Les bulletins paroissiaux de 1916

Bulletin paroissial du 02 janvier 1916 - N°209

Nos soldats : M. Auneau espère venir en permission dans quelques jours . En attendant il envoie à Mr le Curé ses meilleurs voeux de fête et de bonne année . "A la place de la belle salle des oeuvres paroissiales , j’ai pour vous transmettre mes voeux , un vulgaire trou à 3 ou 4 m. sous terre, où la lumière ne pénètre que par une étroite ouverture , mais dans lequel l’eau s’est aménagée plusieurs gouttières. Puis, à la place des figures souriantes de vos bons petits paroissiens , je vois les physionomies plus ou moins hâves d’hommes rongés par l’ennui et la fatigue . Leurs vêtements sont mouillés et complètement recouverts de boue . C’est aujourd’hui mon 4è jour de tranchée ; si Dieu me garde j’en sortirai dans 3 jours , pour prendre quelques jours de repos et aller bientôt , je l’espère , revoir ma famille , mes amis et mes chers élèves ."

Pierre Pogu de la Noue-Morin , qui avait été blessé en 2 endroits , a quitté l’hôpital , et a obtenu un congé d’un an .

Léon Chauvet des Grimaudières , habitant depuis quelques années Pont-James , est tombé au champ d’honneur. C’était un chrétien et un brave. "Bientôt , écrivait-il à sa femme , nous allons franchir les lignes de ceux qui ont voulu terroriser le sol français. Si nous avons été dans la défaite une fois , ce n’est pas une raison pour ne pas relever la tête et crier : Halte-là , et retourne d’où tu viens. Pour moi,si en faisant mon devoir , je suis appelé à ma destinée , au moins tu auras la consolation de dire à notre enfant : "Regarde, Marcel , et vois comment ton père a aidé la tranquillité des temps futurs.

"Sois-en fier." Je ne doute pas que nos chers petits enfants ne viennent à ton aide, parce qu’ils ont commencé par recevoir une bonne éducation chrétienne. Je compte entièrement sur toi pour que tu continues cette éducation . Au revoir : j’attends du ciel ; mais en attendant , je n’ai jamais perdu , et je ne perds pas courage . En avant , et vive la France !"

Bulletin paroissial du 09 janvier 1916 - N°210

Baptêmes et sépultures :

Dans le courant de l’année 1915 il y a eu dans la paroisse de St Philbert de Bouaine 31 baptêmes et 33 sépultures . C’est la première fois que le nombre des sépultures dépasse le nombre des baptêmes

C’est là un des nombreux maux occasionnés par la guerre . Il n’y a pas eu de mariage .

Nos soldats : Nos quelques conscrits de la classe 17 , jugés bons dès aujourd’hui pour le service militaire , ont assisté avec piété à la messe de départ, et tous y ont fait la sainte Communion . Sont désignés : Armand Baudry de la Haute-Favrie , pour le 26è chasseurs à pied , à Vincennes ; Armand Dugast de la Favrie , pour le 6è régiment d’infanterie , à Saintes ; Alexandre Guillon du Chiron des Landes , Auguste Honoré du Paradis , Alphonse Lemoine de la Pausetière des Landes , pour le 123è d’infanterie de la Rochelle ; Pierre Morisset de Landefrère , pour le 77è d’infanterie à Cholet ; Joseph Roy de la Valotière , pour le 137è d’infanterie , à Fontenay Le Comte . Camille Guingamp , domestique à la Flomanchère, ne nous a pas fait connaître le nom de la ville où il devait se rendre .

Nous sommes heureux de donner la glorieuse citation à l’ordre de la division , de Joseph Rambaud de la Boule : "A montré le plus grand courage en entraînant par son exemple ses camarades à l’assaut du 27 juillet , s’est mis spontanément à la disposition du Commandant de la 2è section de mitrailleuses dont les servants étaient blessés , et a fait preuve tout le reste de la journée, d’une grande énergie pour maintenir ses camarades au feu". En faisant parvenir à ses parents cette citation à l’ordre de la division , Joseph Rambaud ajoute : si j’ai eu la croix de guerre, vous voyez que je l’ai bien gagnée, et que j’ai toujours eu à coeur de mourir en faisant mon devoir . Le jour dont on parle, quoique n’étant que Chasseur de 3è classe , j’ai pris le commandement d’un chef de section , pour faire monter mes camarades à l’assaut . Tout le jour de la bataille , j’étais furieux , et j’avais à coeur d’exterminer cette maudite race qui plonge tant de familles dans la douleur.

Pendant cette fête de Noël , vous prierez pour moi, car les plus graves jours se préparent . Une attaque que nous avons mission de faire, sera donnée du 20 au 30 décembre . Je vous assure qu’il faut en avoir du courage pour se battre et coucher dehors par un temps pareil . La terre est couverte de neige et le froid est terrible . Malgré tout cela , nous sommes résignés à nous battre jusqu’au bout. Pour vous , réjouissez-vous , car bientôt nous serons les vainqueurs .

 

Bulletin paroissial du 16 janvier 1916 - N°211

Nos soldats : Extrait d’une lettre de l’Abbé Gabriel Forget, de Noëlland , prisonnier à Meschede, pays catholique d’Allemagne .

Chers parents , Ne vous faites pas de peine à mon sujet, et sachez que le Bon Dieu veut bien se donner à mon âme tous les matins , à la Sainte Messe . Je ne saurais encore trouver une plus douce joie qu’en me consacrant aux chères études qui me prépareront à la vie de prêtre que je dois vivre dans quelques années . Ce sont là mes préoccupations de chaque jour, en compagnie de mes camarades séminaristes . Je ne doute point que vous n’ayez eu de belles fêtes à St Philbert , car je sais que dans notre paroisse les bons chrétiens sont nombreux . Mais ici également , car il y a beaucoup de foi et de pratiques religieuses . Chaque jour d’ailleurs il est très beau de voir une trentaine de jeune gens ou d’hommes s’approcher de la sainte Table , et tous les dimanches le nombre de leurs communions est de plus de quatre-vingt . Je ne saurais vous remercier de la sollicitude avec laquelle vous prenez soin de votre Gabriel : que le bon Dieu vous récompense de tant de sacrifices . G.F.

Cher M. le Curé, Me voici débarqué sur la terre d’Afrique , après une traversée excellente , sauf pour le 1er jour , dans le golfe de Gascogne , où la mer est presque toujours agitée . Partis le 11 décembre de Bordeaux , à 8 h. du soir , nous sommes arrivés à Lisbonne , où nous devions faire escale , le 14 à 6 h. du matin ; puis le soir , nous avons repris la mer et nous sommes arrivés à Dakar le 19 , à la pointe du jour . De là , empruntant la ligne de chemin de fer Dakar-Saint Louis , nous sommes arrivés à Thiès , 4ème ville du Sénégal , Située à 70 km , à l’intérieur . Nous sommes logés dans de petits bâtiments construits à l’européenne et assez bien aménagés , mais nous ne sommes pas complètement installés . Nous n’avons pas encore de recrues . Celles que nous aurons à former sont en général peu instruites et parlent plus ou moins bien le français . Espérons . Eug. B.

Bulletin paroissial du 23 janvier 1916 - N°212

Assistance aux prisonniers vendéens - Madame la baronne Taylor s’offre , pour rendre service à nos prisonniers Vendéens et à leurs familles, à faire parvenir , de Copenhague où elle est , à nos captifs en Allemagne , le pain dont ils ont si grand besoin . Un colis de 2 pains de 500 gr. chacun sera remis au destinataire pour le prix de 0 fr. 75 et celui de 4 pains de 500 gr. l’un , pour la somme de 1 fr. 50 . Il suffit de remettre l’ argent et les adresses à Melle Dupouët , directrice du pensionnat Jeanne d’arc à Montaigu.

Bulletin paroissial du 30 janvier 1916 - N°213

Nos soldats : Lettres Cher M. le Curé , Vous croirez vraiment que je vous ai oublié . Mais non , je suis toujours celui qui , malgré les heures de souffrance , ne cesse de songer en vous et dans les bons conseils que vous m’avez donnés si souvent . Vous êtes heureux d’avoir une paroisse encore aussi chrétienne , et dans ces jours de Noël , vous avez dû avoir beaucoup de communions et une forte assistance aux offices religieux .

Depuis mon départ du milieu de ma chère famille , il m’est arrivé souvent de me trouver presque seul dans une église. Que de fois j’ai eu le coeur bien peiné en voyant tel pasteur donner la bénédiction du S.Sacrement en présence seulement de quelques personnes , et n’être que seul pour chanter . C’est alors que je m’empressais d’aller tous les soirs à la prière afin d’arriver à former un petit noyau autour de ce prêtre que je considère comme un saint . Le Bon Dieu a béni cette

entreprise ; le jour de la dernière fête , nous étions une quinzaine à la sainte Table . J’étais heureux , car j’avais accompli mon devoir d’apôtre et j’avais rendu heureux le coeur de ce pauvre pasteur .

Je me suis fait expliquer par certains prêtres comment leurs paroisses ne voulaient plus pratiquer .Ils me disaient que l’égoïsme en était pour une bonne cause , car les gens ne veulent plus recevoir de conseils . Ils aiment bien leurs prêtres mais ils ne veulent pas les reconnaître comme étant chargés d’appliquer les lois divines . Hélas ! je n’aurais pas cru trouver tant de gens indifférents sinon nuisibles à la religion . Pour moi , la terre où je ne trouve pas un prêtre , n’est qu’un lieu d’abandon , un désert . - Vous ne m’oublierez pas dans vos prières, car vous savez combien l’homme est fragile. Il y aura peut-être des jours où , étant crispé sur la mitrailleuse , le tumulte et la rage des êtres combattants essaieraient de faire oublier la prière et la confiance en Dieu . Vous m’aiderez afin que N.D. du S.C. cette bonne Mère , me protège et conserve avec mon épouse mes enfants que je lui recommande chaque jour .Si un jour , il me fallait verser mon sang pour la France , vous vous souviendrez que j’aime la Reine du Ciel ; et par elle , le Coeur de son divin Fils . Peu importe de mourir , pourvu qu’on meure pour le Sacré- Coeur ! Le principal , c’est qu’il règne sur la France.

Vous avez eu certainement parmi vos jeunes gens de saintes victimes d’expiation pour les péchés de la France . Qu’elles obtiennent que la France revienne dans de meilleurs jours après cette rude épreuve qui devrait faire songer beaucoup de gens , qui étaient , hélas! restés dans les ténèbres de l’erreur . Je souhaite que ceux qui vous resteront , vous soient toujours attachés par les liens du respect et de l’obéissance , dans l’accomplissement de leurs devoirs religieux , et qu’un jour , nous nous trouvions tous dans le ciel . F.R.

Cher Pasteur , Je vous écris , au jour seulement qui nous est fixé , du camp d’Hameln . Là je me trouve aussi bien que possible . C’est tout simplement la vie de l’exil pour l’instant . Ici, ceux qui veulent , peuvent assister à la messe tous les dimanches et même tous les jours . Enfin on a toutes les facilités pour faire sa religion . C’est un prêtre Allemand qui vient chanter la grand’messe chaque dimanche . Ainsi , le jour de Noël , belle messe en musique , car nous avons au camp plusieurs musiciens Belges et Français . Le jour de la Toussaint , belle procession au petit cimetière du camp , où nous avons déposé quelques couronnes pour honorer les chers camarades morts en captivité .

Elie S.

Bulletin paroissial du 02 février 1916 - N°214

Nos soldats : Lettre - Cher Pasteur , Vous m’excuserez de la faiblesse que j’ai eue de ne vous avoir pas écrit plus tôt , comme mon devoir m’obligeait à le faire .

Le temps n’a pas toujours été agréable pour moi , surtout les derniers jours que j’ai passés en Champagne , quand les obus pleuvaient sans cesse . Enfin , malgré toute la mitraille , je n’ai jamais eu peur , ni de combattre ni de mourir , car j’avais toujours la conscience à l’aise .

J’ai été blessé le 6 octobre , après avoir enfilé 3 Boches , et d’une balle tué un quatrième . Ma manche de capotte était toute déchirée depuis l’épaule jusqu’au poignet . Enfin , si j’ai été préservé de la mort , c’est la grâce de Dieu .

De la 1ère ligne, j’ai été transporté au poste de secours puis évacué sur Vitry où on m’a opéré . Depuis deux mois je suis à Montauban , et l’on m’a opéré de nouveau , m’enlevant 3 os dans les genoux . Je vis maintenant dans l’espérance de retourner près de vous le plus tôt possible .

Charles R.

Chère Maman et chères soeurs , Enfin ce soir , je vais essayer de vous faire une lettre . Ce n’est pas toujours facile avec les copains. Dans 2 ou 3 jours , ce sera la mitraille qui nous empêchera , mais  ça ne fait rien , ne croyez pas que je vous ai oublié !

