec autant de bravoure et d’entrain.  "Quels étaient donc ces soldats? "Les troupes dit le gouverneur français, qui ont mené ces diverses actions, sont composées de Bretons et de Vendéens. 

Elles ont toutes fait preuve d’un élan et d’une résistance dignes des meilleures traditions de l’infanterie française. "

Mais cette situation n’a pas été sans exiger de la population de St Philbert de Bouaine, de grands sacrifices.  Nombreux sont les enfants de cette paroisse qui ont combattu à Touvent, et nombreux aussi hélas ! sont ceux qui y ont été blessés.  Voici quelques noms : Théoph.  Richard du Pas-Marais, Aug.  Poiron de la Ségouinière, Ars.  Jeanneau de la Favrie, J. Bossard de la Chevronière, H. Morineau de Landefrère, P. Pogu de la Noue-M.  et L. Delhommeau de la Barretière. 

 

Bulletin paroissial du 27 juin 1915 - N°182

Décès.   Un nouveau deuil vient de nous frapper.  Le soldat Théophile Richard, du Pas-Marais , qui avait été grièvement blessé à la bataille de Touvent, a succombé des suites de ses blessures, à l’hôpital d’Amiens.  Sa sépulture a eu lieu le samedi 19 juin.  

Théophile Richard était bien connu des lecteurs de notre Bulletin. Combien de fois, et avec quel plaisir, nous y avons inséré quelques unes de ses lettres si intéressantes et si franchement chrétiennes. Parti dès les premiers jours de la guerre, il a toujours eu le pressentiment qu’il n’en reviendrait pas mais sans craindre la mort, il savait chaque jour faire à Dieu, le sacrifice de sa vie:"Il faudra, écrivait-il, des victimes expiatrices pour la Patrie. Peut-être serai-je de ce nombre; mais après tout, si je dois être atteint, c’est que Dieu l’aura permis. Je me soumets donc à l’avance à sa sainte volonté, lui promettant de souffrir et de mourir s’il le faut, en bon chrétien et en bon Français. 

D’ailleurs, l’assurance de retrouver au ciel ceux que j’aime, fera trouver moins pénible ce sacrifice. La mort ne m’effraie pas quand je songe que c’est le commencement de la vraie vie. "

A l’armée, il fut non seulement bon Français et bon chrétien, mais aussi un véritable apôtre du Sacré-Coeur, s’ingéniant à trouver quelques moyens pour obtenir la conversion de certains frères d’armes.  Il avait institué, ce qu’il appelait le Rosaire vivant, et avait fait promettre à plus de 100 soldats, de réciter chaque jour une dizaine du chapelet.  C’est lui qui, chaque soir du mois de Marie, s’occupait du petit trône élevé en l’honneur de la Sainte Vierge, et y accomplissait la fonction de sacristain.  

Il savait, en parfait chrétien, faire chaque matin, la communion spirituelle, et chaque fois qu’il le pouvait, la communion sacramentelle. Il était heureux quand il pouvait assister à la sainte messe , et se faisait un grand honneur de pouvoir la servir.  Y avait-il la sépulture d’un camarade ? Il répondait aux prières liturgiques.  Bref, son ardente piété se montrait sous mille formes. 

Le 10 juin, il a été frappé à son poste de téléphoniste en première ligne, et a eu le corps déchiré par une quantité d’éclats d’obus.   Transporté à l’hôpital d’Amiens il y est mort, en donnant à tous le spectacle d’une foi vive, et d’une grande édification.  Sur le point de recevoir le St Viatique , il récita tout haut les actes d’avant la Communion, et fit son acte de résignation à la mort.  

Peu habitués à voir la mort si chrétienne d’un soldat, tous ceux qui assistèrent à cette émouvante scène, même les soeurs infirmières et Mr l’aumônier, ne purent s’empêcher de verser d’abondantes larmes. 

Le cher mourant déclara offrir ses souffrances et sa vie pour sa famille, la France et Dieu ; après s’être offert en victime expiatrice, s’endormit dans la paix du Seigneur, dans la nuit du 17 juin , à l’âge de 27 ans.  

 

 

Bulletin paroissial du 4 juillet 1915 - N°183

Décès.  Encore une victime de la guerre ! Pierre Déramé, des Grimaudières, sergent, a été tué par un éclat d’obus le 7 juin.  Il était âgé de 34 ans.  Marié , il laisse une femme avec deux petits enfants, à qui il donnait constamment les meilleurs conseils.  Toutes ses lettres sont empreintes de la plus grande piété, du parfait abandon à Notre-Seigneur, et d’une entière confiance à la Sainte Vierge.  Elle était de lui, cette charmante lettre adressée à une épouse attristée, signée P. D.  , et insérée dans notre Bulletin paroissial à la date du 20 septembre:"Ma chère Marie, il ne faut pas se faire de chagrin, mes frères et mes camarades sont bien partis; pourquoi moi resterais-je de préférence aux autres ? Puisque Dieu l’a voulu, eh bien! je partirai.  Ce matin, je suis allé à la messe, je me suis confessé, et j’y ai fait la sainte Communion ; maintenant je suis fort, et Dieu fera de moi ce qu’il voudra. "

Cette force chrétienne puisée à la source eucharistique, Pierre Déramé savait l’augmenter sans cesse par la Communion aussi fréquente que possible, et il aimait, en chaque lettre, à faire partager cette joie à sa chère famille.  Son patriotisme était égal à sa piété, et dix jours avant sa mort, il écrivait :

"Avant que cette guerre soit finie, il nous faudra bien souffrir, mais il faut savoir prendre courage et patience.  Sois certaine, chère Marie, que je ferai toujours mon devoir pour l’amour de Dieu et de la France.  "Comme il disait vrai !

 

Lettre d’un soldat - Quand finira cette malheureuse guerre?Pour moi j’espère que bientôt Dieu nous délivrera de ce grand fléau, qu’il nous inflige. Cependant, je ne compte pas sur notre propre force, et je ne vois nullement les opérations avancer.  J’espère plutôt dans un miracle que Dieu fera en faveur de son peuple, lorsque celui-ci sera assez châtié, et converti.  Oui Dieu se laissera toucher par les prières suppliantes de tant d’âmes.  Cette force de la prière est plus grande que celle de l’armée.   L. A. 

Bulletin paroissial du 11 juillet 1915 - N°184

Nos soldats : La Croix de guerre avec palme et la médaille militaire ont été accordées à Théophile Richard du Pas-Marais.  C’est le colonel Marizot du 51è d’artillerie, qui devait aller les lui porter à l’hôpital d’Amiens.  Malheureusement la mort avait déjà fait son oeuvre.  Voici le motif officiel : "Etant chargé du service téléphonique du 1er groupe, a réparé à plusieurs reprises avec un inlassable dévouement et un grand courage, la ligne téléphonique fréquemment coupée par le bombardement de l’artillerie ennemie, a été grièvement blessé d’un éclat d’obus, et devra probablement subir l’amputation de la jambe.  "

au G. Q. G.  , le 14 juin 1915. 

