Les bulletins paroissiaux de 1917
Bulletin paroissial du 7 janvier 1917 - N°262
Chronique
. -Pendant l’année 1916 , nous avons enregistré 15 baptêmes , 2 mariages , et 26 sépultures.
Le nombre de nos soldats morts pendant cette maudite guerre , ou disparus depuis longtemps s’élève à 51 .
La recherche des disparus . - La mission catholique Suisse de Fribourg , vient de recevoir une nouvelle liste de soldats français tombés au champ de bataille , particulièrement en 1914 , et inhumés en Belgique . Pour pouvoir rendre service , autant que possible , à ses paroissiens attristés par la disparition de quelques membres de leurs familles , Mr le Curé de S. Philbert se fera un devoir d’écrire bientôt à la dire société. A cet effet , que les familles de la paroisse qui ont des soldats disparus , veuillent bien l’en prévenir le plus tôt possible , en donnant la véritable adresse , le lieu et la date de la disparition , et surtout les indications de la médaille d’identité du malheureux soldat .
Nos soldats : - Georges Biton , de la Barretière, est parti pour Gabès , ville de Tunisie , y conduisant un bataillon de Sénégalais .
Mr Eugène Auneau , le dévoué directeur de notre école libre de garçons , Marcel Valton des Loreaux , Gabriel Epiard du Cou , ont été cités à l’ordre du du jour et décorés de la Croix de guerre.
Voici le texte de la citation de Gabriel Epiard , le seul que nous possédions en ce moment .
"Excellent grenadier , d’un courage à toute épreuve , a été blessé sérieusement le 27 septembre 1916. "
Bulletin paroissial du 21 janvier 1917 - N°264
Nos soldats : - Lettre d’Augustin Dugast . Chers parents ,Je suis heureux de vous donner quelques détails sur mon voyage vers Salonique . Après avoir passé une journée à Chambéry , nous en sommes partis le 23 décembre à 6 heures du matin , nous dirigeant vers la frontière Italienne . La distance qui nous séparait de Modane est de 100 kilomètres , mais comme ce pays est tout en montagnes , il a fallu 5 heures pour faire le trajet . Le voyage fut assez intéressant , surtout à cette époque où les montagnes sont couvertes de neige . De temps en temps on apercevait des villages savoyards perdus dans la neige , à plus de 800 mètres d’altitude , dont on ne voyait souvent que le toit des maisons se dessinant sur la neige . Le coup d’oeil était vraiment intéressant . Ajoutez à cela un temps beau et pas trop froid , car il y avait quatre ou cinq jours que la neige ne tombait plus .
Cependant , plus nous approchions la frontière, plus le froid devenait vif . A 11h. 1/2 nous quittions les wagons français pour prendre place dans ceux d’Italie , mais je puis vous dire que nous n’avons pas gagné au change ; loin de là . On nous fit monter quelques uns en troisième classe , et les autres dans des wagons à bestiaux . Même ceux qui étaient en des wagons de troisième classe , étaient loin d’être bien . Ce n’est pas en effet comme en France où les compartiments sont rembourrés . Quant à ceux qui se trouvaient dans les wagons à bestiaux , ils étaient encore plus mal ; et moi je me trouvais de ces derniers . En vérité ça ne ma plaisait guère , mais comme il n’y avait pas à choisir , fallait-il encore s’en contenter .
Nous sommes restés à Modane jusqu’à trois heures de l’après-midi , et finalement nous quittâmes le sol français pour l’Italie . Aussitôt la gare de Modane , nous traversions le tunnel du Mont-Cenis qui mesure 14 kilom. de longueur , et quelques minutes après nous arrivons à la première gare italienne, où on nous acclamait aux cris de : Vive la France !
Si en France il y avait de la neige, ce n’était rien en comparaison de ce qu’il y avait en cette première gare italienne. Je n’exagère pas en disant qu’il y en avait dans certains endroits plus d’un mètre . Aussi les soldats étaient -ils depuis plusieurs jours occupés à déblayer les voies et les routes qui étaient enfouies sous la neige . Les gens nous ont dit que depuis 20 ans , ils n’avaient vu autant de neige . Aussi je vous assure qu’il ne faisait pas chaud , et je croyais que mes pieds seraient gelés dans ce sale wagon , où le vent passait par plusieurs ouvertures à la fois . Enfin , la nuit vint et je réussis à me réchauffer tant bien que mal , même j’essayai de dormir .