Je ne veux pas vous cacher la vérité ce soir ; car il y déjà deux jours que je suis renseigné ; Mercredi matin , nous partons tous au 11è régiment d’infanterie ; nous enfilerons une vingtaine de kilomètres avec le sac qui, je vous l’assure , n’est pas léger . Pour cette nuit , je vais encore avoir le bonheur de coucher sur ma paille ; car je n’aurai peut-être pas d’ici longtemps , un aussi bon cantonnement . En tout cas , il ne me manque rien pour partir . Puis, nous ferons comme les autres camarades : nous tâcherons de tuer le plus de Boches possible et de nous sortir de ces maudites tranchées sains et saufs ou du moins bon compte . En tout cas , bien chère maman , ne vous faites pas de peine pour moi , c’est ce que je vous demande .Soyez sans crainte , votre fils fera son devoir de Français et de Patriote , et il ne vous oubliera pas . Si toutefois , un malheur quelconque m’arrivait , soyez sûre que j’aurai fait mon devoir et que je me serai mis en règle avec Dieu .

Je n’ai pas oublié tous les bons conseils et tous les bons exemples que vous m’avez donnés : je les mets en pratique tous les jours . Je me suis mis sous la protection de la bonne Vierge Marie et de son divin Fils , et j’ai confiance que je m’en tirerai sain et sauf et que je reviendrai bientôt dans vos bras . Aug. H.

Bulletin paroissial du 13 février 1916 - N°215

Vers le Sénégal - Sous ce titre, nous serons très heureux de publier chaque semaine , le récit très intéressant que fait de son voyage au Sénégal , un de nos plus chers soldats , Eugène Bourdet .

En mer, le 12 décembre . C’est un grand paquebot qui m’emmène vers un pays lointain , que je vous écris ce matin . - Il est 7 heures . Dans ma couchette aux draps blancs , je viens de me réveiller , et ma première pensée s’envole vers la terre de France que nous avons quitté hier soir , vers cette terre sacrée pour laquelle j’ai versé un peu de mon sang , et que je reverrai je l’espère , délivrée pour toujours des hordes tudesques, et célébrant , au milieu des douceurs de la paix régnant enfin sur le monde , le retour au foyer de ses soldats vainqueurs .

Je revois le "Flandre" au quai de Bacalan , avec ses deux cheminées rouges lançant dans l’espace des tourbillons de fumée noire ; je le revois grand et majestueux avec sa belle structure et ses 177 mètres de long ; c’est une petite ville flottante , pouvant loger à son bord toute une bourgade d’un millier d’habitants . - Demain , cette nuit même , il devra affronter l’Océan et il aura à lutter contre les éléments , peut-être déchaînés . Il est là attendant l’heure du départ , avec tout son équipage affairé , qui manoeuvre en courant , dans les cales et sur le pont , actionnant les grues , chargeant les bagages : matelas , draps et couvertures qui nous sont destinés . ( à suivre)

Bulletin paroissial du 20 février 1916 - N°216

Vers le Sénégal - (suite) Puis, ce sont les passagers qui arrivent à chaque instant et qui escaladent les passerelles encombrées , tandis que la foule , massée sur le quai , d’un air curieux , regarde le navire .

Dix neuf heures ! La sirène du paquebot a lancé dans l’espace ses trois appels annonçant le départ : les matelots empressés procèdent à l’appareillage , les passerelles sont enlevées et laissées sur le quai , les cordages sont mis en place ; tout est prêt . - Alors ce sont les adieux , les adieux de la France qui reste à la France , qui part au loin , sous le soleil brûlant d’Afrique , pour former des soldats et ramener à la Patrie des légions de défenseurs. - Ce sont les mouchoirs qui s’agitent de part et d’autre, au milieu des hourrahs enthousiastes et des cris de "Vive la France ."

Nous quittons Bordeaux , et peu à peu nous nous éloignons des rives éclairées de la Gironde qui semblent fuir derrière nous . -Fatigué d’avoir trotté toute la journée pour visiter la cité Bordelaise ; je descends à ma couchette et je ressens un vrai plaisir de m’étendre dans de si beaux draps blancs .

Tout cela, à mon réveil , vient de repasser dans ma mémoire . - Et maintenant je vogue sur l’Océan , bercé par les flots toujours agités du golfe de Gascogne . - Au-dessus de nous, l’immensité bleue du ciel , et tout autour de nous l’immensité bleue des eaux . - La France est déjà loin , nous filons vers les côtes d’Espagne. -Mais la mer est démontée . Le navire tangue et roule, ballotté par les flots. Impossible de tenir l’équilibre sur le pont ou dans les couloirs , il faut vous cramponner aux rampes de toutes vos forces . - Presque tout le monde est malade à bord , même quelques matelots ; c’est le mal de mer. Moi-même , je sens que si je me lève , je vais être malade ; j’ai essayé de m’asseoir sur mon lit , mais la tête me tourne et je dois me recoucher . - Toute la journée , je reste au lit , n’ayant pas même le courage de me lever pour manger . - Cependant vers deux heures de l’après-midi , je veux essayer d’aller faire un tour sur le pont avec quelques camarades. - Je saute de ma couchette, et je m’habille non sans difficultés, car le mouvement du navire me projette à droite et à gauche . - Je suis debout à peine depuis 5 minutes , que je sens mon estomac se remonter et s’ abaisser avec le mouvement de tangage du paquebot et , je rends...de la bile, puisque je n’ai rien mangé. (à suivre)

Bulletin paroissial du 27 février 1916 - N°217

Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Armand Bossis , du bourg , soldat disparu depuis le mois de septembre 1914. Son corps tué à l’ennemi, a été inhumé dans une fosse commune près de Sézanne en le département de la Marne . S’il fut comme tous ses camarades , un vaillant français, il fut surtout un parfait chrétien .

Vers le Sénégal - (suite) - Je m’arme de courage et je monte l’escalier, puis je traverse le couloir qui conduit au pont où j’arrive, au prix de quels efforts! Le vent frais , la vapeur d’eau projetée par la lame qui se brise contre la coque du navire ; tout cela me fait un peu de bien .

Je m’assieds dans un coin et je regarde la mer. Qu’en ce moment son spectacle est grandiose et sauvage ! Je reste là 1 heure, mais je me sens malade et je me vois dans l’obligation de m’aller recoucher sans pouvoir prendre aucune nourriture . - Demain, peut-être l’Océan sera-t-il plus clément , et pourra-t-il me procurer quelques repos !

Je n’ai pas été trompé dans mon attente , et à mon réveil , toute trace d’indisposition a disparu. -

Je prends donc la résolution de me lever et d’aller déjeûner. - La salle à manger des sous-officiers se trouve sur le pont arrière ; comme je couche à l’avant du bateau , je le traverse dans toute sa longueur , et par une série de couloirs et d’escaliers , j’y arrive enfin . - Je commence à avoir l’estomac rudement creux. Aussi est-ce avec un réel plaisir que je m’ingurgite, avec une fameuse tartine de beurre, double ration de café au lait. -Pour faire faire la digestion , je vais sortir et me promener un peu sur le pont. - En ouvrant la porte , l’air frais de la mer me fouette le visage et je trouve cela délicieusement bon ; je respire et je me sens revivre . - Je retrouve là plusieurs de mes camarades qui , ma veille , avaient été torturés par le mal de mer . - Ce matin , la mer est plus calme ; le navire ne tangue plus ; seul persiste encore un léger mouvement de roulis , mais qui rend pas malade . "C’est que , me dit un matelot, nous avons franchi la zone la plus dangereuse de toute la traversée . Cette nuit, nous sommes sortis du Golfe de Gascogne et avons dépassé le cap Finisterre ; bientôt, nous serons en vue des côtes d’Espagne , que nous allons longer ."

Et en effet, une heure après , dans l’indécise clarté du matin, à travers la brume qui barrait l’horizon , nous pouvions voir se dresser au dessus des flots, les monts qui bordent la côte espagnole. - Nous étions heureux de voir la terre et cependant, nous n’avions passé qu’un jour et demi en pleine mer. Toute la journée je restai sur le pont , allant et venant, scrutant l’Océan dans toutes les directions . - A plusieurs reprises, des cargos passent non loin de nous ; à côté de notre beau transatlantique , ils semblent être des bébés .

6 heures du soir . - Nous venons de souper, et il fait encore jour . Nous montons sur la dunette du pont arrière , et là , tandis que la nuit descend et que le navire file vers Lisbonne où nous arriverons probablement cette nuit , nous improvisons un petit concert . - Le décor est majestueux et imposant ; les artistes sont là , adossés à la balustrade , et les spectateurs assis en rond , écoutent religieusement et applaudissent . (à suivre)

Bulletin paroissial du 05 mars 1916 - N°218

Vers le Sénégal : (suite) - Chacun y va de son monologue, de sa petite chanson , sans autre accompagnement que le ronflement des machines et le bruit mélancolique des vagues se brisant les unes contre les autres. - La séance terminée, je regagne mon lit et m’endort d’un sommeil tranquille.

14 décembre matin - Le jour est à peine levé que déjà je suis debout; nous devons être à Lisbonne, me dis-je en moi-même. - Je monte sur le pont et j’aperçois très distinctement la côte dont nous nous sommes rapprochés ; un mille seulement nous sépare de la terre , et nous allons entrer dans le Tage .

Le "Flandre" sur lequel le pavillon français a été hissé , s’avance majestueusement au milieu du fleuve où nous commençons à croiser des vapeurs portugais , et des cargos danois. Sur la rive gauche, s’étayent de jolis petites bourgades , aux villas riantes cachées dans la verdure : à notre hauteur , un train venant de Lisbonne les traverse toutes en suivant le rivage : il file lentement et s’éloigne comme à regret de ces lieux enchanteurs . - La rive droite au loin est déserte et montagneuse ; à la pointe , le phare projette encore sa lueur blafarde .

Devant nous , au milieu du fleuve , un petit îlot , surmonté d’un autre phare ; de loin on dirait une tourelle de cuirassé . Jamais je n’oublierais notre entrée à Lisbonne , car j’y fus le témoin d’un spectacle inoubliable. - Le soleil se levait à l’horizon : devant nous , sur la colline , l’ancien palais royal se dressait dans son imposant aspect. - Mais soudain, voilà qu’il s’illumine tout entier ; par ses centaines de fenêtres , la lumière se répand au dehors : on le dirait splendidement éclairé . - Mais non! C’est tout simplement un effet de lumière du soleil levant : il n’a duré que quelques instants , mais le spectacle était merveilleux , féérique , digne d’être immortalisé par la toile d’un peintre .

- Jamais je n’ai vu d’aussi beaux effets de lumière . - Le palais ne resplendit plus maintenant de mille feux , mais voici que chaque maison s’illumine à son tour et brille d’un aussi vif éclat que si elle était en cristal. - Devant nous, au loin , la capitale portugaise paraît en feu , et si nous n’étions déjà avertis, nous pourrions croire à de vastes incendies . - Et tout cela n’est que l’effet du soleil qui se lève flamboyant à l’horizon .

Cependant , nous continuons lentement notre route : le Tage se resserre de plus en plus ; nous allons entrer dans le port . ( à suivre)

Bulletin paroissial du 12 mars 1916 - N°219

Sépulture et Décès

C’est avec grand regret que nous avons appris la mort de Amédée Sorin du bourg , tué par des éclats d’obus. Cette terrible nouvelle n’est pas officielle , mais les renseignements donnés par des camarades ne permettent plus de douter sur le sort du cher disparu depuis de nombreux mois .

La mort n’est pas venue le surprendre. "Je suis prêt , écrivait-il à la date du 25 août 1915 , à verser mon sang pour la patrie . Dimanche dernier j’ai été à confesse , à la communion de 7 h.1/2 et à la grand’messe de 10 heures . J’ai avec moi de bons camarades, et presque tous les soirs nous allons au Salut. Combien il est consolant pour les familles et pour le pasteur de la paroisse de savoir , que nos soldats vivent et meurent dans des sentiments aussi chrétiens .

Vers le Sénégal : (suite) - A notre gauche , s’avançant dans le fleuve , s’élève une espèce de petit château fort , à la façade crénelée et toute sculptée . C’est un petit bijou d’architecture qui s’appelle le "Torre de Belem" .A partir de ce moment , l’animation grandit ; cargos remplis de marchandises , voiliers se balançant sur l’onde au gré du vent , bateaux à vapeur et remorqueurs aux sirènes étourdissantes , frêles barques de pêche secouées par la vague , navires grands et petits, courriers des mers , vont et viennent en tout sens. - Ce bateau qui vient de passer près de nous , eh bien ! il est , ne vous en déplaise , de nationalité allemande : mais rassurez-vous , car son équipage est portugais. - Ils sont là dans le port , quarante navires de commerce dans le même cas ; ils ont été , à la déclaration de guerre , retenus par le gouvernement du Portugal dans le port de Lisbonne , et les Portugais , en gens tout à fait pratiques , s’en servent pour leurs propres besoins .