Signé J. Joffre

 

Bulletin paroissial du 18 juillet 1915 - N°185

Décès : - Ce n’est pas sans une grande douleur que nous avons appris la mort de Théophile Bouchaud , tombé au champ d’honneur le 3 juillet, à l’âge de 40 ans, et dont le corps a été enterré le lendemain à Bellacourt-Rivière, (Pas de Calais. )

Peu d’hommes pourraient lui être comparés pour la pratique de la foi et la connaissance des Vérités religieuses, particulièrement de l’éducation foncièrement chrétienne.  Qu’on en juge par les admirables lignes adressées dernièrement à son épouse qui ne pouvait s’empêcher de verser quelques larmes:

"Chère Marie, C’est à toi de veiller à ce que nos enfants soient plus tard, des personnes fortes dans la foi.  Ne leur parle pas de leur père de façon qu’ils n’en gardent le souvenir qu’avec des larmes dans les yeux.  Fais-leur comprendre, bien qu’ils soient jeunes encore, qu’il y a ici-bas deux causes devant qui tout s’efface : le devoir du chrétien envers son Dieu, et du français envers sa patrie.  C’est pour remplir ce dernier que je suis là ; et si un jour je suis obligé de verser mon sang pour la France, c’est comme si je le versais pour Dieu.  

Tu me dis que tu offres tes larmes au Bon Dieu.  Oh ! je ne doute pas qu’elles ne lui soient très agréables ; mais il me semble qu’il serait plus content de te voir porter vaillamment la croix de séparation par amour pour lui, que de te voir la trainer dans les larmes.  Sache qu’il est nécessaire d’avoir des croix pour aller dans le paradis. 

Si je meurs à la guerre, qu’en souvenir de leur papa, Marie prenne mon Christ de la bonne mort , et Joseph, la médaille des hommes de France au Sacré-Coeur. 

Aujourd’hui, 1er vendredi du mois, je vais me transporter dans l’église de Bouaine, pour assister avec vous à la messe. Que Joseph et Marie ne s’étonnent pas de ne m’avoir pas vu , je serai caché derrière un pilier.  Qu’ils prient; toutes ces prières ne peuvent pas rester sans résultat, et quand bien même croirait-on tout perdu, il faudrait espérer encore. "

 

Bulletin paroissial du 25 juillet 1915 - N°186

Décès : Un nouveau nom à ajouter à la liste de nos soldats morts pour la patrie, est celui de Henri Garnier de la Hte Gergue, mitrailleur au 293è, blessé le 24 juin près de Mailly-Maillet, (Somme) et décédé le surlendemain , à l’âge de 29 ans.  

Il était dans une tranchée, quand un obus lancé par un canon-révolver, vint lui briser le haut de la jambe gauche.  "Il souffrit beaucoup de sa blessure, dit son sergent, mais avec courage, parce que c’était un chrétien convaincu et plein de foi. De plus, il avait bon coeur, et était un soldat modèle.  Je le regardais comme l’honneur de ma section, et je m’étais beaucoup attaché à lui. "

Tout l’hiver, il avait eu beaucoup à souffrir dans des tranchées remplies d’eau, mais, écrivait-il,"qui donc devait apprendre à mieux souffrir, que le soldat, à l’exemple du Christ qui a sacrifié sa vie pour le salut du monde et par amour pour les hommes.  Comme français, j’ai confiance dans le droit et dans l’immortelle destinée de ma patrie, mais comme chrétien, j’ai confiance en mon Dieu, qui accueillera et bénira mon sacrifice.  Jamais de découragement !" Le sergent de sa section, Mr Emmanuel Barreau, avait donc raison de dire en terminant sa lettre: "Henri Garnier fait honneur à St Philbert et à sa famille. "

Nos soldats : - Lettre.  Cher M. le Curé, Depuis le commencement du mois, nous avons eu bien de la misère.  L’autre jour nous avons fait une attaque et notre artillerie a commencé à tirer à 4 h. du matin pour ne se terminer qu’à 10 heures.  Ce n’était qu’une fumée, mais les Boches nous en envoyaient aussi.  A 10h.  15 minutes nous avons fait l’assaut, et nous avons pris deux lignes de tranchées, ce qui fait 1200 mètres en profondeur.  Mais tout n’était pas fini, et dans la nuit, à 3 reprises différentes , les Boches ont essayé de nous attaquer.  Malgré notre fatigue nous avons toujours tenu notre position.  Plus tard, ils ont amené des forces énormes, et nous ont bombardés à leur tour, depuis 3h.  de l’après -midi jusqu’à la nuit.  Jamais je ne me suis vu sous une pluie de feu pareille.  Mes camarades tombaient autour de moi, mais je ne perdais pas courage, je sentais en moi une force surnaturelle, et de temps en temps je me disais que celui que Dieu et la Sainte Vierge gardent sera bien gardé.. .  Tout à coup, un obus éclate sur ma tête, ma capote est déchirée à l’épaule, mon sac est traversé, et mon fusil est coupé dans mes mains au moment où je tirais, sans que je ne reçusse aucune blessure.  Cependant les Boches sortent de leurs tranchées et viennent vers nous; impossible de les arrêter, et malgré que toute la nuit nous nous sommes battus à coup de grenades , ils ont réussi à nous prendre 200 m de tranchées. Enfin , nous avons reçu du renfort, et nous avons chassé l’ennemi à la baïonnette.  Maintenant nous ne sommes plus dans le même endroit, et nous sommes bien.   On entend tout de même quelques coups de canon, mais c’est simplement pour ne pas en perdre l’habitude.  Alp. G. 

Bulletin paroissial du 8 août 1915 - N°188

Nos soldats : Cher M. le Curé, Me voici retourné à Bray sur Somme où je reprends mes anciennes habitudes qui ne sont pas trop mauvaises et me permettent un travail pas trop pénible.  Aujourd’hui dimanche, je me suis exempté volontiers de promener le cheval de mon capitaine, pour mieux assister aux offices : Messe de communion à 5 heures, grand’messe à 10 h. , sans perdre mon ancienne habitude d’aller aux Vêpres.  Ici nous avons une belle église comme celle de Bouaine.  

Ce qui diffère un peu, c’est que ce n’est pas le même chant ; mais la majeure partie de la troupe étant formée de Vendéens et de Bretons, nous avons l’avantage de chanter les mieux, et nous en sommes fiers.  Les quelques civils qui restent ici ne grossissent guère le nombre des assistants, et encore sont-ils là par curiosité.  Tout ça ne vaut pas notre vieux pays de Bouaine. Quand donc y retournerons-nous ? L. J. 

Bulletin paroissial du 15 août 1915 - N°189

Nos soldats : - Il ne faut pas perdre toute confiance au sujet des disparus, même depuis le commencement de la guerre.  La preuve en est belle, puisque ces jours-ci nous avons appris que Raphaël Déliré, sergent , tombé à Messin, et qui n’a jamais depuis donné signe de vie, est encore vivant.  Prisonnier de guerre, il n’a été dirigé sur l’Allemagne que dans le mois dernier. 

Parmi nos 6 jeunes gens qui ont pris part à la bataille du 14 juillet, en Argonne , quatre ont été également faits prisonniers : Camille Barreau , instituteur, du bourg ; abbé Gabriel Forget, de Noëlland ; Jean Marie Hervouet, de la Roche Chotard, et Samuel Egron , de la Blinière.  Le premier est à Mayence, le second à Giessen, le troisième à Kenigsbrück , le quatrième à Darmstadt.  Les deux autres, Joseph Honoré du bourg, et Léon Peignon ont pu échapper des mains de l’ennemi, mais non sans avoir reçu quelques blessures.  

 

Bulletin paroissial du 22 août 1915 - N°190

Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Marcel Cormerais , du Haut bourg, soldat, tombé au champ d’honneur, à la bataille d’Angres,(Pas de Calais) le 23 juin 1915, à l’âge de 29 ans.  