Nous arrivions à Turin entre 11 heures et minuit , et par le fait nous avons pu voir la ville . Heureusement que le froid était déjà moins vif et que la neige avait disparu . Le dimanche matin vers les 6 heures , nous étions à Gênes et là , nous fûmes ravitaillés en café , et quelques petites friandises. La journée du dimanche a été bien plus agréable que la nuit , et on ne se serait pas cru dans le même pays . Nous longions en effet la côte de la Méditerranée , où on ne voyait plus la neige des Alpes , mais au contraire les arbres des pays chauds , en particulier , les orangers, dont la plupart étaient chargés de fruits . La température que nous avions était même plus chaude que dans nos pays de l’Ouest au mois de mai . Dans l’après-midi , sur les 3 heures, nous arrivions dans la ville de Livourne où nous devions passer la nuit. On nous fit coucher dans une caserne du 88èd’Inf. Italienne. La ville est assez grande puisqu’elle compte au moins 100. 000 âmes , mais malheureusement nous ne pûmes sortir que le soir après 6 heures , et comme c’était mal éclairé , nous ne vîmes pas grand chose . Ce que nous apprîmes à nos dépens , c’est que la vie y était chère . En Italie , on est plus misérable qu’en France , et nous avions de la misère à nous débarrasser des mioches qui nous demandaient ou du pain , ou des conserves , ou n’importe quoi . Pourtant ce n’est pas dans les chaussures que les Italiens habitants de Livourne font de la dépense, car le long du parcours on les voyait , soit hommes , soit femmes , soit enfants , la plupart pieds nus . Ce qui leur manque surtout , c’est la viande , et à la caserne où nous avons couché , les soldats nous ont dit qu’ils étaient deux ou trois jours par semaine sans en manger . Aussi , malgré qu’ils soient rentrés bien longtemps après nous en guerre , je vous assure qu’ils en ont déjà suffisamment leur compte.
( à suivre )
Bulletin paroissial du 28 janvier 1917 - N°265
Nos soldats : - Lettre d’Augustin Dugast ( suite ) Le jour de Noël a été triste pour nous , car quittant la caserne de Livourne le matin sur les 5 heures , nous avons voyagé toute la journée et nous sommes arrivés le soir vers minuit à Rome . Malheureusement , c’était trop tard , et pourtant j’aurais été si heureux de voir cette ville de plein jour !Toute la journée du 26 nous avons continué notre voyage , et le 27 à 11 heures , nous arrivons à Tarente, ville qui se trouve au sud de l’Italie et sur la mer Adriatique . Sitôt qu’on eut mis pied à terre , on prit la direction du bateau , et à 11h. du soir l’embarquement était fini . Dès 3 h. du matin on levait l’ancre . La mer était très belle . Deux bateaux transportaient des troupes accompagnés par trois ou quatre contre-torpilleurs . De cette façon il n’y avait pas grand chose à craindre sur le bateau où d’ailleurs nous étions logés à la même enseigne que dans le chemin de fer. Il y aurait bien eu des places dans les cabines de voyageurs ordinaires , mais comme les soldats qui nous avaient précédés avaient fait quelques détériorations au matériel , il fallait rester sur le pont . Le jour , ça marchait bien , mais la nuit il n’y faisait pas chaud ; surtout c’était un peu dur comme couchette . Malgré cela la première nuit a été assez bonne, et vu la fatigue on était forcé de dormir. La seconde journée et surtout la seconde nuit , n’ont pas été aussi bonnes , la mer étant devenue plus houleuse et la vent s’étant levé tout à coup . Ajoutez à cela , pour un grand nombre d’entre nous , le mal de mer , et pour comble , nous traversons les parages les plus fréquentés par les sous-marins, surtout qu’il y en avait quatre de signalés par la T. S. F. . Enfin tout s’est passé pour le mieux , et au matin nous apercevions de loin le port de Salonique . Quelle joie ! car nous en avions assez de ce voyage en mer , avec mauvais logement et surtout mauvaise nourriture, plutôt infecte .