Mais voici qu’un sous-marin naviguant à la surface apparaît derrière nous . - Oh ! ne craignez rien ; ce n’est pas un boche ! - C’est le seul dont soit dotée la marine du Portugal . - Il vient de faire son petit tour quotidien - son petit tour d’’inspection - et maintenant , il rentre tranquillement au port . -

Après lui , cinq minutes plus tard , le "Flandre" arrive au port de Lisboa .- Aussitôt nous sommes accostés . C’est d’abord le vapeur chargé du service de santé , qui vient effectuer à bord sa visite habituelle et s’enquérir s’il n’y a pas de cas suspects de maladies . - Puis ce sont les bateux , faisant le service en transit des passagers : ils vont transporter à terre ceux qui sont désireux d’aller visiter la capitale portugaise . - Enfin les challands chargés du transport des marchandises , apparaissent à leur tour . Mais déjà , le pont est envahi de vendeurs et de camelots qui vous offrent avec insistance leurs marchandises : cartes postales , timbres portugais , fruits du pays , oranges , pommes etc ...

5 heures du soir . - L’équipage est affairé et tout entier à la manoeuvre , nous allons partir dans une heure. - Déjà les marchandises sont embarquées ; le transport de l’eau et du charbon dure jusqu’au dernier moment : il en faut tellement pour alimenter les formidables machines du "Flandre" !

Les passagers qui sont descendus à terre commencent à rentrer . - D’autres arrivent aussi , avec leurs bagages : portugais et français s’embarquant à destination de Dakar et de Buenos-Ayres ;

( à suivre )

 

Bulletin paroissial du 19 mars 1916 - N°220

Vers le Sénégal : (suite) - Les dames françaises habitant Lisbonne , ayant appris qu’à bord du paquebot se trouvaient des soldats français , sont venues nous souhaiter la bienvenue. Faisant le tour du pont et souriant à tous, elles nous ont offert d’énormes cigares , puis nous les avons reconduites au milieu des cris enthousiastes de "Vive la France" , "Vivent les dames françaises du Portugal!"

Cependant l’heure du départ est venue. La Sirène jette ses trois appels : l’ancre est levée , le pavillon abaissé. - Insensiblement le bateau tourne pour reprendre la direction de la pleine mer , et , silencieusement, tandis que le jour baisse et que le soleil couchant rougit de ses rayons les collines environnantes au port de Lisbonne nous disons adieu . - Demain nous serons dans le détroit de Gibraltar . Dès le matin , un contre-torpilleur anglais nous ayant aperçus à une quinzaine de milles , s’est dirigé vers nous ; puis , après nous avoir reconnus , a pris la direction du détroit . Ces parages sont tellement surveillés qu’il est presque impossible qu’un navire quelconque passe sans être aperçu .

Aujourd’hui , nous avons reçu à bord et pour la première fois , par télégraphie sans fil , le télégramme officiel le plus récent des nouvelles de la guerre . Bien qu’il n’y ait pas enregistré de nouvelles sensationnelles , cela nous a fait plaisir de recevoir quelques mots de France .

18 décembre 1915 .7 h.du soir - La mer est très calme , le vent nous vient de l’est et le temps est superbe : espérons qu’il en sera ainsi jusqu’à Dakar .Qu’il fait bon sur le pont arrière ! Au milieu d’un silence impressionnant , seul troublé par le bruit monotone des vagues et le ronflement des machines , la nuit descend lentement sur les flots , tandis qu’une petite brise nous fouette le visage.

Et là , accoudé au bastingage , je songe au chemin déjà parcouru .

Hier , dans la nuit , nous avons dépassé les Canaries et Ténériffe . A mesure que nous descendons vers le sud , le chaleur augmente ; aussi , nous avons endossé nos uniformes kaki , et ordre nous a été donné de prendre notre casque jusqu’au coucher du soleil . Sur les ponts des 2e et 3e classes , on a installé des tentes pour nous procurer un peu d’ombre .

Ce soir , nous nous sommes un peu rapprochés des côtes . En voulez-vous un indice ? Regardez cet essaim d’oiseaux de mer , aux formes gracieuses , qu’on appelle goëlands . Ils volent dans le sillage de notre bateau , tantôt rasant l’eau , tantôt y trempant le bout de leurs ailes . Ils poussent de petits cris plaintifs comme pour implorer notre charité , et si par hasard , des débris d’aliments viennent à tomber du navire , tous ceux qui les aperçoivent se précipitent et se les disputent ; chacun veut avoir sa part , puis , la bataille terminée , tous , à tire-d’aile , regagnent le rivage. - A quelques centaines de mètres à notre gauche , une bande de marsoins évolue. Si vous voyiez quels bonds font hors de l’eau ces énormes bêtes , et quels coups de queue elles donnent ! - C’est la première fois que nous en apercevons : nous les suivons des yeux pendant quelques minutes , puis elles disparaissent dans le lointain . -

Maintenant , je vais aller me reposer un peu : demain matin , nous serons probablement en vue de Dakar . ( à suivre )

Bulletin paroissial du 26 mars 1916 - N°221

Vers le Sénégal - ( suite) 19 décembre 1915 , matin , - Je viens de me réveiller : A travers le hublot , je vois que le jour pointe : je me lève donc vivement et monte sur le pont .

- A 2 ou 3 milles , la côte sénégalaise se profile , dorée par rayons du soleil levant.- On aperçoit très distinctement les deux élévations de terrain , sorte de petites collines accolées l’une à l’autre et que l’on appelle les Deux-Mamelles : les phares qui bordent le rivage lancent encore pendant quelques instants leurs lueurs qui pâlissent puis, un à un , ils s’éteignent. - Devant nous , voici le cap vert et Dakar. - Nous passons devant des casernes presque neuves et nous nous disons que , penchés aux fenêtres , des soldats français guettent notre arrivée avec joie . Ne vont-ils pas recevoir des nouvelles de ceux qui leur sont chers , des nouvelles de France ? il y a peut-être si longtemps qu’ils attendent! - Enfin , après avoir contourné une île dans laquelle se dressent un fort et une prison militaire , le port de Dakar apparaît- là , tout près .- Alors recommence la même manoeuvre qu’à l’arrivée à Lisbonne : visite du service de santé , et jet de l’ancre etc... Plusieurs Sénégalais du plus beau noir , dans une pirogue qu’ils manoeuvrent avec des rames en palette , nous regardent avec curiosité. Nous leur lançons quelques sous à la mer , et nageant , comme des poissons , ils plongent et les rattrapent entre leurs dents . Enfin les chalands qui nous transporteront à terre arrivent ils abordent . -Complètement équipés , nous y prenons place. - Deux minutes plus tard , nous mettons le pied sur le sol d’Afrique. - A peine débarqués , nous nous rassemblons sur le quai par compagnie ; nous mettons sac à dos et prenons la direction des casernes qu’on vient de nous assigner comme logement provisoire . Il est environ dix heures : le soleil commence à monter dans le ciel. Nous souhaitons qu’on ne nous emmène pas trop loin , car il va faire chaud . Les rues de la ville présentent une certaine animation ; des indigènes nous croisent à chaque instant .Les hommes , drapés dans leurs longs manteaux faits d’étoffes les plus légères , aux couleurs les plus voyantes , forment des groupes variés et pittoresques. - Les femmes , la tête chargée des objets les plus divers , s’en vont en se dandinant , traînant à terre leurs pieds chaussés de sandales de cuir jaune, et portant derrière leur dos un marmot entièrement nu , retenu par une simple bande d’étoffe , qu’elles croisent sur leur poitrine. Couverte d’un essaim de mouches qui se posent et s’envolent dans un va et vient continuel , la tête nue du moutard se balance au soleil brûlant . - Hommes , femmes et enfants portent à profusion ce qu’ils appellent leurs gri-gri. Ce sont des anneaux qui entourent leurs cous , leurs bras et leurs jambes , et qu’ils considèrent comme porte-bonheur .

( à suivre )

Bulletin paroissial du 02 avril 1916 - N°222

Récompense militaire : - Le dimanche 19 mars , dans la salle de la Mairie , la médaille militaire a été remise à l’un de nos vaillants soldats , Louis Delhommeau de la Barretière .La même décoration a été accordée , il y a quelques semaines , à deux autres enfants de la paroisse , Lucien Pichaud du Calvaire et Charles Roy de la Ganachère. C’est également avec plaisir que nous avons appris que Mr Maurice Barreau du bourg et Louis Boutin de la Roche Chotard ont été récompensés de leurs actes de bravoure : le premier par la Croix de la légion d’honneur , et le second , par la Croix de guerre.

A tous , nos plus sincères félicitations.

Vers le Sénégal - (suite) Nous avons traversé une bonne partie du quartier européen de la ville , et nous l’avons trouvée assez coquette .Les boulevards spacieux , bien entretenus , sont bordés de palmiers ; les habitations , construites à l’européenne , sont assez confortables et d’un aspect plaisant ; les monuments publics , où flotte en permanence le drapeau tricolore , se dressent fièrement dans le ciel , symbolisant la force et la grandeur de la France.

Nous marchons depuis 20 minutes déjà .Ne sommes-nous donc pas bientôt arrivés ? Nous en avons presque assez , car le sac est bien lourd , et nous sommes un peu fatigués des 8 journées passées sur la mer . Décidés à faire la pause , nous allions nous arrêter , quand soudain la vue des casernes nous donna le courage : quelques minutes plus tard , nous franchissions la porte d’entrée . Après avoir pris possession du logement qui nous est assigné , nous faisons honneur au déjeûner qui nous est servi , car notre estomac crie famine. Puis, vers 4 heures , je sors avec quelques camarades pour visiter quelque peu Dakar , ayant appris que le lendemain , nous devions partir pour Thiès , à 72 km. sur la ligne de St Louis .Nous sortons .Près de la porte du quartier , des marchandes de fruits du pays sont là , accroupies dans le sable , leurs marchandises étalées devant elles sur leur mouchoir . A notre gauche , s’élève le poste de télégraphie sans fil , qui tous les jours , reçoit de la Tour Eiffel , les télégrammes officiels .

Nous décidons de descendre vers le quartier indigène afin d’y surprendre des choses intéressantes au point de vue des moeurs et coutumes sénagalaises .En passant dans une rue où l’on enfonce dans le sable jusqu’au chevilles , des bruits de voix nous parviennent aux oreilles , venant d’un bâtiment situé un peu en retrait et entouré d’un petit enclos .Nous nous approchons discrètement , et de suite , nous devinons que ce doit être une mosquée . Après s’être déchaussés sur le seuil de la porte , des noirs entrent et se prosternent. Le marabout tenant en main un bâton sacré qui représente Mahomet, d’une voix lente et mesurée , à l’accent solennel , entonne les exclamations pieuses , et la foule entière s’inclinant jusqu’à terre , les répète avec ferveur. - Nous nous promenions depuis quelque temps déjà dans le quartier indigène , quand soudain des cris , des rires et des roulements de tambour parviennent à nos oreilles. Nous nous dirigeons de ce côté , et quelques minutes plus tard nous arrivons sur une petite place plantée de baobabs énormes , dont les masses étriquées se dressent vers le ciel .Toute une tribu est là , assemblée en rond , et assiste aux divertissements habituels , pendant que la marmaille , tout autour , saute , court , se roule dans le sable , se relève , crie , chante , grouille .Les femmes sont au premier rang , assises par terre , les jambes croisées ; devant elles , l’orchestre .Il se compose de 2 ou 3 individus à demi-nus , taillés en hercules , debout au milieu de la scène , et portant en bandoulière leurs instruments de musique .Ce sont des cornes gigantesques ; dont l’ouverture est fermée par une peau bien tendue ; armés de matraques , ils frappent là-dessus à tour de bras : c’est ce qui fera le plus de bruit . ( à suivre)

Bulletin paroissial du 16 avril 1916 - N°224

Sépultures et décès : C’est avec regret que nous avons appris la mort de Ernest Déramé , fils de la veuve Déramé de la Haute Grimaudière , frappé par une balle , et tombé au champ d’honneur le 26 mars dernier , à l’âge de 29 ans . Le corps de cet excellent chrétien a été enterré dans un cimetière , en Champagne .

Vers le Sénégal - (suite) Au son plus ou moins harmonieux de cette musique infernale , une "mousso" - femme- sort des rangs et exécute une danse effrénée , qui n’a rien du tango , de la polka ou du quadrille . cette danse- la seule que connaissent les indigènes- consiste à sauter , à manoeuvrer les jambes avec le plus de rapidité possible , en faisant des gestes abracadabrants : elle s’exécute sur place .La "mousso" seule , entre en scène , et ,si elle danse bien , elle est saluée de cris d’admiration .Alors , encouragée , elle redouble de vitesse , exécute des cabrioles fantastiques ; ses pieds sont comme mus par un moteur électrique : ils vont et viennent avec une vitesse effrayante : On dirait que le sol les brûle.

Les musiciens redoublent d’ardeur : alors c’est l"enthousiasme , l’assistance chante et pousse des cris de joie pendant que les "moussos" au premier rang , frappant de toutes leurs forces dans leurs mains, applaudissent en cadence.

Puis , c’est le tour d’une autre et la séance recommence. Et cela dure ainsi des heures entières , quelquefois une bonne partie de la nuit.

Après nous être bien amusés de ce spectacle , nous prenons la direction du quartier .A tous les coins de rue, sur les places , partout, nous rencontrons des noirs prosternés dans le sable , abîmés dans leurs prières . Voulez-vous que je vous dise comment ils procèdent ? Sachez d’abord que toujours ils se tournent du côté du soleil levant . Ensuite , ils se déchaussent et s’agenouillent .