Nos soldats : - Lettre.   Monsieur le Curé, Nous sommes dans un pays où les gens sont las d’avoir la troupe.   Je comprends fort bien qu’ils se trouvent gênés dans leurs affaires , et que certains militaires ne sont pas toujours gentils à leur égard, mais ce n’est pas une raison cependant pour nous le faire sentir comme plusieurs le font.  

J’ai remarqué , sinon une très grande piété parmi la population des communes où j’ai séjourné , du moins un certain extérieur de dévotion.   Beaucoup de maisons sont garnies, comme dans notre Vendée, d’images pieuses.  Dans les cafés même, (chose bien rare en Vendée) le Crucifix occupe très souvent une place d’honneur.  Dans la campagne nous rencontrons très fréquemment des chapelles ou de beaux calvaires. 

Le plus fort de tout, c’est une enseigne d’auberge que j’ai vu au bourg de Pernes en Artois.  Sur une planche on lit : "Au Bon Pasteur" et une peinture représente entre 1 litre, 1 carafe et 2 verres , N. S.  portant une brebis sur ses épaules.  Vous avouerez avec moi que c’est pousser un peu loin le souci de la dévotion. 

J’ai eu l’occasion de voir de très jolies églises , où pour s’asseoir , les fidèles ont des chaises basses qui servent également de prie-Dieu.  Il y en a de différentes couleurs et de formes variées suivant la fortune du propriétaire.  A peu près partout le cimetière entoure l’église.  Sur les tombes en remarque de jolis monuments, belles croix et superbes couronnes, mais aussi beaucoup d’herbe.  

Dimanche, j’avais le bonheur d’assister aux Vêpres et à la bénédiction du T. S.  Sacrement, dans l’église de Croisette.  Les soldats y étaient très nombreux, mais à part eux, il n’y avait que quelques paroissiens et des enfants.  Mr le Curé voulut réserver le monopole des chants à ses Chanteuses et à sa Personne.  Jamais de ma vie je n’avais entendu chose pareille : psaumes , hymnes ,litanies de la Sainte Vierge, etc.  tout fut chanté à la vapeur.  

Chaque soir, dans nos différents cantonnements, nous avons une réunion présidée par Mr l’aumônier.  Après le chapelet, il y a sermon et bénédiction du T. S.  Sacrement.   Les soldats y sont très nombreux , en grande partie des Angevins, Vendéens et Bretons, cependant nous pourrions y être encore davantage.  Nous n’avons pas ici le mauvais esprit des dépôts, mais , hélas ! Satan a encore une large place dans nos rangs.  Comme on a toujours grand besoin de prier pour notre pauvre France.   Eug.  A. 

 

Bulletin paroissial du 29 août 1915 - N°191

Nos soldats : - De la lettre que je vais citer , ne cherchez pas l’auteur parmi les soldats vivants.  Il est mort au champ d’honneur il y trois mois.  Mais cette lettre renferme des sentiments si beaux et exprimés d’une façon si peu commune, que je ne puis m’empêcher de la faire connaître.  Le cher soldat essaie de consoler sa mère au moment de son départ pour une expédition lointaine. 

"Chère maman, Ne vous chagrinez pas inutilement pour moi , lorsque je serai parti, mais au contraire, montrez-vous forte et courageuse devant les épreuves que Dieu nous envoie : vous me ferez plaisir ainsi et me rendrez plus tranquille.  

Pour moi, je partirai content, car en combattant les Boches, je défendrai Dieu et notre chère France.  Et puis tous ceux qui partent ne restent pas.  4 cas se présentent pour eux.  1°Faire la campagne sans être blessé (ceux-ci sont rares, mais il y en a ), je serais content d’être de ceux-là : 2° être blessé ; pour être blessé , on n’est pas mort, et je serais fier d’avoir versé mon sang pour une si noble cause ; 3° être prisonnier ; cela n’est pas très gai , mais on revient près la guerre ; 4° être tué ; dans ce cas, je serais encore heureux , car étant mort pour Dieu et ma patrie, notre Sauveur ne pourrait que m’offrir une place dans son Ciel ( ce qui est le suprême bonheur) ; et soyez certaine que là-bas je ne vous oublierais pas et intercéderais Notre -Seigneur pour vous tous.   Donc vous voyez que rien de tout cela ne m’effraie ; consolez-vous donc et appliquons- nous à mieux servir Dieu de jour en jour ; là seulement est le vrai bonheur.   J’avoue que si je n’étais pas chrétien , je partirais moins gai sur le front.  Supportons donc généreusement ces épreuves ; nous en sortirons beaucoup meilleurs.   Ayons confiance en Dieu, Lui seul est notre Maître , et il ne veut que notre bien.  

Votre fils qui vous embrasse bien tendrement et vous aime de tout son coeur.   R. B. 

 

Bulletin paroissial du 12 septembre 1915 - N° 193

Nos soldats : Parmi les vaillants jeunes gens de St Philb.  de B.  , nous avons appris avec joie que plusieurs se sont spécialement distingués par leur bravoure sur le champ de bataille, et ont mérité d’être cités à l’ordre du jour de l’armée, avec droit à la croix de guerre.  Ce sont : Arth.  Vallé , Jos.  Rambaud, et Hri Bretin - 4 de nos jeunes gens ajournés ou provisoirement réformés sont partis pour la caserne , mercredi : MMrs les abbés Pl Dugast et Alph.  Fisson (à Parthenay ) ; Ad.  Vallé (à Tours) ; Fern.  Remaud 50 Fontenay le Cte)

 

Bulletin paroissial du 19 septembre 1915 - N° 194

Nos soldats : - Lettre.   Monsieur le Curé , Aujourd’hui , après huit jours passés en tranchées , je suis au repos.  Demain soir nous y retournerons et y demeurerons cette fois onze jours, dont probablement huit en premières lignes.   Après, nous reviendrons au repos bien gagné, si Dieu le permet.  

Jusqu’à ce jour, je peux me considérer un peu comme l’enfant privilégié de la divine Providence.  Je continue comme par le passé à mettre mon entière confiance en Dieu et la T. S.  Vierge, car eux seuls, sont vraiment des Amis protecteurs dans les moments difficiles et périlleux qu’est appelé à vivre le soldat en campagne.  

Tous ceux qui comme moi, et plus que moi, ont vécu les longues heures de garde à quelques mètres de l’ennemi pendant la nuit, vous diront la force et le courage que puise le coeur en s’entretenant avec son Dieu pendant ce terrible silence nocturne de la nature.   Comme nous , N. S.  a souffert, et la pensée de ses souffrances atténue les nôtres.  Quant à la T. S.  Vierge n’est-elle pas la Mère qui console? Elle est la Messagère entre le coeur du soldat et sa famille.  Pour ma part, Mr le Curé, je n’ai jamais connu une seule peine depuis mon séjour au front qui ne soit adoucie par une élévation de mon coeur à Dieu et une pensée à la T. S. Vierge.  La prière ! il faut passer par les dangers de la guerre pour en connaître la vraie saveur.  

La guerre est longue , très longue.  L’ennemi , loin d’être abattu , pantelant comme nous le voudrions, souille le sol aimé de notre Patrie de sa lourde botte, sa puissance semble augmenter avec ses pertes.  Depuis longtemps, de notre côté , nous le contenons par une formidable barrière, mais chez nos alliés il avance d’une façon effrayante.  Allons-nous encore assister longtemps à cette temporisation chez nous, et à cette avance insolente d’un autre côté ?Je ne veux pas le croire , M. le Curé.  Bientôt, nos alliés éprouvés vont lui crier halte-là ! et de nos tranchées, un ouragan de mitraille précédant nos vaillantes phalanges, après avoir renversé ses formidables moyens de défense, l’obligera à retraverser en désordre et très affaibli ce Rhin qu’il ne franchira plus.  