Enfin , Dieu merci , à 11 heures , samedi matin , nous mettions le pied à terre . Hélas ! ce n’était pas sur la terre de France ; il ne faut pas même y songer . Ici quel triste pays ! en traversant la ville de Salonique , vous avancez dans des rues défoncées , sales et dégoutantes . Pour l’instant , nous sommes à 4 kilom. de la ville , dans un camp appelé Zeitenlick . Nous couchons sous la tente ou dans des baraquements , et je vous assure qu’il n’y fait pas chaud , et que ce n’est pas facile de dormir .
Vous ne vous doutez peut-être pas ce qui m’ennuie le plus ici , c’est d’être privé de nouvelles. Rien , pas même un journal qui vient de France . Et dire qu’il faudra peut-être rester un mois comme cela ! Malgré tout , il faut se résigner et avoir confiance que dans un jour peut-être plus rapproché qu’on ne le croit , nous verrons la fin de cette guerre , que j’aurai le bonheur de revoir le sol de la patrie ainsi que ceux qui me sont si chers . En attendant ce bonheur , ne vous faites pas de chagrin pour moi ; mais continuez à prier , et le Bon Dieu fera le reste .
Bulletin paroissial du 04 février 1917 - N°266
Annonces
Mr l’abbé Caille, après une convalescence de trois mois , est parti mardi soir , rejoindre le dépôt de son régiment , à Brest . Quoique beaucoup mieux , il est cependant loin d’être complètement guéri .
Bulletin paroissial du 11 février 1917 - N°266
Annonces
Sitôt son retour au dépôt de Brest , Mr l’abbé Stanislas Caille a passé la visite devant la major du régiment , et a été reconnu inapte pour deux mois . Par le fait , d’ici deux mois , il ne pourra être envoyé au front . Voici son adresse : 2è Colonial , 25è Compagnie.
Bulletin paroissial du 18 février 1917 - N°267
Ils bouffent du Curé . - Où ? A la chambre des députés où Mr Sixte-Quenin vient de faire voter un amendement qui oblige tous les curés de 38 à 45 ans , jusqu’à présent classés dans les corps d’infirmiers , à partir pour le front . Fait d’autant plus honteux pour une nation catholique , que dans aucun autre pays d’Europe et du monde , le prêtre n’est considéré comme combattant . Comment s’étonner après de tels actes de la France officielle , que le bon Dieu ne puisse se rendre immédiatement à la prière des bons chrétiens ?
De quoi s’agissait-il donc ? Tous les prêtres , appartenant à l’active et à la réserve ont suivi leurs classes . Deux milles Curés ont été tués à l’ennemi . Le livre d’or des citations en signale à chaque page . Des religieux exilés sont rentrés en France pour servir la patrie , par exemple 600 Jésuites dont 120 sont tombés au champ d’honneur . Quand on lit une telle statistique de bravoure , ne faut-il pas s’émouvoir et admirer ? Cependant les prêtres territoriaux étaient affectés par la loi au service des ambulances et des brancardiers . Ce sont ces derniers que Mr Sixte -Quenin a poursuivis de sa rage , et la Chambre l’a suivi .
"Dans la mesure où je puis , a osé écrire cet étrange député , je bouffe du Curé , et je pense que pour l’instant je ne saurais mieux faire . " Si, Monsieur . Pour l’instant , bouffer des Prussiens vaudrait mieux : et la paix victorieuse viendrait beaucoup plus vite
Bulletin paroissial du 25 février 1917 - N°269
Conseil de révision
Le conseil de révision pour les jeunes gens de la Classe 1918 a eu lieu à Rocheservière , le vendredi 16 février .
Ont été reconnus bons pour le service : F. Planchot , A. Peneaud , F. Charrier , A. Fouchet , J. Morisseau , A. Pavageau , A. Ganachaud , J. Buet , A. Bonnet , J. Bourmaud , D. Richard , A. Rondeau ,E. François , J. Epiard , A. Blais , I. Hervouet , L. Parois
Ont été ajounés : L. Charron , H. Roy , L. Vinet , E. Jaunet , J. Corbineau , H. Moreau
Ont été réformés : J. Huchet , A. Pavageau
Bulletin paroissial du 11 mars 1917 - N°271
Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Louis Guillon , du Haut bourg , décédé à l’hôpital mixte , d’Aire sur la Lys , à l’âge de 46 ans .