Alors pendant que de l’index ils battent la mesure et leur tête s’agite continuellement en signe d’approbation , ils commencent à murmurer entre leurs dents les invocations à l’adresse de Mahomet. Puis, ils se prosternent 3 fois jusqu’à terre , le front dans la poussière : ils se relèvent , s’inclinent , s’agenouillent , se prosternent de nouveau etc... Cela dure quelques minutes pendant lesquelles le monde leur est étranger et n’existe plus pour eux .Rien de ce qui se passe autour d’eux ne les trouble et ne les dérange : ils ne vivent plus pour ainsi dire ; transportés par l’esprit dans un autre monde , ils sont tout entiers à ce qu’ils font .N’allez pas essayer de leur parler ou de leur demander quelque chose pendant ce temps ! ils ne vous répondront pas et ne vous regarderont même pas ! Nous rentrons , car la nuit commence à tomber. - De notre bâtiment , nous avons une vue superbe sur tout le port et la mer . - Nous entendons les sifflements d’une sirène : c’est le "Flandre" qui part dans la direction de Buenos- Ayres . Accoudés au balcon , nous le regardons s’éloigner ; et bientôt ce n’est plus qu’un faible point dans la mer bleue. ( à suivre)

Bulletin paroissial du 23 avril 1916 - N°

Nos soldats : - La bataille qui fait rage sur Verdun , n’est pas sans inquiéter beaucoup de familles qui y ont leurs enfants . Grâce à Dieu , nous n’avons pas encore de morts à pleurer , mais déjà trois de nos jeunes gens ont été assez grièvement blessés. Joseph Piessala de la Pausetière des Landes atteint d’un éclat d’obus , a dû subir l’amputation d’une jambe . Egalement , par un éclat d’obus , François Guillet de la Merlatière , et Eugène Naulin de la Blinière , ont été blessés ; le premier à une épaule , et le second à la machoire .

Adolphe Bossis du Petit Breuil Du Faux , vient d’être proposé pour la Croix de guerre . Ce brave jeune homme , sans jamais avoir été blessé , à maintes et maintes fois exposé sa vie sur le champ de bataille . La semaine dernière , on demande un volontaire pour une mission très périlleuse . Bossis se présente aussitôt , et confiant en la garde de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère , avec le sang-froid d’un chrétien en paix avec son Dieu , il part . Rampant doucement jusqu’à la tranchée boche , il attache le corps du soldat mort , puis le retire , et , le chargeant sur son dos , sous une pluie de balles ennemies , le rapporte à la tranchée française , à la vue de ses camarades émerveillés d’un si grand courage .

Bulletin paroissial du 30 avril 1916 - N°

Sépultures et décès : Nous avons appris avec regret le décès d’Armand Bouaud de la Basse Gergue , tombé au champ d’honneur , à l’âge de 30 ans . Ce jeune homme a trouvé la mort dans un violent bombardement du "Mort-Homme" près Verdun . Conscient du terrible danger qu’il courait chaque jour , il avait eu soin de mettre son âme en paix avec Dieu , et s’était placé sous la protection des Sacrés- Coeurs . Son corps repose à Chattincourt .

Que la pensée du ciel donné en récompense à ce cher soldat , console la pauvre mère , laquelle a encore sous les drapeaux trois autres fils .

Vers le Sénégal - (suite) Cinq heures venaient de sonner , lorsque ce matin , on vint nous réveiller en sursaut : il fallait immédiatement se mettre en tenue pour être prêts à partir vers 6 heures . Sans perdre de temps , après avoir bu le sempiternel quart de café , nous hissons "Azor" sur notre dos et prenons la direction de la gare où nous arrivons une demi-heure après , suant , soufflant , malgré la demi-fraîcheur du matin . Notre train est là attendant l’heure du départ : sa locomotive , haletante , vomit par sa cheminée une fumée noire et épaisse ,puis soudain s’ébranle .

Pendant un certain temps , nous longeons la mer , et bientôt nous arrivons à Rufisque . C'est une des villes les plus importantes du Sénégal , bien située sur le bord de la mer et renommée pour son poste de Télégraphie sans fil , et son commerce considérables d’arachides .

La gare est remplie d’une foule grouillante , masse curieuse et pittoresque de faces noires émergeant d’un flot d’étoffes où sont représentées toutes les couleurs de l’arc-en-ciel .

Les femmes portant sur leurs dos leur progéniture , sont coiffées d’un mouchoir qu’elles nouent elles-mêmes gracieusement sur leur tête avec deux cornes qui se dressent dans l’air comme les oreilles d’un lièvre aux aguets : leurs cheveux en franges de rideaux retombent sur leurs épaules. - Nous descendons car le train a quelques minutes d’arrêt , et nous suivons avec curiosité tous les faits et gestes de cette foule . Un de mes camarades essaie , son appareil photographique à la main , de prendre quelques instantanés dans les groupes les plus intéressants . Mais une "mousso" qui a tout vu , dénonçant du doigt " l’instrument qui veut lui voler sa figure" , cache son visage dans ses mains et se sauve en poussant de petits cris . - Il arrive à grand’peine et par surprise , à prendre quelques clichés .

Bientôt , la clochette retentit et le train repart . A plusieurs reprises , nous traversons des villages indigènes où des marmots à demi-nus , trottinant autour de leur mère , accourent pour nous regarder passer .

Enfin , nous voilà arrivés à destination , c’est Thiès . Nous mettons pied à terre , et nous frayant un chemin à travers la foule grouillante , nous nous dirigeons vers le camp. Fin .

Nos soldats : Lettre- Cher M.le Curé - Je vais vous raconter le petit incident qui vient de m’arriver . Deux de mes camarades et moi nous étions assis sous un abri construit avec des sacs de terre . Tout à coup l’abri s’écroula sur nous .Par bonheur je ne me trouvais pas pris et je soutins de mon mieux le toit avec mon dos , pendant que mes camarades arrivaient retirer mon camarade de gauche qui n’aurait jamais pu se retirer seul . Je me suis réfugié ensuite dans un petit boyau conduisant à une tranchée . Tout à coup , à 3 h. précises , une rafale d’obus éclate tout près de moi , c’était le commencement d’un bombardement en règle , signe précurseur d’un attaque . Puis , au bruit déjà si effrayant de la canonnade boche vint se mêler la détonation de nos 75 . C’était une musique qui vaudrait la peine d’être entendue si elle était inoffensive , mais il ne faudrait pas être distrait par les effets qu’elle produit sur nous ou sur ceux qui nous entourent . A 4 h. d’autres instruments venaient encore mêler leur mélodie aux précédents ; c’était en premier lieu la mitrailleuse avec son craquement sec et saccadé , qui lui a fait donner à bon droit le surnom de "moulin à café" , puis les fusils , et enfin les engins si terribles qui se lancent à la main , grenades et pétards : Moment redoutable où chacun doit être à son poste .Ce soir là nous y étions tous , et les boches eurent beau tenter sur quatre points , de nous déloger de notre tranchée , ils furent repoussés sur toute la ligne. Les boches furent ensuite plus sages . Cela ne veut pas dire que nous étions mieux , au contraire la pluie et la neige nous firent beaucoup souffrir ; nous étions constamment dans la boue jusqu’à mi-jambe . Enfin nous sommes au repos et tout est oublié . P.Dugast

Bulletin paroissial du 07 mai 1916 - N°227

Nos soldats : Lettre- Cher M.le Curé - Depuis ma dernière lettre , deux évènements intéressants sont venus rompre quelque peu la vie monotone que nous menons ici .

C’est d’abord un exploit d’aviation qui s’est passé non loin de nous , et si j’avais eu de bons yeux comme mes camarades , j’aurais pu voir un avion boche descendre en flammes . Nous étions en train de manger le "rata" , lorsque nous entendîmes tirer non loin de là. Nous sortîmes aussitôt , attirés par les cris de ceux qui étaient déjà les heureux spectateurs de la lutte . Depuis longtemps il nous tardait de voir un combat entre avions , cette fois c’était pour de bon ; le résultat ne se fit pas attendre , le sale Boche était abattu . Quelques instants après , deux d’entre nous eurent le bonheur de voir de près l’aviateur français : il paraissait quelque peu ému .

Depuis ce temps , comme il fait très beau , les avions ne cessent de circuler , tantôt par unité , tantôt par escadrille : nous nous plaisons à les suivre du regard , espérant qu’ils accompliront quelque nouvel exploit , digne de notre chère patrie . Les canons boches ne leur ménagent pas leurs coups , mais le résultat est presque toujours nul . Il n’est pas facile de distinguer si l’on a affaire à un Boche ou à un Français , mais les premiers n’osent pas s’aventurer très loin , et puis nous sommes avertis à temps .

Le deuxième évènement , qui aurait pu être plus important , s’est passé la nuit même qui a suivi . Vers 11 heures , alors qu’on dormait comme des bienheureux sur son humble couchette de paille , voilà que tout à coup on entend un bombardement épouvantable , sans aucune interruption obus qui partent , marmites boches qui arrivent ) , puis la sirène qui retentit , sinistre dans la nuit , nous avertissant qu’il faut prendre nos casques contre les gaz asphyxiants , ces fameux masques dont nous avons suffisamment parler , qui font qu’on ressemble à tout autre qu’à des hommes . Je me lève pour regarder dehors , le ciel est en feu ; vraiment ça semblait devenir assez sérieux .

La compagnie qui se trouve avec nous se prépare , nous -mêmes nous attendons sans être troublés le moins du monde qu’on nous donne des ordres ; car vous savez que nous remplissons le rôle de brancardiers dans ces moments - là. Une 1/2 heure se passe , puis tout à coup comme par enchantement la canonnade cesse , et tout rentre dans le silence : un gradé qui passe , nous dit de retourner nous coucher . Nous pensions bien que le reste de la nuit se passerait dans la tranquillité ; mais ne voilà-t-il pas que vers 4 h . , la sirène se fait encore entendre ; ces sales Boches , nous disions-nous , deviennent tout de même ennuyeux . Cette fois l’alerte était moins sérieuse , quelques coups de canon , puis plus rien ; on a même eu le temps de dormir encore un "petit somme"jusqu’à

6h .Que signifiaient ces alertes ? nous ne l’avons pas su au juste ; je crois que les Boches ont dû essayer leurs gaz , non loin de nous ; et alors le signal a été donné même dans notre secteur par crainte d’une surprise . Lorsque ces cas se produisent , on fait aussitôt un tir de barrage et alors en avant la musique , ou si vous préférez la canonnade. N’allez pas croire à la suite de cela que notre secteur ait perdu sa tranquillité ; non , pou le moment il n’y a pas grand danger .

Que sera la suite , je l’ignore ; à la grâce de Dieu ... Stan . C.

Bulletin paroissial du 14 mai 1916 - N°228

Nos soldats : Henri Meriau du Petit Breuil du Faux a été fait prisonnier le 23 mars, pendant le siège de Verdun.

Nous avons été heureux , il y a quelques jours , d’annoncer que Adolphe Bossis du Petit Breuil du Faux , avait reçu la Croix de guerre , et avait été cité à l’ordre du Régiment . Voici les termes de cette citation : Plein d’entrain , toujours volontaire pour les missions périlleuses , le 18 avril 1916 , a exécuté à proximité immédiate de l’ennemi , une patrouille qui a réussi à amener dans nos lignes le corps d’un Allemand tué dans une rencontre précédente .

Le Lieutenant Colonel , Dufour .

Aujourd’hui , nous sommes également heureux d’apprendre que Alfred Chagneau du bourg , vient d’être cité à l’ordre du Régiment et de recevoir la Croix de guerre . Voici les termes de la citation : "A fait preuve de la plus belle bravoure au cours des attaques ennemies , servant la mitrailleuse avec le même calme qu’au champ de tir" .

Aux armées , le 29 mars 1916 . Le chef du bataillon , Dumas .

Nous ajoutons un mot de plus , pour féliciter cet excellent jeune homme , au sujet de sa bravoure chrétienne . Parti à la frontière dès le 1er jour de mobilisation , Alfred Chagneau s’est vu affecté à un régiment très éloigné d’ici , dans une contrée au moins indifférente au point de vue religieux . Malgré le triste milieu où il s’est trouvé , il a toujours su conserver et montrer ses croyances religieuses . Le Samedi saint 1916 , il se confessait , et le jour de Pâques , dans un petit "patelin" du front , il accomplissait son devoir pascal , et , ... il était seul à la faire . En vérité , pour affronter un tel respect humain , il fallait un grand courage .

Honneur à toi , mon cher Alfred , mais pour tes camarades , que c’est triste !

Chacun sait que le bombardement de la côte 304 a été le plus effrayant qu’on ait vu . C’est là que se trouvait Mr Auneau notre cher directeur d’école libre . Il a échappé à la mort comme par miracle , et voici comment , dans une première lettre , et encore sous le coup de l’émotion , il raconte ce qui lui est arrivé .