Mais pour voir se réaliser ce très grand bonheur, il nous faut plus que des canons, des obus et des soldats.  Comme vous ne cessez de le répéter à vos chers paroissiens, le secours de Dieu nous est absolument nécessaire, même d’une nécessité urgente puisque partout on est las du fléau.  Dieu ne nous le refusera pas ce secours, mais lui aussi temporise.  Ce n’est pas qu’il attende comme notre gnéralissime l’usure de l’ennemi, ni l’élaboration d’une nouvelle tactique ou un surcroît de munitions.  Il attend que nous le Lui demandions ou plutôt que nous le méritions.   E. A. 

 

Bulletin paroissial du 26 septembre 1915 - N° 195

Nos soldats : - Lettre.   les tranchées ne m’ont pas été très saines puisque je suis déjà blessé.  Je vais vous dire comment.  Nous avions reçu l’ordre de faire une tranchée nouvelle entre les deux camps adverses c’est-à-dire à peu près 100 mètres des Boches.   Le travail ne nous semblait pas tout intéressant; car nous n’ignorions pas qu’il y avait du danger.  Malgré cela nous sommes encore partis avec assez d’entrain et de courage.   Après avoir fait quatre kilomètres dans les boyaux, nous avons pris des pelles et des pioches au poste du colonel, et en route.   De temps en temps pendant notre parcours, nous étions arrosés par les marmites Boches qui malgré tout ne nous effarouchaient encore pas trop.   Enfin nous voici arrivés au bout du boyau, et il va falloir avoir du courage.  Le capitaine et le lieutenant sont partis examiner le terrain, et les voici de retour.   Alors un à un nous sautons dans la plaine ; car il faut vous dire que là où nous faisons la tranchée il n’y a aucun abri, c’est au milieu d’un champ ensemencé de trèfle.  Deux équipes différentes se mettent au travail, commençant à chaque bout du boyau, et se rapprochant d’une de l’autre.  Cependant, les balles sifflent continuellement, et les fusées qui nous éclairent de temps en temps nous font vite repérer.  Hélas !

le lieutenant tombe blessé par une balle qui lui a traversé la cuisse.   Deux hommes l’emportent et nous continuons le travail, toujours éclairés par les fusées boches.   Les balles continuent de faire entendre à nos oreilles une chanson qui n’avait rien de bien comique et je vous assure que je n’aurais jamais cru sortit vivant de cet enfer.   Les marmites elles-mêmes commencent à nous tomber sur la tête, et il va falloir travailler le plus possible afin de nous mettre à l’abri de la mitraille.  Alors le sergent me commande de placer mes hommes de façon à faire rejoindre les deux bouts du boyau.  Je me lève pour faire exécuter le commandement, et au même moment, un obus de 77 arrive , et éclatant à peu près à 7 mètres de moi, me couche, pas doucement, je vous l’assure. 

"Je suis blessé" , m’écriai-je , et alors je laisse pêle mêle mon fusil et mon équipement ; puis je me sauve au plus vite.  Le sang coule en abondance, mais ce n’est pas le moment de rester là à cause des marmites qui continuent toujours à tomber.  J’arrive jusqu’au gourbi du capitaine où je trouve son ordonnance qui me fait un pansement sommaire et qui m’apprend que les Boches m’avaient pris un beafsteack, sans doute pour leur déjeuner.  Alors je me suis couché sur la paille et j’ai dû attendre, depuis 10 h.  du soir jusqu’à 8 h.  le lendemain, l’arrivée des infirmiers qui m’ont transporté au poste de secours.  Là, le major m’a soigné, et m’a fait évacuer à l’ambulance où j’ai passé la nuit.  Après m’avoir piqué au sérum, on m’a dirigé vers Châlons, puis vers Lourdes, où je suis heureux d’être.  

G. B. 

 

Bulletin paroissial du 3 octobre 1915 - N° 196

Décès : Nous avons appris avec regret la mort d’Armand Douaud du bourg , tombé au champ d’honneur en Argonne, le 8 août 1915, à l’âge de 24 ans.  

Nos soldats : Lettre ; M le Curé , Nous sommes , je crois ; à la veille d’événements graves et peut-être décisifs. 

Quand vous recevrez la présente, où et que serai-je ?.. .  

Dieu le sait, que sa divine Volonté s’accomplisse. 

D’un élan commun , malgré l’effet démoralisant d’une longue attente, de pertes cruelles et d’efforts vains, tous les soldats français veulent se ruer à l’assaut de la barrière ennemie qui nous sépare si traitreusement d’une partie de nos frères.  L’effort sera considérable.  Mais nous voulons tous, qu’avant l’hiver la victoire brille sur nos drapeaux.  Nous voulons la paix prochaine pour notre infortunée Patrie.   Nous voulons briser cet affreux "Kolosse" aux pieds d’argile , car trop longtemps il a souillé notre noble France et l’héroïque Belgique de sa hideuse présence.  Nous avons en ce moment, pour atteindre ce but un bon armement, et des coeurs vaillants et généreux sous nos uniformes bleu-clair.  

Cependant à mon avis, il y a une chose indispensable, la principale à laquelle beaucoup ne songent pas assez. . . .  l’aide de Dieu.   Hélas, nous sommes loin de la mériter, car nos péchés sont si grands et si abondants ! Aussi Mr le Curé, connaissant votre bon coeur, la générosité et la pitié de vos chers paroissiens et particulièrement des enfants de St Philbert, je me permets en ces jours de solliciter de tous, un redoublement de supplications au Ciel et un grand souvenir pour vos combattants.  

Qu’ils sachent, que tout en faisant face à l’ennemi en lui présentant nos poitrines, en faisant à la France le sacrifice de notre sang et de nos vies, nos coeurs battent à l’unisson des leurs.   Dites-leur surtout que nous crions par votre bouche : "Priez, priez; la victoire est là, nous l’espérons ; nous ne faillirons pas pour l’atteindre , mais vous , aidez-nous, sauvez-nous par vos prières". 

Bien que je sois seul de vos paroissiens ici, M le Curé, je suis néanmoins assuré d’être l’interprête de tous.   Aussi est-ce du plus profond de mon coeur que je vous adresse ce pressant appel pour nous et pour la France.  

Nous, les lutteurs, nous allons avoir cruellement à souffrir en ces jours : souffrances physiques et souffrances morales.  Nous souffrirons de l’angoisse, du danger, de la faim , de la soif, du froid, du chaud, peut-être de la pluie.  Notre sang se mêlera peut être à notre sueur.  Si Dieu le veut, la santé et même la vie nous seront enlevées; mais nous supporterons tout courageusement et sans murmurer, puisque c’est pour la France et nos familles.   Si Dieu me conserve la vie, M.  le Curé, je vous récrirai après le grand coup, et alors élevant mon coeur vers Lui, avec vous nous Le louerons.  

Dites bien à mes élèves que je pense à eux chaque jour , mais que pour moi et leurs pères ou frères, je leur demande de s’imposer quelques sacrifices et de prier beaucoup.   Dieu nous a ménagé pour le moment des circonstances favorables.  Si nous avons maintenant la victoire c’est sans doute la paix prochaine, sinon, la campagne d’hiver dans toute son horreur.  Excusez-moi de cette liberté un peu grande que je prends avec vous, mais vous avez un coeur de pasteur duquel tout attendre.   Je mets ma confiance en la T. S.  Vierge.   Néanmoins daignez avoir un souvenir spécial pour moi afin que Dieu me ramène au milieu des miens et de mes chères élèves.   E. Auneau. 