Chère Marie , Ce n’est pas de la guerre que je reviens , mais que Dieu me pardonne la comparaison, c’est de l’enfer . Permets - moi de jeter un voile sur ce trop triste tableau , et passons. Sur 157,

7 seulement , et je suis de ce nombre , ont fait les 5 jours de tranchées .90 au moins de ma compagnie sont restés là-bas . C’est donc la tristesse qui en ce moment déborde de mon pauvre coeur . Quel cauchemar ! il me revient encore et à tout instant à la mémoire .

Oh ! je vous remercie tous de vos bonnes prières ; sans elle je grossirais le nombre de victimes . Ensemble remercions la Très Sainte Vierge , et continuons de prier , en attendant que le bonheur me soit donné de vous voir , peut - être bientôt .

En ce moment , nous sommes retournés dans un bois . J’ai été enseveli trois fois dans une demi-heure . Quelles angoisses , hélas ! je te dirai plus au long une autre fois ; aujourd’hui , ma douleur , comme celle des survivants , est trop grande . Envoie moi un colis si tu peux , car je suis fatigué .

Enfin , prions pour nos chers défunts du 68è si cruellement éprouvé . Que Dieu leur accorde son beau ciel , car ils l’ont bien mérité . Bonjour à tous les parents et amis .

Bulletin paroissial du 21 mai 1916 - N°

Conseil de révision . C’est jeudi 11 mai , qu’avait lieu à Rocheservière le Conseil de révision pour les jeunes gens ajournés ou réformés temporairement . Y prenaient part une trentaine de jeunes gens de St Philbert de B. , et presque tous ont été jugés bons pour le service armé ou le service auxiliaire.

Trois seulement ont été ajournés : Joseph François de Maisonneuve , Benjamin Jaunet du Cou et Henri Dugast de la Favrie .

Nos soldats : - Lettre - Chers Parents , Remerciez encore une fois avec moi le Bon Dieu de ce qu’il m’a fait échapper aux dangers si nombreux que j’ai courus depuis quinze jours . Sa protection à mon égard s’est en effet montrée d’une façon très claire . Lorsque j’étais cantonné à Verdun , une quinzaine de chevaux et sept ou huit soldats avaient été tués ou blessés à une vingtaine de mètres

de moi , et un obus était tombé à l’endroit même où , quelques minutes auparavant , je me trouvais à contempler les aéroplanes . Un autre jour , en montant aux tranchées , deux soldats de notre compagnie furent tués et un troisième fut blessé ; or , l’obus qui les atteint , serait tombé une demi minute plus vite , c’était sur moi qu’il tombait. Les trois jours que je passai en tranchée de première ligne , les boches ne nous inquiétèrent pas trop . Par contre , un matin , alors que j’étais en seconde ligne , ils nous attaquèrent et en furent quittes pour se faire massacrer sans pouvoir gagner un pouce de terrain .La veille , au moment où la tête de ma section sortait de l’abri où nous nous trouvions pour aller en corvée , une torpille tomba à l’entrée , tua deux hommes et en blessa quatre . La journée du lendemain se passa très bien pour nous , mais nous entendions une violente canonnade qui nous indiquait qu’on devait se battre dans les tranchées . C’était bien vrai , et à 11 h. du soir nous étions alertés pour aller aux tranchées un peu plus à droite de l’endroit où nous étions l’avant-veille . C’est là que nous devions avoir tant à souffrir et être si terriblement décimés . Nous étions en réserve derrière un talus , trois ou quatre par abri ; nous n’avions rien à craindre des balles , mais les obus ne trouvaient aucune résistance . A 6h . du soir , 3 sergents , plusieurs caporaux et soldats étaient tués . Mon sergent et mon caporal avaient été tués tous deux dans un abri où je voulais aller le matin pour laisser la place que j’occupais à mon sergent . Nous avons subi un bombardement effrayant surtout parce que ce n’étaient que de gros obus de 210 et 305 qui tombaient autour de nous à 10 , 15 , 20 mètres et nous couvraient de terre à chaque fois ; ils n’en ont pas lancé moins de 20 000 sur nous , simplement dans la journée de dimanche . Le soir , nous avons

été attaqués , et un moment je croyais que nous étions tous prisonniers vu que toutes nos tranchées étaient bouleversées par des obus boches , mais heureusement l’infanterie boche n’est pas beaucoup à craindre , les malheureux soldats sont apaisés et ils sont très abattus ; les prisonniers que nous avons faits étaient d’une maigreur extraordinaire .

Je ne veux pas vous dire toutes les privations que nous avons endurées ces quelques jours , ce serait trop long , je vous dirai simplement que nous n’avions rien à boire et que nous nous trouvions bien heureux lorsque nous trouvions de l’eau dans un trou d’obus . - A présent tout cela est oublié , le pays où je me trouve est charmant ; il me semble que je suis transporté dans un autre monde . N’importe , si Dieu me ramène sain et sauf de cette guerre , je me rapellerai le fort de Douaumont , et surtout le bois et le ravin de la Caillette . P.D.

Bulletin paroissial du 28 mai 1916 - N°230

Nos soldats : - Lettre - Monsieur le Curé , Je ne puis passer sous silence la protection manifeste et miraculeuse dont m’ont entouré le Sacré-Coeur et la T.S. Vierge .

J’ai l’habitude en me rendant aux tranchées et en y séjournant , de réciter fréquemment mon chapelet ou quelques invocations à la T.S Vierge et au Sacré-Coeur . Depuis un an que je vis dans le voisinage immédiat du boche , je me trouve très bien de cette pratique pieuse . Les 3 et 4 mai , pendant les très longues heures de bombardement , à aucun moment , je ne me dessaisis de mon cher compagnon d’infortune . Non seulement je le pressais entre mes doigts , mais , mes pauvres lèvres murmuraient , ou plutôt le plus souvent mon coeur élevait une suite presque ininterrompue "d’Ave" vers Celle qui a promis tant de fois sa puissante protection . Je l’ai priée seul , je l’ai priée à haute voix avec 2 camarades , seuls survivants d’une partie de notre tranchée . Au plus fort du danger , alors que les obus tombaient et bouleversaient tous nos moyens de protection ; je me rappelle encore les pressantes invocations , qui ressemblaient plutôt à des cris de détresse , que je lançais vers ma Gardienne . Et cet appel , ce cri d’angoisse , qui s’échappa de ma poitrine au moment où je disparaissais sous un éboulement , quelqu’un serait-il tenté de le taxer de folie ?...

Qu’il reprenne ma place!...En sortant des décombres , j’aperçus à la place de la tranchée qui me protégeait , un monceau de terre d’où s’échappaient des appels . Malgré le sang que je crachais , je m’empressai , après m’être remis un peu , au secours de ces malheureux , mes amis . Je fus heureux d’en sortir 2 , le 3è gisait la tête broyée .

Qui me préserva , plus que mes camarades , qui me donnait ce courage d’aller , au secours de mes semblables sous l’ouragan de fer ?... Ce n’est pas l’espoir d’une récompense , ni la veine comme l’on dit : c’est la T.S.Vierge , et le Coeur de Jésus . Merci mille fois , à ma Mère du Ciel et au Sacré-Coeur . Eug. A.

Bulletin paroissial du 4 juin 1916 - N°231

Décès : Nous avons appris avec regret la mort d’Eugène Buteau , époux de Juliette Goillandeau, tombé à la bataille de Verdun , à l’âge de 32 ans .

Nos soldats : - Lettre. Cher M.le Curé , Quoique je sois dans un milieu où l’on ne peut difficilement accomplir ses devoirs de religion , j’ai eu le bonheur de faire mes Pâques quand même .C’était le dimanche de Quasimodo . J’avais demandé une permission d’un jour que j’ai obtenue , et la matin je suis parti à Crozon qui est à 9 kilomètres , avec un camarade de la Roche sur Yon .Nous avons trouvé à régler nos comptes en arrivant , et à 9 heures nous faisions notre communion pascale . Après avoir pris notre déjeuner , nous sommes allés à la grand’messe à 10 h.1/2 . Le prêtre qui est monté en chaire nous a tenus pendant une demi heure , le bec dans l’eau , car il a prêché en "Breton" .Enfin , après avoir visité un peule pays , et la jolie plage de Morgat , nous sommes rentrés à notre cantonnement fiers de notre action .

Bulletin paroissial du 11 juin 1916 - N°232

Nos soldats : - Lettres - Cher M.le Curé . Après un mois et demi de repos , me voilà de nouveau dans les tranchées .Dans le petit secteur où je me trouve , les boyaux , les tranchées et les abris sont construits avec la dernière perfection . La pierre qui a été retirée des tranchées à servi à construire de véritables murailles très solides , et dans beaucoup d’endroits , le tout est cimenté . On se croirait dans de vastes galeries souterraines d’un château .Les postes de commandement pour colonels et autres officiers sont entourés de plantations de sapins pour les dissimuler ; on se croirait dans un parc .En troisième ligne tout est éclairé à l’électricité , et on a établi des conduites d’eau et jusqu’à des salles de douches. Inutile de dire que le secteur est très calme , sans cela toutes ces commodités ne s’y trouveraient pas .A peine distingue-t-on ça et là quelques trous d’obus de petits calibre. En ce moment , il règne un calme presque absolu .En seconde ligne on n’a rien à craindre ; en première ligne les boches lancent quelquefois des torpilles , ce qui est très dangereux , mais malgré cela je suis ici cent fois moins en danger qu’à Verdun. P.D.

Cher Pasteur ,Je vous dirai que je me suis confessé ce matin , et que je suis allé ensuite à la messe , aux vêpres et à la bénédiction du S.Sacrement. Il y avait plus d’un mois que je n’avais pu en faire autant. J’en ai donc profité aujourd’hui , car je pense que bientôt il nous faudra aller au combat ; et pour y aller, il faut avoir Jésus en son Coeur . Avec Lui on ne craint rien . J’ai confiance que Jésus et Marie me protègeront contre la mitraille de l’ennemi .

Samedi 3 juin - Cher Pasteur , Je vais vous raconter le petit voyage que nous avons été faire à Verdun , au fort de Douaumont. Nous étions en face le fort , et je vous garantis que c’était triste .Pas un seul soldat qui est sur le front depuis le début de la guerre , n’avait vu chose si terrible . Nous avons été 48 heures en première ligne, et ça été 48h. de bombardement ; pas un mètre carré où n’est tombé un obus .Je me demande comment on a pu sortir de cet enfer où nous avons perdu la moitié de l’effectif , morts ou blessés .C’est vraiment miraculeux .J’ai cependant attrapé une balle à la joue droite, mais ce n’a pas été grand’ chose ; mon lieutenant m’a fait un pansement , et j’ai repris aussitôt mon poste au combat . Mais hélas ! mon lieutenant a été frappé ensuite à côté de moi , d’une balle à la tête , et quelques minutes après il est mort entre mes mains , sans qu’il me fut possible de la soulager . Je l’ai regretté , car c’était un bon garçon . Ad.B.

 

Bulletin paroissial du 18 juin 1916 - N°

Communion solennelle :

Les enfants ont eu un double bonheur , celui de recevoir le Pain des anges des mains de M. l’abbé Stanislas Caille notre excellent vicaire, arrivé du front depuis 24 heures; avec permission de 6 jours ...

Bulletin paroissial du 25 juin 1916 - N°234

Sépultures et Décès : Nous avons appris avec regret la mort de plusieurs de nos chers soldats :

Mr Maurice Barreau , du bourg , capitaine , décoré de la Croix de la légion d’honneur ; Henri Bretin du bourg , sergent , décoré de la Croix de guerre ; Louis Chagneau du bourg , infirmier ; Henri Morineau de Landefrère , et Jean Baptiste Baudet de la Porcherie . Tous ces vaillants soldats sont tombés au champ d’honneur , il y a une quinzaine de jours , sous les murs de Verdun .

 

Le clergé vendéen et la guerre

A l’occasion de "la rumeur infâme" , par laquelle de mauvais Français s’efforcent de jeter le discrédit sur le clergé , nous croyons utile de publier la liste des prêtres et des séminaristes du diocèse de Luçon qui ont trouvé la mort ou ont été l’objet de citations glorieuses , en se dévouant pour la patrie , au cours de la guerre que nous subissons . Les actes , mieux que les paroles , sont une preuve de la sincérité du patriotisme .

I - Morts au champ de bataille -

Prêtres :

- MM.Alfred Rafugeau , professeur au Petit Séminaire , mort à Juvisy , le 20 août 1915

- Auguste Airiau , vicaire -instituteur à Nieul-Sur -L’Autize, tué par un obus sur la ligne de feu , le 21 juin 1915

- Gabriel Audureau , vicaire à St André d’Ornay , tué en Argonne , le 12 août 1915

- Maximin Bernier , professeur au Petit Séminaire , tué le 28 septembre 1915 .Citation à l’ordre de la division , croix de guerre .

- Emmanuel Barreau , professeur à l’Institut St Joseph , sergent ,tué le 26 septembre 1915 .

Citation à l’ordre du jour du corps de l’armée

- Marin Chiron , sous-lieutenant , blessé une première fois près de Sedan , le 28 août 1914 , tué le 25 septembre 1915

- Alexandre Grelet des Lucs , vicaire à St Martin des Noyers, brancardier , tué par un obus

- Henri Blanchard , vicaire à Beauvoir

- Pierre Giraud , vicaire à Montournais , morts à Verdun

 

Séminaristes :

- MM.Félix Hillériteau , caporal au 64è , tué à Messin , le 22 août 1914

- Charles Dehergue , soldat au 93è , tué à Messin , le 22 août 1914

- Joseph Fonteneau , sergent , tué à Erbéviller , le 24 août 1914

- Samuel Pouvreau , caporal , tué à Sedan , le 27 août 1914

- Victor Delorme, chasseur , tué à Chaumont-Saint Quentin, 27 août 1914

- Edouard Guillard , soldat au 93è , blessé mortellement le 8 septembre 1914 , mort le 13 septembre 1914

- Pierre Cornu , blessé mortellement en Argonne , mort le 22 juin 1914 en Argonne

- Frédéric Charpentier , sergent , tué en Alsace 4 août 1915

- Firmin Neau , sergent au 66è , tué le 12 octobre 1915

- Henri Chiron , sous-diacre , adjudant au 7è zouave , mort de la fièvre thyphoïde contractée dans les tranchées , 19 février 1915

- Adolphe Peineau , blessé à Loos le 6 décembre 1915 , mort le 7 , à Noeux -les -Mines

- Théophile Chaillou , tué le 3 avril 1916

- Abbé Joguet de Mormaison

II - Disparus

MM Louis Milcent , Germain Payraudeau , certainement morts. Clovis Gautreau , Octave Poupin , séminaristes

III - Blessés - Décorés .Prisonniers de guerre

(1) MM Auguste Lorieau , vicaire à la Garnache , grièvement blessé , le 28 septembre 1914. Cité à l’ordre du Corps d’Armée , 28 mai 1915, par le Général Baugmarten .

(2) Louis Gavaud , vicaire à Venansault , caporal , fait prisonnier en soignant les blessés , blessé lui même le 20 août 1914 , au combat de Bukson . Rapatrié le 9 juillet 1915 . Croix de guerre avec palme. Médaille militaire , ordre du Grand quartier Général des Armées de l’Est .

Signé : Joffre , 5 septembre 1915

(3) Gustave Pavageau , prêtre , capitaine .Cité à l’ordre du jour de l’armée en 1914 . Décoré de la croix de guerre en juillet 1915.

(4) Henri - Alexandre Blanchard , vicaire à Beauvoir-sur-mer .Attaché au poste téléphonique. Très belle citation à l’ordre du jour de l’Armée. Signée du général Eydoux

(5) Gaspard Sarrazin , missionnaire diocésain , sous-lieutenant , blessé le 30 septembre 1914 , devant le village de Fricourt , région d’Albert . alors qu’il commandait comme lieutenant la 24è compagnie du 337e.

(6) Gustave Tesson , clerc-minoré , sergent au 93è régiment d’infanterie.Prisonnier de guerre

(7) Louis Ratier , nouveau prêtre , vicaire à Rocheservière. Très belle citation à l’ordre de l’Armée du 7 juin 1915

(8) Louis Grimaud , séminariste , blessé et fait prisonnier le 13 juillet 1915.

(9) Léon Guibert , tonsuré , prisonnier

(10) Emile Albasini , vicaire à Challans , cité à l’ordre de la brigade.

(11) Gustave Duret , missionnaire diocésain , cité à l’ordre du service de santé du corps d’armée , 6 août 1915. ( à suivre )

Bulletin paroissial du 2 juillet 1916 - N°235

Le clergé vendéen et la guerre

(12) Jean Pageaud , originaire de Doix , capucin , croix de guerre.Citation à l’ordre de la division .

(13) Charles -Auguste Ordonneau , missionnaire diocésain . Citation à l’ordre du corps d’armée (Très élogieuse)

(14) Alfred Lesaffre , vicaire à la Gaubretière , aumônier au 254è d’infanterie . Citation à l’ordre de la division du 1er novembre 1915. Décoré de la croix de guerre face à l’ennemi , à quelques dizaines de mètres des tranchées boches. Blessé d’un éclat d’obus à la hanche , a refusé d’être évacué

(15) Alphonse Praud , vicaire au Bourg-sous-la - Roche. Citation à l’ordre de la brigade n°19. Citation à l’ordre de la division n°97

(16 Henri Perrochain , ancien missionnaire diocésain , infirmier à l’hôpital n°9 à Fontenay -le-Comte. Citation , à la suite d’une transfusion de sang généreusement consentie au profit d’un blessé

(17)Alfred Blanconnier , vicaire à la Cathédrale , infirmier de la compagnie de mitrailleuses régimentaires , blessé le 20 octobre 1915 , a refusé d’être évacué et a continué son service. Citation à l’ordre du régiment , 6 janvier 1916. Croix de guerre . Fait prisonnier au moment où il soignait des blessés en première ligne , le 9 avril 1916.

(18) Auguste Lefèvre , prêtre

(19) Maurice Bretaudeau , prêtre , maréchal-des-logis .Citation avec croix de guerre et proposition pour médaille militaire ; grièvement blessé.

(20) Jules Girard , aumônier volontaire du groupe de brancardiers divisionnaires. Citation à l’ordre du jour de la division , le 2 mars 1916.

(21) Armand Chétaneau , vicaire à St Etienne du Bois , prisonnier de guerre

(22) Louis Janière , vicaire aux Epaisses . Cité à l’ordre de la division ; très grièvement blessé en transportant au poste de secours un de ses camarades mortellement atteint .

(23) Joseph Raymond , religieux dominicain , de Noirmoutier , sous-lieutenant , décoré de la croix de guerre , blessé grièvement .Décoré de la croix de la légion d’honneur .

Depuis le 17 juin dernier , voici encore deux séminaristes du diocèse de Luçon qui sont portés à l’ordre du jour.

A l’ordre de l’armée , sous-lieutenant Marcel Merlet , du 123è d’Infanterie
"Très bon officier , ayant fait preuve du plus grand sang-froid et d’une décision remarquable en profitant de sa position pour briser , par ses feux de mitrailleuses , l’élan d’une attaque allemande très violente dont le succès , s’il se fût produit , aurait gravement compromis la conservation de nos tranchées par leur garnison ."

A l’ordre du corps de l’armée , caporal Armand Bizon , du 32è d’Infanterie
"Gradé d’une valeur exceptionnelle, a déployé les plus belles qualités militaires au cours des journées du 8 au 19 mai 1916 notamment pendant l’attaque du 10 mai , malgré la mort de son chef de section."

De plus , M.Mercier , Viciare Capitulaire , a reçu le 17 juin dernier , la lettre qui suit :

Monsieur le Vicaire Général ,

Après beaucoup d’autres de mes confrères , j’ai à vous apprendre moi aussi une douloureuse nouvelle : la disparition de deux de nos prêtres de Vendée, MM Pierre Cousseau et Clément Ménanteau , appartenant tous deux , comme brancardiers , au 3è bataillon du 137è d’Infanterie .

Avec eux disparaissaient six autres prêtres du régiment , l’un tué , le lieutenant Grenier , du diocèse d’Evreux ; les autres , parmi lesquels le P.Pajaud , de Doix , et l’abbé Deschamp, de la Chapelle-aux-lys , tués ou prisonniers .

Nous ne restons plus que trois sur onze que nous étions auparavant . L.Ratier , prêtre

 

Bulletin paroissial du 9 juillet 1916 - N°236

Nos soldats : Nous ne connaissons pas de nouvelles victimes faites parmi les enfants de St Philbert de Bouaine au siège de Verdun. Cependant nous sommes inquiets au sujet de plusieurs jeunes gens qui n’ont pas écrit à leur famille depuis de longues semaines .Ce sont : Edouard Rambaud de la Boule , Jules Honoré du Paradis ,Henri Bouaud de la Gergue, Henri Vaidie de la Roulière , Fernand Remaud du bourg

Alphonse Bourmaud de la Ménolière et Lucien François du bourg seraient ,dit-on , prisonniers.

Pierre Naulin de la Mercière, blessé à la poitrine est soigné à l’hôpital de Clermont-Ferrand.

Jean-Baptiste Bachelier du bourg , a reçu quelques éclats d’obus , et Jean-Baptiste Corbineau de la Rossignolière , a été blessé à une main .

Lettre - Monsieur le Curé , Vous devez avoir sans doute appris ce qui m’est arrivé à la côte 304 qui se trouve sur la gauche de Verdun . J’ai été blessé au commencement d’un bombardement épouvantable qui a duré six heures. Toutes nos premières lignes étaient bouleversées et nos positions démolies ; et le soir , les allemands attaquaient en masse .Ils sont venus environ à six mètres de nous, mais l’artillerie et nos feux d’infanterie les ont fait reculer en laissant bien des morts sur le terrain. Seul , un officier boche a pu parvenir jusqu’à notre tranchée , révolver au poing , mais on l’a fusillé aussitôt , et on a ramassé tous les papiers qu’il avait sur lui .

La blessure que j’ai eue a été faite par un éclat d’obus très gros , qui m’a cassé la jambe au genou .Je suis resté 36 heures avant d’être ramassé , car de mon régiment , les brancardiers ont été presque tous faits prisonniers. De ma compagnie restaient peut-être une vingtaine sur 230 que nous étions J’ai passé 18 jours à Verdun , nous attaquions tous les jours , et les boches faisaient la même chose . Malgré que j’ai une jambe coupée , je suis content d’en être sorti , et je peux bien dire , grâce à Dieu j’ai été amputé à Kervigny et j’ai souffert beaucoup , mais malgré tout je demeure maintenant content d’avoir pu échapper à la mort .Avec l’aide de mes béquilles , je vais en ville quand cela me fait plaisir . J.Piessalat .

Bulletin paroissial du 16 juillet 1916 - N°237

Annonces : Le directeur de la banque de France de la Roche sur Yon , sera à la Mairie de 3h.1/4 à 4h. pour échanger votre or, en faveur de la défense nationale .

Nos soldats : - (Lettres.) Monsieur le Curé , Je profite des quelques jours de repos que j’ai en ce moment , pour vous donner de mes nouvelles , et en même temps pour vous donner de mes nouvelles , et en même temps pour vous raconter les tristes heures que nous avons passées à Verdun en face du fort de Vaux .

Jamais je n’avais vu chose si terrible ; le bombardement dépasse tout ce que l’on peut imaginer .Pas un pouce de terrain qui n’a été retourné au moins vingt fois ; en un mot , ce n’est que trous d’obus de gros calibre .Malgré cela , nous avons passé sept jours dans ces trous d’obus . Le jour , inutile de pouvoir bouger sans entendre la mitrailleuse marcher . Mais ce que nous avons trouvé de plus dur , c’est de souffrir de la faim .Pour nos 7 jours nous n’avions emporté que peu de vivres , dans l’idée que nous serions relevés au bout de peu de temps .Hélas ! dans la soirée du 24 juin , l’ennemi nous attaqués avec 6 divisions , et pendant trois jours nous avons été cernés sans pouvoir même communiquer avec l’arrière , ni nous ravitailler. Je ne sais vraiment pas comment nous avons fait pour sortir de pareil danger : c’est un miracle .Beaucoup cependant sont restés sur le terrain, et mon bataillon a perdu plus des deux tiers de son effectif .Ma compagnie et une autre du bataillon ont été citées à l’ordre de l’armée pour leur belle conduite pendant l’attaque. Maintenant nous sommes au repos ; pour combien de temps ? Je n’en sais rien . Gabriel E.

Cher M.le Curé , Je veux vous adresser quelques mots avant que la bataille ne soit engagée , ce qui va arriver d’ici deux ou trois jours . Elle va sans doute être bien meurtrière car , quelle épouvantable préparation ! Nous ne savons pas ce que les boches possèdent comme forces devant nous , mais ils ont certainement encore de quoi nous faire face , et ils possèdent des organisations défensives très puissantes . Le terrain est soi disant miné, et nous aurons de gros obstacles à surmonter .

Nos alliés les Anglais doivent attaquer également , mais 24 h.avant nous car nous ne pouvons pas avancer sans qu’ils avancent eux-mêmes , de peur d’être contournés.Maintenant , quel résultat obtiendrons nous ? je l’ignore . Mon sort est entre les mains de Dieu ; j’espère qu’il m’épargnera comme il a fait jusqu’ici , et que la Sainte Vierge me protègera . J’ai eu le bonheur d’assister à la sainte Messe et de communier ce matin .

Soyez assuré , Mr le Curé , que je ferai mon devoir de Français et de chrétien . Alp. P

Bulletin paroissial du 23 juillet 1916 - N°238

Nos soldats : Nous avons été heureux de recevoir des nouvelles de Alphonse Bourmaud de la Ménolière et de Henri Vaidie de la Roulière , sur le desquels nous étions très inquiets .Ils sont prisonniers en Allemagne au camp de Stammlager Wahn .

Bulletin paroissial du 20 août 1916 - N°242

Sépultures et décès : Nous avons appris avec regret la mort de Clément Marnier du bourg , tombé au champ d’honneur , il y a une quinzaine de jours , aux environs de Pont-à-Mousson .