Bulletin paroissial du 10 octobre 1915 - N°197

Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Lucien Remaud, de Landefrère, tombé le 13 août 1915 au champ d’honneur, au combat de Lingekopf (Alsace)

Nos soldats : - Au cours des glorieux combats de l’Artois et de la Champagne, nous avons eu malheureusement plusieurs blessés : Amédée Sorin, du bourg ; Clément Richard, du bourg; Eugène Bourdet, du bourg ; Eugène Naulin , de la Roche-Chotard ; Léon Garnier , de l’Errière, et Arthur Vallé, des Loreaux.  

Mr Eugène Auneau, notre sympathique directeur de l’école libre des garçons, dont nous aimons tant à publier les lettres si intéressantes, a vu également la mort de bien près , et voici en quels termes émus , il nous raconte ce qui lui est arrivé : J’en suis encore à me demander si ma tête est bien sur mes épaules ; je le crois cependant, car elle me fait passablement mal par intervalle.  

Dieu soit loué cependant, et la Très Sainte Vierge bénie, pour la très grande protection qu’ils m’ont accordée.  

Du coup je puis dire sans fanfaronnade que j’ai vu la guerre avec ses émotions terribles et ses lugubres visions. 

Quel tableau affreux !.. .  dont il m’est absolument impossible de faire une description exacte.   En ce moment, je ne suis pas sous la mitraille, je suis couché sur un peu de paille, au dépôt des éclopés.  Sans être gravement blessé, je le suis cependant un peu , mais pas assez pour avoir un long repos.  

Pendant deux jours nous avons été sous un fort bombardement des 2 artilleries, et pendant quelques heures les boches nous ont couverts de marmites.  Nous avons essayé une attaque samedi soir; mais hélas ! la chose n’a pas été aussi bien que nous l’aurions souhaité.  Heureusement que sur d’autres points les succès ont été meilleurs.  Enfin ce jour-là , je n’ai reçu qu’une petite blessure au pouce droit, occasionnée par un éclat d’obus.   J’ai pourtant vu de pauvres camarades de mon escouade tomber à mes côtés, et, chose bien pénible, qu’il m’a fallu enjamber pour avancer.  Quant à la journée d’hier, elle fut pour moi un bien triste dimanche.   Mais ce jour-là, vous avez dû tous prier spécialement pour moi, sans cela je ne serais certainement pas de ce monde.  Je me demande comment l’obus qui m’a atteint vers 1 h.  ne m’a pas tué, c’est vraiment miraculeux.   En effet, les boches nous bombardaient depuis un temps assez long déjà , les obus tombaient autour de nous.  J’étais avec un camarade dans un petit trou creusé par nous dans le côté du boyau, et c’est tout ce que nous avions comme abri contre cette rafale.  Mon camarade trouvant le lieu peu sûr me quitta. 

Quant à moi, je restai , me confiant à la T. S.   Vierge, mon sac à côté de ma tête pour me préserver cette partie du corps en cas d’accident.  Ce fut là une bonne idée.  Tout à coup en effet, une forte détonation , un violent déplacement d’air, une impression d’écrasement, et je restai complètement recouvert de terre et de pierres.   Un obus venait d’exploser à 1 m.  de moi et en face.  J’ai eu la sensation d’avoir la tête en bouillie et je me suis cru mort.   Je vous adressai à tous un dernier souvenir.  Puis tout à coup reprenant mes idées, je me rappelle que la T. S. Vierge m’avait déjà protégé; je récite un "Ave" , j’essaie de me remuer, mais impossible.  J’implore de nouveau la Reine du Ciel, et je me sens un peu plus libre.  Après une espèce d’effort , je me tâte; rien d’anormal, sinon un très fort malaise, mais j’étais toujours enseveli.  J’appelle au secours, rien ne vient.  Alors craignant la visite d’une nouvelle marmite, je me remue tant et si bien que je finis par sortir, le corps tout meurtri, et je cherche un autre abri plus propice en attendant une accalmie dans la canonnade.  A 2 m. un pauvre camarade abrité comme moi, gisait au milieu du boyau.  Pauvre ami, il avait cru trouver là un abri meilleur que le mien, et il y avait trouvé la mort.  Sur le conseil de mes chefs, je me dirigeai vers le poste de secours.  L’explosion m’avait beaucoup fatigué, mais Dieu merci, j’avais eu plus peur que de mal.  En effet, un petit éclat dans le gros orteil du pied gauche, quelques contusions à la main gauche , quelques petits éclats dans la jambe droite (4 ou 5 )et c’est tout.  

Je crois certainement devoir mon salut à la protection de la T. S.  Vierge.   J’ai perdu mon sac, mon bidon, ma musette et mon fusil; il ne me reste plus qu’à en trouver autant.   Continuons d’avoir confiance en Dieu.  

 

Bulletin paroissial du 17 octobre 1915 - N°198

Nos soldats : - Lettres  On se trouve tout à fait dans un mauvais pays qui ne mérite pas la peine d’être cultivé.  L’herbe n’y pousse même pas, car ce n’est partout que pierre blanche.  Le terrain est miné partout, et tous les jours, quelques mines sautent dans certains endroits.  On se trouve à 5 ou 6 mètres au plus des Boches.  Impossible de tirer; et alors on se bat à coups de grenades et de bombes à la main, et même à coups de pierres.   Malgré tout, ma compagnie a été la mieux protégée.  Dans une terrible circonstance, une douzaine d’hommes de mon escouade étaient en train de préparer nos sacs, lorsque une bombe énorme est venue tomber au milieu de nous, mais par miracle, elle n’ a pas éclaté.  Sans cela, on n’aurait pas eu le temps de sa cacher et la plupart de nous auraient été mis en morceaux.  Je n’ai pu m’empêcher de remercier le Bon Dieu et la Sainte Vierge de la grande grâce qu’ils m’ont accordée jusqu’à ce jour, et c’est ce qui me donnera courage jusqu’au bout.   Mêlez vos prières aux miennes, et j’ai pleine confiance que je retournerai, après les souffrances qui ne me font pas peur, revoir tous ceux qui me sont chers.  Ne perdons pas courage, prions toujours et sachons que nos sacrifices ne seront pas inutiles.   L. G. 

Je vais vous parler d’une petite cérémonie à laquelle j’ai eu le bonheur d’assister hier, je veux dire d’une messe célébrée au fond d’une grotte, à 200 m.  peut-être des Boches.  

Nous y étions assez nombreux, et parmi nous se trouvaient presque tous les officiers disponibles; puis, moment bien touchant, après l’Evangile, le Capitaine commandant le bataillon s’avance de quelques pas dans la grotte, et de sa voix forte, entonne le Credo.   Vraiment lorsque l’on voit cela, on se demande s’il n’y a pas quelque chose de changé au fond de bien des âmes françaises ?

Non ,il n’y a plus le respect humain d’autrefois. 

Ce matin, je viens d’assister à l’enterrement d’un de nos camarades, tombé, frappé d’une balle au coeur.  C’est bien triste, mais ce sera tout de même une consolation pour sa famille , de savoir qu’il est enterré avec toutes les prières religieuses.   E. N. 

 

Bulletin paroissial du 24 octobre 1915 - N°199

Nos soldats : - Nous sommes toujours dans une très grande inquiètude au sujet de plusieurs de nos braves soldats qui n’ont pas donné signe de vie depuis la bataille de la Champagne : Amédée Sorin du bourg, Arth.  Vallé des Loreaux, Félix Boutin de la Morlière, Alph.  Planchot de la Flomanchère, Célestin Biton de la Favrie, Pre Pichaud de la Garloupière, J. B.  Bossard de la Chevronière.   Elie Sauvaget de la Lardière et Jean Rivière du bourg, ont écrit de Giessen, où ils sont prisonniers.  -

-Seraient blessés depuis cette époque : Jean Marie Tenaud du Vignon, Ernest Martin de la Trinité, Joseph Honoré du Paradis, les deux frères François et Alphonse Jaunet de la Gerbaudière , et Amédée Chauvet du Temple.  

 

Lettre : Monsieur le Curé, C’est du beau pays de St Laurent que je vous envoie de mes nouvelles. 

Je suis ici pour y faire de la (mécanothérapie) , et en même temps l’on me pratique deux fois par jour, et très régulièrement, des massages, ce qui d’ailleurs me fait beaucoup de bien.  Mon état s’est beaucoup amélioré depuis quelques temps, bien que je sois encore loin d’être guéri.  Je marche cependant beaucoup plus facilement, mais l’ankylose ne disparaît pas vite.  Au nombre d’environ 120 blessés, nous sommes ici dans un local que vous connaissez certainement fort bien , au pensionnat St Gabriel.  Tout le personnel sanitaire est admirable de dévouement, depuis le médecin chef qui n’est autre que Mr Pelletier médecin à Montaigu (un brave chrétien) , jusqu’aux infirmiers , prêtres pour la plupart qui sont fort dévoués.  

Maintenant, cher Mr le Curé, que penser de cette maudite guerre qui ne semble pas vouloir prendre fin, et quand donc aurons-nous notre ancienne liberté ? hélas ! Dieu seul le sait.  Mais ne nous laissons pas décourager, et prions la bienheureuse Jeanne d’Arc, afin qu’elle revienne comme jadis bouter hors de France, ces loups sanguinaires qui voudraient nous dévorer.  La France est coupable, mais elle a assez expié puisqu’elle a lavé ses fautes dans notre sang à tous, nous ses enfants.  Que la Providence apaise sa colère; et alors après cette guerre; espérons que les peuples se souviendront du mot cité par le Créateur lui-même "Aimez-vous les uns les autres, vous êtes tous frères". 

Au revoir, Mr le Curé, bonne santé, et priez pour moi afin que je puisse revenir au pays, pour y vivre en homme convaincu et fier de sa foi, encourageant par mes actes vers le bien, ceux qui me seront confiés.  Votre paroissien dévoué.   Alph.  R. 

 

Bulletin paroissial du 31 octobre 1915 - N°200

Le chapelet du vendéen.   - Jean Gelineau a été blessé , un matin, au petit jour.   Deux camarades ont couru chercher une civière, dans un abri, et ont placé dessus le Vendéen, qui a dit d’abord : "Laissez-moi mourir ici ! Je souffre trop !- C’est le lieutenant qui l’a dit ! - Alors , faites le devoir!"

Sur ce mot magnifique, et tandis que le gros de la section disparaissait entre les murs de terre et gagnait la première ligne, les deux porteurs ont soulevé le mourant.  Ils l’emportent au poste d’ambulance qui est à un kilomètre en avant d’un village.   Deux autres camarades les accompagnent, et aussi le lieutenant, qui aime ce grand gars de Vendée, son meilleur soldat.   Le cortège suit l’extrême bordure de la piste boueuse tracée par les pieds des hommes et des chevaux.  

- Mon lieutenant ? 
- Que voulez-vous Gelineau ? A boire ? 
- Mon lieutenant, donnez- moi mon chapelet, s’il vous plaît, qui est dans ma poche de droite.  

On ne s’arrête pas.   La main qui s’est tendue pour saisir l’objet, la main gauche est toute blanche, le visage aussi est blanc, et les yeux sont refermés.   La pauvre tête se renverse en arrière ; la barbe fine remue un peu, la pointe en l’air, et les lèvres demeurent entr’ouvertes, mais elles ne crient pas.  Le lieutenant regarde la main pendante et qui tient le chapelet.  Les grains coulent, un à un entre ses doigts qui eurent l’habitude de semer le bon froment.   La première dizaine est achevée.   Mais le mouvement se ralentit.   Le matin se lève dans les bois.   
-Halte ! dit le lieutenant.  Les hommes déposent doucement le brancard sur la mousse.  Ils s’aperçoivent que le chapelet est tombé, et que Jean Gelineau vient de mourir.   R. Bazin

 

Bulletin paroissial du 7 novembre 1915 - N°201

Décès : Nous avons appris avec le regret la mort de Henri Garreau et de Lucien Pogu, du bourg, tous les deux tombés au champ d’honneur, le 20 octobre dernier, le 1er à l’âge de 42 ans , le second à l’âge de 30 ans. 

Chronique :. . . . .  

Félix Boutin de la Morlière , est au nombre des prisonniers à Darmstadt.  On est inquiet au sujet de Joseph Epiard de la Pierre Blanche, qui n’a donné signe de vie depuis plusieurs semaines, et qu’on sait avoir été grièvement blessé par des éclats d’obus, au moment où il se rendait chercher des vivres pour ses camarades.  

Des frères Chauvet du Temple, c’est Edmond et non Amédée , qui serait blessé.  C’est paraît-il pour la 3ème fois que ce vaillant jeune homme a été frappé par les balles ennemies.   Ajoutons que ses sentiments chrétiens ne sont pas moins admirables que son patriotisme.   "C’est pour moi, écrit-il, une distraction d’entendre craquer les obus.   Puis, je mets ma confiance en Dieu et j’ai le ferme espoir qu’il ne tombera pas un cheveu de dessus ma tête sans sa permission.   Tout est sous la garde de la Providence, et Dieu arrangera tout à son gré". 

 

Bulletin paroissial du 14 novembre 1915 - N° 202

Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Arthur Vallet, caporal, tombé au champ d’honneur le 26 septembre 1915, à l’âge de 25 ans.   Parti dès le commencement de la guerre, il a assisté à de nombreux combats, et s’est distingué en maintes circonstances.   Cité plusieurs fois à l’ordre du jour, il était décoré de la croix de guerre avec palme.  

 

 

Bulletin paroissial du 21 novembre 1915 - N°203

Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Joseph Epiard de la Pierre Blanche, et de J. B.  Joyau du Moulin-Neuf , tous les deux morts au champ d’honneur, le 1er à l’âge de 25 ans , le second à l’âge de 26 ans.  

Joseph Epiard a été frappé par des éclats d’obus en allant chercher des vivres pour les soldats de sa Compagnie, et est mort des suites de ses blessures.  Il avait déjà été grièvement blessé dès le commencement de la guerre , et semblait avoir échappé à la mort comme par miracle.   Dans une de ses dernières lettres, il écrivait : Nous trouvons le temps bien long.  C’est un châtiment de Dieu que

nous méritions bien ; et encore je ne sais pas si cette guerre modifiera bien la situation de nous autres catholiques.  Il faut l’espérer.   Mais combien parmi les catholiques qui restent indifférents, ne pensent pas qu’il y a un Dieu et qu’il faut s’incliner devant sa volonté.   Espérons donc dans la victoire, mais je crois qu’elle sera longue à venir.   Espérons surtout dans le Bon Dieu, sous la protection duquel il faut toujours se mettre.  