 

Bulletin paroissial du 27 août 1916 - N°243

Sépultures et décès : Nous avons appris avec regret la mort de Lucien Roy , de la Pâquetière , et de J.Baptiste Delhommeau , de la Barretière , tous deux tombés au champ d’honneur , après avoir très vaillamment accompli leurs devoirs de chrétien et de français .

 

Bulletin paroissial du 10 septembre 1916 - N°

Sépultures et décès : Nous avons appris avec regret la mort de Auguste Buet , de la Biretière , tombé au champ d’honneur .

Nos soldats : - Lettre de l’abbé Paul Dugast .Mr le Curé , Depuis que je vous ai écrit , j’ai fait un tour de tranchées. Nous avons quitté l’Oise le 20 août en camions-automobiles ; deux jours après nous montions aux tranchées devant Péronne, entre Biaches et la Maisonnette . Nous y sommes restés sept jours et , depuis mercredi , je suis au repos pour six ou sept jours . Puisque j’en ai le loisir , je vais vous raconter un peu ce qui s’est passé pendant cette période de tranchées ? Nous nous trouvions dans une pointe très avancée ; cependant notre position même nous valait d’être assez tranquilles , tandis que la canonnade était beaucoup plus terrible sur nos deux ailes , à gauche , du côté de Maurepas et à droite , du côté de Barleux et Estrées . Dans la soirée du jeudi 24 août , nous avons assisté avec intérêt au bombardement effroyable qui précéda notre attaque et à l’attaque elle-même qui se fit à Maurepas . Nous constations avec plaisir notre avance clairement indiquée par les nombreuses fusées vertes qui étaient lancées pour faire allonger le tir de notre artillerie. Ce qui nous faisait le moins plaisir c’était de voir nos aéros , une cinquantaine au moins , survoler nos lignes et les lignes boches pendant toute l’attaque . Les aviateurs boches se tenaient prudemment à l’écart , nous n’en vîmes qu’un qui , pris en chasse par un des nôtres , s’enfuit rapidement.

Depuis que nous sommes dans la Somme , j’ai constaté que nos aéros étaient beaucoup plus nombreux et plus audacieux que les boches , c’est ce qui contribue pour beaucoup à notre force . Le tir de notre artillerie est ainsi beaucoup plus efficace , tandis que les boches ignorant où se trouvent placées exactement nos batteries ne peuvent pas les atteindre si facilement . Aujourd’hui notre supériorité est bien évidente et avec de la constance nous sommes assurés de la victoire complète ; malheureusement s’il faut aller jusqu’à l’écrasement complet de l’Allemagne , il faudra encore du temps . Ce qui effraye surtout les soldats c’est la pensée qu’il faudra encore passer l’hiver prochain dans les tranchées , c’est une chose qui est en effet loin de faire plaisir . Espérons que peut-être la guerre sera terminée auparavant ce qui n’est d’ailleurs pas impossible .

Notre relève des tranchées mercredi s’est faite dans de très mauvaises conditions et a été pleine de péripéties . Dans la soirée de mardi un violent orage s’était tout-à-coup déclaré et la pluie est tombée à torrents de sorte qu’en peu de temps les tranchées se trouvèrent à moitié remplies d’eau . Quand nos remplaçants furent arrivés , à 1h.1/2 du matin , nous leur cédâmes volontiers la place pour aller nous reposer quelques jours . Nous avions une dizaine de kilomètres de boyaux à parcourir avant de pouvoir prendre la route et , dès les premiers pas , l’eau nous montait jusqu’au dessous du genou . Le terrain étant plat nous marchions constamment dans l’eau , enfonçant un peu plus avant que nous arrivions dans des trous . C’était une marche très fatigante et fort irrégulière . A chaque pas la colonne était arrêtée par tel ou tel qui se trouvait pris dans un fil téléphonique par les pieds , les musettes ou le fusil. Pendant ce temps ceux qui étaient devant continuaient leur marche et les autres étaient obligés de courir pour les rejoindre . A peine avions nous fait 1500 mètres que la colonne se trouva coupée en deux . La tête suivait toujours le guide , mais la seconde fraction , arrivée à un croisement de boyaux , ne savait de quel côté se diriger . J’étais du nombre de ceux qui étaient là sans guide . Nous fîmes d’abord une soixantaine de mètres dans un boyau d’artilleurs . Nous apercevant de notre erreur il nous fallut faire demi tour et cette fois nous prîmes la bonne voie . Bientôt après , fatigués de marcher dans l’eau , nous résolûmes de monter sur le parapet et de marcher à découvert . Les nombreuses fusées éclairantes qui brillaient ce chaque côté de nous , indiquant où se trouvaient exactement les boches , nous montraient la route que nous avions à suivre pour gagner l’arrière . C’était d’ailleurs le seul moyen que nous avions de nous orienter en pleine nuit , aucune étoile ne paraissant dans le ciel . Après une demi heure de marche à découvert nous arrivions à une route et nous avions la chance de rencontrer de nombreuses voitures de ravitaillement se dirigeant vers les tranchées ou en revenant . Ces dernières étaient vides et allaient dans la même direction que nous . Chacun s’empresse de monter. Bientôt tous en voiture , mais nous restions sur place . Qu’y avait-il donc ? Encombrement de voitures dans le village qui était devant nous et que nous devions traverser . Nous sommes bien restés là une demi heure avant de pouvoir repartir. Cet encombrement inaccoutumé étai dû au fait que de nombreuses pièces d’artillerie arrivaient en vue d’une attaque projetée pour les jours suivants . Par bonheur , les boches ne bombardaient pas le village . S’ils avaient lancé quelques obus seulement , quelle débandade c’eut été ! Beaucoup déjà s’impatientaient , préférant marcher à pieds que d’attendre là les obus ; enfin les voitures s’ébranlèrent et nous arrivâmes sans encombre sur les bords de la Somme et de son canal . C’est là que nous allons nous reposer quelques jours . Ce n’est pas d’ailleurs sans besoin car nous sommes tous épuisés de fatigue et de faim . C’est à ne pas comprendre comment il nous est possible de supporter tout cela ; il y a vraiment là quelque chose de surhumain .

Bulletin paroissial du 17 septembre 1916 - N°246

Nos soldats : Lettre de L’abbé Gabriel Forget , prisonnier de guerre . Cher M.le Curé , Il y a déjà bien longtemps que je ne vous ai pas envoyé directement de mes nouvelles , et si vous ne connaissiez pas les circonstances particulières où je me trouve , vous pourriez croire que votre Gabriel vous oublie .Non : et ce m’est une grande consolation au milieu de cette épreuve de pouvoir vous parler , de loin sans doute , mais cependant avec l’assurance que je m’adresse à un bon père , qui connaît le coeur de son Séminariste , et qui l’aime tendrement .

Je me trouve actuellement dans un détachement de prisonniers en représailles , en Russie .Ce n’est pas sans quelque regret que je me suis éloigné de Meschede , car pendant environ cinq mois , j’y avais vécu en quelque sorte notre vie si douce du Séminaire . La vie que je mène ici est assez dure , tant à cause du travail qqu’il nous faut fournir chaque jour qu’à cause de la nourriture rendue insuffisante par l’arrivage non régulier des colis . Malgré tout , ma santé se maintient toujours très bonne : c’est là une bien grande faveur du Coeur de Jésus dans les circonstances présentes . Vous voudrez bien dire , Mr le Curé , à mes bons parents , de ne pas se faire de peine pour moi , car j’accepte mon sort avec courage , me confiant entièrement à la protection de la Sainte Vierge . Espérons cependant que ce temps d’épreuve finira bientôt , et dans cet espoir , nous continuerons de prier les uns pour les autres .

La rigueur de la vie que nous menons ici est cependant bien adoucie pour moi , par la compagnie de mes camarades séminaristes de Meschede ; nous nous soutenons les uns les autres , et le dimanche qui est libre, nous pouvons parler un peu des choses du Ciel . Je termine , Cher M. le Curé , en me recommandant à votre paternel souvenir, surtout à la Sainte Messe . De mon côté , j’offrirai mes souffrances de chaque jour pour attirer sur votre ministère les faveurs du Coeur de Jésus .

Dites à papa , à maman , à mes frères et soeurs que je les embrasse bien tendrement .

Votre reconnaissant et affectueux Gabriel .

Lettre de Jean-Baptiste Hervouet, du Buisson . Cher M.le Curé , Permettez- moi de vous parler des combats auxquels je viens de prendre part .

Je suis resté à Verdun tout un mois et je puis dire , où je me suis battu comme un lion sous une pluie de fer .J’en suis cependant sorti sain et sauf ; mais je crois , grâce à la Sainte Vierge et à soeur Thérèse de l’Enfant Jésus que je n’ai jamais oubliées.

Enfin j’ai été au repos pendant quelques temps ; puis de là , j’ai été désigné pour prendre part aux terribles combats de la Somme .C’est là que , sous un feu d’enfer , j’ai vu beaucoup de mes camarades tomber morts à mes pieds . Quant à moi , toujours confiant en la Ste Vierge , j’en suis sorti sans aucune égratignure.

Cher M.le Curé , je crois qu’avant peu de temps mon régiment sera appelé encore à quelques combats .S’il la faut , j’irai. Ma conscience est à l’aise et tous mes comptes sont réglés avec Dieu.

Décoration : Nous apprenons avec grand plaisir que la Croix de guerre vient d’être accordée à M. l’abbé Alcime Graton , de la Renaudière. Jamais décoraiton ne fut mieux méritée .

Blessures .Par ailleurs , une nouvelle assez triste nous est arrivée , nous montrant combien sont terribles les éclats d’obus. Il y a quelques semaines , c’était Auguste Garnier, de l’Errière , qui était frappé , et qui dut subir l’amputation d’une jambe; aujourd’hui , c’est Pierre Hégron , de la Noue-Morin , qui vient d’être blessé à un bras et à l’épaule gauche . Heureusement que ces blessures , quoique douloureuses , ne mettent pas en danger , la vie de ces chers paroissiens .

 

Bulletin paroissial du 24 septembre 1916 - N°247

Nos soldats : On est très inquiet au sujet de Ernest Morisset, de Landefrère. L’envoi d’une carte-lettre maculée de sang et quelques photographies , fait à sa famille par un de ses camarades , ferait supposer la mort survenue sur le champ de bataille. Cependant rien n’est encore absolument certain .

Mr l’abbé Stanislas Caille a été assez heureux pour faire parti d’un train sanitaire se dirigeant vers la Vendée . Il est soigné à la filiale de l’hôpital temporaire n°46 , à Champagné (Vendée)- Espérons que bientôt il pourra venir nous voir .

Lettre de Mr l’abbé Auguste Lebreton .Cher M.le Curé , Un salut chaleureux de l’ambulance 2 Nouvelle , où depuis trois semaines j’apprécie à sa juste valeur les ardeurs du soleil d’Orient. Géograhiquement parlant à environ 10 kilom.de Salonique , à l’embranchement des voies ferrées de Doiran , de Monastir et d’Uskub , comme vous le voyez, au beau milieu des opérations orientales , mais à une distance respectable de la ligne de feu , 40 km. environ .C’est à dire que nous n’avons rien à craindre de ce côté là. Nous pouvons bien contempler de nombreux vols d’aéroplanes au-dessus de nous , mais ils sont tous français ; les boches ne passent pas à côté de nous ; quelques escadrilles alliées qui nous réveillent ou nous endorment au son des moteurs aériens .L’ambulance est pittoresque avec sa plaine immense , ses montagnes à l’horizon, et ses baraquements improvisés qui contiendraient plus de la moitié de notre belle paroisse.- Le climat commence à devenir plus tempéré. Nous sommes du reste immunisés contre les incommodités du pays par tous les moyens scientifiques. - Une prière pour moi et pour ma paroisse à laquelle je pense beaucoup . Demandez que je recueille tous les mérites que comporte la situation .

 

Bulletin paroissial du 01 octobre 1916 - N° 248

Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Ernest Morisset , de Landefrère , âgé de 25 ans , tombé au champ d’honneur , et enterré à Maricourt , à côté de son lieutenant .

Nos soldats : - Eugène Bourdet vient de passer avec succès à Bordeaux , le double examen d’élève-officier . Il est parti suivre des cours spéciaux à l’Ecole de Joinville-le-pont , près de Paris.

Nous sommes heureux d’avoir appris que plusieurs de nos jeunes soldats viennent d’obtenir la Croix de guerre pour actes de bravoure . Ce sont : Auguste Hilléreau , de la Favrie ; Alphonse J. Marie Planchot , de la Vrignais , et Léon Epiard , de Belle Etoile . Chacun de ces vaillants soldats a été cité à l’ordre du jour, mais nous n’avons encore reçu que la citation de Auguste Hilléreau . En voici quelques termes :

"Chargé de la réparation et de la pose des lignes téléphoniques a , du 20 au 28 juillet , assuré son service avec un dévouement de tous les instants et au mépris complet du danger ; et a maintenu , malgré les violents bombardements , les liaisons avec le Commandement .