Quant à J. B Joyau, quoiqu’il ne fut pas précisément de notre paroisse, nous l’avons toujours regardé comme l’un des nôtres, puisque toute sa famille assiste régulièrement à nos offices, et que les petits enfants fréquentent nos écoles chrétiennes.  _ Il ne craignait pas la mort, mais regardait comme un honneur pour lui et pour sa famille, de tomber au champ d’honneur.  Animé de sentiments aussi patriotiques que chrétiens, il commençait et terminait ordinairement ses lettres par ces mots : Vive Dieu, vive la France !

Nos soldats : _ Lettre.   Cher Monsieur le Curé, Je vous remercie de tout mon coeur de votre petit livre de chant ; il nous a permis de chanter le jour de la Toussaint les messes de Dumont.   Oh !Mr le Curé, si vous aviez vu cette messe, pourtant sous la pluie battante ! J’aurais voulu que les plus incrédules de Bouaine y auraient été.  Ils auraient vu comment des soldats prient le divin Maître de venir sauver notre pauvre France ! Au moment de l’élévation, malgré la boue, tout le monde était un genou en terre et le front courbé.  M.  le Curé, je n’ai pu retenir mes larmes, je ne peux vous exprimer l’effet de cette cérémonie.  

On a prié avec tant de ferveur, que je pense bien que le Bon Dieu aura pitié de nos pauvres frères d’armes tombés sur les champs de bataille, et de tous ceux qui souffrent continuellement.   Le lendemain, nous avons aussi chanté la messe des morts.   Comme bon nombre de soldats y ont communié, Mr l’aumônier de la batterie disait qu’il en était heureux.   Hélas ! Il n’y en avait cependant pas assez car nous faisons à ce sujet une rude campagne.  

Recevez, Monsieur le Curé, mes plus sincères amitiés.   P. D. 

 

Henri Rorthais de la Ville-en-Bois, est signalé comme disparu depuis le 25 septembre.  

Aug.  Hervouet de Landefrère , dont le frère aîné est mort à l’hôpital de Niort des suites de ses blessures, vient d’être décoré de la croix de guerre.  Sous une pluie de balles il n’a pas craint d’aller près des tranchées ennemies, sauver la vie à deux officiers français.   En une autre circonstance , seul, il a réussi à se rendre maître de quatre Boches.  

Après le départ pour l’armée de Mr Auneau , la direction de l’école libre des garçons avait été remise à Mr Charles Verdon.  Celui-ci , par suite d’une trop grande fatigue et d’une santé très affaiblie, n’a pu continuer plus longtemps à donner l’instruction aux chers enfants.  Nous le regrettons vivement, et nous faisant l’interprète de toute la population de S.  Philbert de B. , nous remercions de tout coeur, M. Charles Verdon, du noble dévouement qu’il n’a cessé de montrer depuis de longs mois, en faveur de notre chère école libre de garçons.  Les classes continuent sous la direction de Mr Arthur Charrier, ayant comme adjoint Mr Auguste Bretagne

Bulletin paroissial du 28 novembre 1915 - N°204

Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Pierre Pichaud de la Garloupière, tombé sur le champ de bataille, à l’âge de 32 ans.  Cet excellent chrétien avait communié la veille de sa mort.  

Nos soldats : _ Nous avons eu la joie , cette semaine, d’en voir un bon nombre; qui sont venus en permission pour 6 jours.  Habitués à toutes les intempéries de la mauvaise saison en la Champagne ou en les Vosges , ils semblaient ne pas ressentir le froid excessif, pour nous si douloureux, et à une époque autrefois si bienveillante.  

Entre tous ces permissionnaires nous avons été particulièrement heureux de recevoir le R. P.  Alcime Graton, de la Renaudière, accouru des Indes sitôt la déclaration de guerre, et parti immédiatement sur le front comme brancardier divisionnaire.  

Edmond Chauvet du Temple , blessé en 3 endroits, a été fait prisonnier et conduit en Bavière.  

 

Lettre.  Cher Mr le Curé , Avec 250 camarades, me voici arrivé à l’Ile longue , près de Brest, pour garder 3000 prisonniers.   Ceux-ci sont enfermés dans un parc de 400 m.  de long sur 150 de large, entouré de deux haies de fils de fer.   Dans ce camp il y a plus de 80 cabanes en planches.   Ces prisonniers ont : chambre à coucher, cuisine , lavabo, etc.   Ils ne se font pas de bile , presque à tout instant du jour on les entend chanter et même jouer de la musique.   Le camp est gardé par 14 sentinelles en dehors et 5 en dedans.   La discipline est très sévère pour nous, et il nous faut prendre la garde tous les 2 ou 3 jours ; ce qui est dur surtout la nuit, car sur le bord de la mer il fait très froid.  C’est là que l’on peut méditer ou dire son chapelet à son aise dans le silence de la nuit.  L’Ile que nous habitons se rattache à la presqu’île appelée Crozon, où est l’église, mais d’où nous sommes éloignés de 8 km.   Or nous n’avons pas la permission de sortir, par conséquent impossible d’aller à la messe.   Cependant hier, j’étais de garde au camp quand à 9 h.  je fus relevé, et j’entendis un caporal qui criait :Y a-t-il des calotins qui veulent aller à la messe ? "Voilà, voilà" ai-je dit aussitôt, et plusieurs autres se sont présentés.  Alors nous sommes partis une dizaine accompagnés d’un caporal et d’un sergent, mais aussi avec les boches s’il vous plaît.  Il faut vous dire que tous les dimanches, un prêtre vient de Brest dire la messe pour eux dans une petite grotte.  Ce jour-là, ils étaient au nombre de 200 environ, et ils avaient l’air très fervents, même beaucoup d’entre eux sont allés à la Communion.  Que j’ai regretté de n’avoir pu en faire autant ! A notre retour, on a bien reçu des quolibets; mais peu importe , ça nous touchait pas, et on se sentait heureux d’avoir assisté à une messe.  Recevez, Mr le Curé, mes respectueuses salutations.   Alex.  G. 

Bulletin paroissial du 5 décembre 1915 - N°205

Mr l’abbé Caille a quitté Brest depuis dimanche soir.  Il est parti pour le front en qualité de musicienet de brancardier.   Sa nouvelle adresse est : Mr Stanislas Caille, soldat, S. H. R.  (fanfare)

Secteur postal N°173

Médaille militaire.  Elle a été conférée avec attribution de la croix de guerre, à Arsène Jeanneau de la Haute Favrie, sergent, au 93è Régiment d’infanterie. Motif : "Belle attitude au feu.  Blessé grièvement au combat du 9 juin 1915. A été amputé".  Signé : J. Joffre.   Arsène Jeanneau est toujours en traitement à l’hôpital d’Amiens.  

 

Bulletin paroissial du 12 décembre 1915 - N°206

Nos soldats : _ Sublimes condoléances.  Il s’agit d’une lettre bien touchante, adressée à une mère désolée, il y a quelques mois, par un de nos jeunes et chers soldats, au sujet de la mort de son frère aîné, tombé au champ d’honneur. 

Ma chère maman, notre douleur est grande, car votre René était si aimable , si aimant, il aurait fait si bon vivre avec lui.   Dieu ne l’a pas voulu et l’a appelé à Lui.  Que son Nom soit béni et que sa Sainte Volonté soit faite ! Mais, dans le malheur qui nous frappe, nous aurons néanmoins de nombreuses consolations.  - Ce sera d’abord de savoir qu’il est tombé en brave, face à l’ennemi , pour une cause noble et juste.   Ce sera ensuite de savoir qu’il est mort presque sans souffrance, le sourire aux lèvres, une flamme divine dans les yeux, en songeant à vous, chère maman, et à ce bon papa qu’il n’avait pas connu et qu’il est allé rejoindre; à nous tous enfin , heureux de verser son sang pour la Patrie, et satisfait d’avoir accompli son devoir jusqu’au bout.  - Enfin , notre plus grande consolation sera d’être assurés qu’il est mort en chrétien et que son âme pure a fait son entrée triomphale dans le ciel bénie de Dieu et fêtée par les anges qui forment sa Cour.   _ Oh ! bien chère Maman, je vous que pour ma part , j’ai arrosé de larmes la lettre m’annonçant la fatale nouvelle, mais je me suis ressaisi et je me suis dit : "A quoi bon le pleurer ? Il est si heureux maintenant dans le ciel que je ne veux plus que le prier et l’imiter.   _ Nous parlerons souvent de lui avec respect, admiration et fierté.   Son âme et son esprit planeront sans cesse au- dessus de nous et seront toujours mêlés à notre vie.  Nous le prierons ensemble avec ferveur, et lui, du haut du Ciel, nous protégera tous. 

Je vous embrasse, chère maman, avec toute la tendresse dont mon coeur dispose.   Eug.  B. 

 

Bulletin paroissial du 19 décembre 1915 - N°207

Nos soldats : _ Mr l’abbé Caille prie les personnes qui voudraient lui écrire , de ne pas oublier de mettre son adresse complète : soldat au 2è colonial, S. H. R.  (fanfare)secteur postal 173.  

Dans les derniers combats, plusieurs de nos soldats ont été blessés.   Auguste Fruneau du Temple, marié à Angélina Bossard, a été frappé par trois éclats d’obus ; et après avoir passé 3 semaines à l’hôpital a pu venir chez lui en permission.  

Charles Roy de la Ganachère a été blessé assez grièvement au genou gauche , le 7 octobre.   _ Henri Rorthais de la Ville-en-Bois , serait probablement tombé sur le champ de bataille, et n’aurait pas survécu à ses graves blessures.  

 

Lettres.  Cher Mr le Curé, Arrivé de permission depuis quelques jours, je m’isole un peu pour vous écrire un petit mot et vous remercier de la cordiale hospitalité que vous m’avez accordée pendant les quelques jours que j’ai passé à S.  Philbert de Bouaine.   Le changement de milieu pendant ces huit jours de permission m’a fait beaucoup de bien , car j’avais hâte de connaître le nouveau moral des populations vendéennes.  J’ai été heureux de constater partout dans la contrée une grande résignation devant les deuils nombreux, et une grande confiance dans la victoire finale.   D’aucuns se plaisent à reconnaître que ces victimes frappées dans la fleur de l’âge , sont la rançon que Dieu s’est ménagée pour sauver notre pays.  Par contre, quelques plaintes amères ont été proférées par des familles dont les sentiments chrétiens laissent beaucoup à désirer.  C’est de toute évidence que la foi sert admirablement le patriotisme, et des exemples nombreux attestent qu’un vrai chrétien ne recule jamais devant le danger, et que, dans un acte de charité parfaite, il sait donner sa vie pour

le salut de ses frères.  Combien sont allés au Ciel, qui, sans cette guerre, auraient continué une vie pleine d’égoïsme et de sentiments matérialistes.  La mort, devant laquelle ils ont dû s’humilier, a changé leur coeur, et ils ont entrevu dès cette vie un au-delà mystérieux seul capable de satisfaire leur idéal.  Dégagés de toute ambition humaine, ils ont tourné leurs regards vers le Ciel, ils ont demandé à Dieu d’agréer leur sacrifice.  Maintes fois, j’ai demandé à des blessés frappés mortellement s’ils faisaient bien volontiers le sacrifice de leur vie à Dieu pour le salut de leur pays.  Je n’ai trouvé aucune hésitation parmi eux.  

Bien que quelques uns semblent mécontents de la doctrine de l’expiation , il n’en est pas moins vrai, que c’est la plus élémentaire notion du Christianisme.  Car, sur quel principe repose le Christianisme, sinon sur la doctrine du rachat par la douleur de l’innocent ? Le soldat chrétien, instruit des grandes vérités de la foi, reconnaît que la souffrance commune efface la faute commune, et que la rédemption du pays se fera par le plus pur et le meilleur de son sang. 

Mettons donc notre confiance en Dieu, et attendons son heure avec patience.   A. Graton

Cher Mr le Curé, Je suis heureux de vous annoncer que je viens d’être promu au grade de sergent. Avec ma nomination s’achève mon séjour à S. Raphaël ; je pars en effet mercredi prochain 8 décembre 1915 pour Bordeaux où je m’embarquerai le 11 à destination du Sénégal : 12 à 15 jours de traversée.  Espérons que ce petit voyage s’effectuera sans incident.  

Nous allons là-bas instruire, après les avoir recrutés, 50 à 60 000 noirs; nous en aurons , je crois , pour 5 à 6 mois.  _ Je vous écrirai aussitôt que j’aurai mis le pied sur le sol d’Afrique.  Eug. B. 

 

Ecole libre des garçons. Le départ de la classe 17 ayant eu lieu beaucoup plus tôt qu’on en pensait, nous a obligé de faire appel à un nouveau personnel.   C’est Melle Joséphine Cantin qui est chargée de la direction de l’école.   Elle a comme adjointe Melle Marie Bizet.   L’expérience , pendant cette trop longue guerre, a montré que dans les nombreuses paroisses où le personnel féminin a remplacé le personnel masculin, les enfants se sont montrés encore plus obéissants et plus pieux.  Nul doute qu’il n’en soit ainsi dans notre paroisse.  _ A l’école libre des filles, Mademoiselle Chaigne est nommée deuxième adjointe.  

 

Bulletin paroissial du 26 décembre 1915 - N°208

Décès : Nous avons appris avec regret la mort d’Henri Rortais, tombé au champ d’honneur au combat du 25 septembre.  

Nos soldats : _ On pense souvent à eux, car ils doivent bien souffrir dans ces effrayantes tranchées : il fait froid, nous écrit l’un d’eux : il y tombe de l’eau et même de la neige , de ce moment, nous avons nos moustaches pleines de glace.   Aussi on travaille pour eux.   Nos petites filles de l’école libre ont commencé à tricoter passe-montagne , cache-nez et chaussettes. 

Malheureusement, les vacances forcées, à cause de l’épidémie qui sévit en ce moment sur notre paroisse, particulièrement sur les enfants, ont interrompu ce travail si méritoire.  

La veuve Pierre Déramé, de la Grimaudière, a été avisée officiellement que son mari , mort au champ d’honneur, a obtenu la médaille militaire. 

La Croix de guerre méritée par leur fils Armand, également mort au champ d’honneur , il y a plusieurs mois, a été remise à la famille Tenaud du Vignon. 

Armand Pageot de la Ganachère, époux de Berthe Fioleau, a été blessé au genou, à la bataille de Champagne, le 26 septembre.  Il est soigné à l’hôpital du Creusot, en le département de Saône et Loire. 

Clément Marnier du bourg , a été cité à l’ordre du jour pour acte de probité, ayant remis à son chef une certaine somme d’argent qu’il avait trouvée.