Aux armées le 20 août 1916 . Le colonel : Lagarrue

 

Bulletin paroissial du 08 octobre 1916 - N° 249

Nos soldats : - Nous avons reçu lundi dernier le texte de la citation à l’ordre du jour de Mr l’abbé Alcime Graton , de la Renaudière , que nous sommes heureux de reproduire ici :

"Brancardier consciencieux et dévoué pour les blessés , a toujours fait preuve de courage et de dévouement , particulièrement au cours des opérations sous Verdun ." Le vendredi 25 août , il a été décoré de la croix de guerre par le général de division devant les troupes rassemblées .

Bulletin paroissial du 29 octobre 1916 - N°252

Nos soldats : - Nous espérons que la grand’messe du jour de la Toussaint sera chantée par Mr l’abbé Caille . Peut -être même , s’il obtient un congé de convalescence , pourra-t-il rester plusieurs semaines parmi nous . Ce serait une joie pour nous .

Jean-Baptiste Forget, de Noëlland , a été cité pour la seconde fois à l’ordre du jour , pour avoir , au mépris de tout danger été à la recherche de plusieurs blessés .

Une note officielle, nous a annoncé la mort de Henri Bouaud, de la Basse-Gergue, lequel serait décédé le 5 juillet 1916, à l’hôpital de Pierrepont , et aurait été inhumé au cimetière des soldats , tombe 399 .Mais on est porté à croire à une erreur administrative , sa mère a reçu d’Allemagne une carte-lettre , disant que son fils Henri était au nombre des prisonniers . Si c’était bien vrai ! En tout cas , il reste encore une lueur d’espérance à la pauvre mère qui a déjà perdu à la guerre son fils Armand .

Gabriel Epiard, du Cou , a été blessé aux deux bras , par des éclats d’un obus qui a blessé en même temps 15 de ses camarades. Grâce à Dieu , aucun n’a été atteint mortellement .Notre cher Gabriel a été transporté dans un l’hôpital de Bordeaux , où il est encore en traitement .

Bulletin paroissial du 12 novembre 1916 - N°254

Nos soldats : - Depuis la prise de fort Douaumont , nous n’avions pas de nouvelles de Ferdinand Hervouet , de la Favrie, et de Auguste Hilléreau de la Couëratière . Ces deux jeunes faisaient partis de l’offensive . Au dernier moment ,nous apprenons que Ferdinand Hervouet est venu agréablement surprendre ses chers parents , avec une permission de sept jours , bien méritée .Il porte aux mains les marques de quelques éclats d’obus , et a été enseveli plusieurs fois dans les tranchées bouleversées par les canons ennemis . Enchanté d’avoir participé à cette immortelle bataille , il ne donnerait pas ce voyage , nous a-t-il dit , pour bien de l’argent . Et ce brave jeune homme est tout prêt à recommencer .

Jules Honoré , du Paradis , a été blessé à un pied à la bataille de Verdun . Aidé par son camarade Ferdinand Hervouet , il a pu assez facilement arriver au poste de secours .

Alphonse Baudry ,de la Barretière , parti depuis de longs mois en Serbie , a été blessé le 14 octobre, à la jambe droite et à la main droite . Il a été aussitôt évacué en France .

Georges Biton , de la Barretière , qui était soigné en un hôpital de Nantes pour blessure à un bras , est venu en permission de 7 jours , et doit ensuite aller rejoindre son régiment .

Gabriel Forget , de Noëlland , qui a subi 6 mois d’un camp de représailles en Russie, est retourné en un camp d’ Allemagne, à Stendal . C’est de là qu’il a écrit à Mr le Curé la lettre suivante .

Cher M.le Curé , Aujourd’hui , je ne puis m’empêcher de vous dire la joie que j’éprouve de pouvoir enfin consacrer cette journée du Dimanche au service du Bon Dieu . Depuis six mois que je n’avais pu assister à la Sainte Messe et m’approcher des Sacrements , vous devez penser mon bonheur .

Je remercie le Bon Maître qui durant ces longs mois d’épreuve m’ soutenu avec tant de bonté par ses grâces si nombreuses . Ce matin j’ai eu la consolation de recevoir la Ste Communion et d’assister à la grand’messe comme autrefois au camp de Meschède . Espérons que désormais je pourrai accomplir mes devoirs religieux .

En ce moment-ci , je suis au camp de Stendal , mais ce n’est probablement pas définitif , car on nous a dit que nous étions ici pour travailler peu de semaines à la culture ; après quoi nous retournerions à nos camps respectifs .

Il y a déjà quelques temps que je n’ai pas reçu de nouvelles de mes bons parents ; mais cela se comprend facilement à cause des dérangements successifs que nous subissons depuis notre départ en Russie .J’espère pouvoir donner bientôt une adresse définitive , pour que mes bons parents puissent m’écrire et m’envoyer des colis .

Depuis dimanche dernier , je ne fait que voyager , je pense tout de même que mon tour en Allemagne sera bientôt terminé . Malgré tout , je suis heureux de vous dire que ma santé se maintient toujours très bonne , et que le grand voyage que nous venons de faire ne m’a point fatigué.

Je vous serais bien reconnaissant de rassurer mes bons parents , car ils n’ont point à se faire de peine maintenant . L’épreuve est terminée , et grâce à de bons camarades séminaristes que la Providence a mis par notre route , et je n’ai manqué de rien .

Bulletin paroissial du 19 novembre 1916 - N°255

Nos soldats : - Georges Epiard ,du Cou qui faisait parti du régiment qui a pris le fort de Douaumont, a eu les pieds gelés .Même accident est arrivé à Raphaël Remaud , de Landefrère ,.Le 3 novembre , au fort de Vaux , Henri Avrilleau , des Grimaudières , a été blessé à la main gauche d’un éclat d’obus. Jean-Baptiste Garreau , de Landefrère , a été décoré récemment de la Croix de guerre . Le texte de sa citation ne nous est pas encore parvenu .

Bulletin paroissial du 26 novembre 1916 - N°256

Oeuvre des orphelins de la Guerre - Monseigneur l’Evêque de Luçon se propose de fonder très prochainement , en faveur des orphelins de la guerre , un Comité diocésain rattaché à l’Association nationale pour la protection des Veuves et des Orphelins , qui a été établie à Paris sous la présidence d’honneur de Son Eminence le Cardinal Amette .

Pour hâter le fonctionnement de ce Comité , Monseigneur l’évêque de Luçon prie chacun des Curés de son diocèse de vouloir bien rechercher ou faire rechercher , dès maintenant , les orphelins qui seraient dans les conditions requises pour être secourus .

Est réputé secourable tout orphelin dans le besoin et âgé de moins de 16 ans , qui a perdu son soutien habituel par le fait de la guerre ; que cet enfant soit élevé dans sa famille , placé chez des tiers ou recueilli dans un orphelinat .

Pour chacun des orphelins il faudra un dossier de demande de subvention , qui doit comprendre les pièces suivantes :

1° Demande signée par la personne qui a charge de l’enfant
2° Bulletin de naissance de chaque enfant , ou la certification dans l’enquête , de la date de naissance et de l’existence de chacun d’eux .
3° Avis de décès du père , ou copie de cette pièce certifiée conforme par Mr le Maire ou Mr le Curé .
4° Enquête constatant l’insuffisance des ressources de la mère , mentionnant la date de son mariage et établissant qu’elle est digne d’être assistée .

Cette enquête devra être certifiée par quelque personne notamment de la paroisse .

Aucun orphelin ne pourra être inscrit au Comité , s’il reçoit déjà un secours d’une oeuvre similaire.

Ce dossier ainsi préparé sera envoyé au Secrétariat de l’Evêché de Luçon .

Nous donnerons tous nos soins les plus empressés à cette oeuvre d’apostolat et de patriotisme , et nous serons très heureux de pouvoir apporter aide et secours aux orphelins de chaque famille éprouvée par cette terrible guerre .

 

Nos soldats : - Pierre Morisset , de Landefrère, a reçu la notification officielle de la mort de son fils Ernest tombé au champ d’honneur , le 9 septembre 1916 . Le corps de ce cher soldat a été inhumé à Maricourt (Somme) , route de Albert à Peronne, derrière la Brasserie . .Sa tombe est à côté de celle de son lieutenant .

Bulletin paroissial du 10 décembre 1916 - N°258

Nos soldats : - Alphonse Baudry , de la Barretière ayant pris part à un violent combat , en Serbie, a été blessé à un bras . Une balle ennemie lui eut transpercé le coeur si elle n’eut d’abord atteint son porte-feuille et dévié . Nous nous plaisons à penser que ce porte-feuille devait contenir une médaille de la Ste Vierge ou un Sacré-Coeur . Le cher blessé est soigné dans un hôpital à Marseille .

Jean-Baptiste Hervouet, du Buisson , qui a combattu si souvent dans la région de Verdun , est tombé malade et a dû être évacué .

Le 22 novembre , à Verdun , Fernand Fioleau, de la Ganachère, a été blessé d’un éclat d’obus et a dû subir l’amputation d’un doigt.

Jean-Joseph Piessala, de la Postière des Landes, est soigné en un hôpital de Paris, vient de subir une nouvelle et très douloureuse opération. Le pauvre amputé a été bien près de la mort , mais grâce à Dieu , il est en pleine voie de guérison . Au moment de sa dernière opération , il a reçu la médaille militaire . Depuis six mois , il était titulaire de la croix de guerre.

Bulletin paroissial du 17 décembre 1916 - N°259

Vendéens prisonniers ou disparus . - Mme la baronne de Taylor , de retour du Danemark , se met à la disposition de ses compatriotes vendéens qui désirent obtenir , dans la mesure du possible , des renseignements sur leurs parents prisonniers ou disparus . Elle se trouvera chaque samedi matin , de 8.1/2 à 10h. au Pensionnat Jeanne d’Arc , à Montaigu . On peut également lui écrire au Château de Bois-Courbeau , par Montaigu .

Nos soldats : - Nous avons reçu confirmation de la mort de Henri Bouaud, de la Belle-Aisine .

D’après la lettre du Comité international de la Croix rouge de Genève , Henri Bouaud ,du 65ème infanterie , fait prisonnier à Thiaumont le 22 juin 1916, serait décédé à l’hôpital de Pierrepont, le 6 juillet 1916 , des suites d’une blessure faite au poumon . Son corps aurait été inhumé dans un cimetière , tombe N° 399 , en présence d’un aumônier et avec tous les honneurs militaires .

Donatien Durand , fils de la veuve Durand , du bourg ,a été cité à l’ordre du jour pour sa belle conduite devant l’ennemi , le 10 août . "Ayant assuré pendant toute la journée , au cours d’une attaque , la liaison avec une unité voisine , malgré un feu violent d’artillerie et de mitrailleuses ."

- Benjamin Chatelier du bourg , a été cité à l’ordre du jour , et décoré de la Croix de guerre . Nous n’avons pas le texte de sa citation .

M.l’abbé Léon Ganachaud , de la Vrignais , et Théophile Pouvreau , du bourg , ont dû passer un nouveau Conseil de révision ont été jugés bons pour le service . Le premier doit partir demain pour La Roche-Sur-Yon , et le second a déjà rejoint son régiment à Ancenis.

 

Bulletin paroissial du 21 décembre 1916 - N°260

Décès: Nous avons appris avec regret la mort d’Elie Gris , du Chiron de Beaulieu , tombé au champ d’honneur , à Douaumont , le 22 novembre dernier , âgé de 20 ans.

Bulletin paroissial du 31 décembre 1916 - N°261

Ferdinand Hervouet, de la Favrie, après être resté dans l’eau jusqu’au genou pendant plusieurs jours et plusieurs nuits , dans les tranchées de Verdun , a eu les pieds gelés .

Auguste Hilléreau , de la Couëratière , serait probablement mort , frappé d’une balle qui lui aurait traversé la poitrine . Un de ses camarades lui ayant demandé à plusieurs reprises s’il était grièvement blessé , il ne put répondre, et s’affaissa , pâle comme un mort . Il fut impossible à son dévoué camarade de s’attarder davantage , car le bataillon , selon l’ordre donné , avançait toujours pour prendre la tranchée ennemie .Aucun autre renseignement n’est venu nous donner quelque espoir .

Jean-Marie Hervouet ,de la Roche-Chotard , a pu nous faire parvenir quelques lignes très intéressantes , sur le genre de vie de Konigs Brück (Saxe) , où il est prisonnier depuis longtemps .

Il travaille dans une grande ferme où il a la charge de conduire huit chevaux .Parfois il fait l’office de cocher , et reçoit pour pourboire 0.10 fr . Du mois d’avril à la fin de l’automne , il a dû fournir un travail considérable , chaque journée commençant à 4 h. 1/2 du matin pour se terminer à 8 h. 1/2 du soir . On ne lui laissait de libre , qu’une heure 1/4 au milieu du jour pour prendre son repas et s’occuper de ses chevaux .A peine nourri , il a comme paiement autant que le chien de la métairie de la Roche Chotard , qui garde les troupeaux dans la prairie . L’exploitation de la ferme étant faite par une mauvaise famille protestante , le pauvre prisonnier a été obligé de travailler tous les dimanches , et n’a pu assister à la Messe depuis un an . La récolte de pommes de terre ayant été , cette année , très faible , la misère se fait durement sentir au pays Boche .