Nos soldats : - Nous avons été heureux d’apprendre que Georges Biton , des Barretières, vient de recevoir la Croix de guerre . Voici sa citation à l’ordre du Bataillon :
Le chef du 78è Bataillon des Tirailleurs Sénégalais cité à l’ordre du Bataillon avec attribution de la Croix de guerre , Georges Biton , caporal , gradé énergique et ayant de l’entrain ; blessé le 8 sept. 1915 à Suippes , et le 17 sept. 1916 à Belloy en Santerre (Somme )
Gabès le 30 janvier 1917
Le chef du Bataillon Commandant , Gateau
Nous avons enfin reçu la citation à l’ordre de la Brigade de Gabriel Epiard , du Cou , et la citation à l’ordre du Régiment , de Mr Eugène Auneau , directeur de notre école libre de garçons . Aussi sommes-nous très heureux de les reproduire ici .
Caporal Gabriel Epiard , excellent grenadier d’un courage à toute épreuve . A été blessé sérieusement le 27 septembre 1916.
12octobre 1916. Le Colonel Commandant , Maurel
Caporal-fourrier Eugène Auneau , Militaire très brave s’est particulièrement distingué à toutes les affaires auxquelles il a pris part . Aux attaques des 4,5,6 nov. 1916 s’est bravement porté en avant , entraînant ses camarades par son courage .
Bataille de la Somme . Le Leutt - Colonel Comt , Douce.
Bulletin paroissial du 1er avril 1917 - N°274
Nos soldats : - Nous avons été heureux d’apprendre que presque tous nos jeunes de la Classe 18 se sont faits un pieux devoir de prendre part à la retraite donnée à Vieillevigne , du 29 au 31 mars . Que Dieu les soutienne et nous les garde !
Plusieurs hommes ou jeunes gens , réformés ou exemptés , ont dû passer le Conseil de révision à la Roche -su-Yon , le 23 mars . 2 ont été pris pour le service armé : Jean Mrie Sauvaget et Constant Biret ; - et 2 pour le service auxiliaire : Aug. Morandeau de la Reparnière , et Louis Jageneau de la Ségouinière .
Bulletin paroissial du 15 avril 1917 - N°276
Décès :Nous avons appris avec regret la mort de Marcel Auguste Bouaud , de la Belle-Aisine , tombé au champ d’honneur le 13 mars 1917 , à l’âge de 26 ans . Son corps a été inhumé à Maffrecourt .
Il n’y a que les saintes espérances de la religion catholique pour consoler une pauvre mère , qui a ainsi sacrifié , au salut de la patrie , trois de ses enfants .
Annonces
Nous sommes heureux d’apprendre à nos chers paroissiens que Mr l’abbé Caille , actuellement au dépôt de Brest , vient , après une nouvelle visite médicale , d’être déclaré inapte pour deux mois .
Bulletin paroissial du 6 mai 1917 - N°279
Nos soldats : - Les jeunes gens de la Classe 18 sont ainsi répartis :
à Fontenay , Fernand Planchot , Laurent Parois , Alph. Peneau , Jos. Morisseau , et Alex . Pavageau , au 137è d’Inf. ;
à Ancenis ; Jos. Bourmaud , Armand Bonnet et Samuel Blais , au 120è d’Inf.
à Nantes , J. Bte Epiard et Edouard François au 51è d’art. ; Aug. Fouchet et Alp. Ganachaud au , 65è d’Inf. ; Ferdin. Charier , au 91è d’Infanterie ;
à Lorient , Donatien Richard et Maurice Guibreteau au 111è d’art. lourde ; à Poitiers , Alp. Rondeau au 109è d’art.
à Bordeaux , Isidore Hervouet au 3è groupe d’aviateurs : - à Thouars , Jos. Buet au 9è cuirassier ; - à la Rochelle , Clément Dronet au 118è d’artillerie .
Le soldat Jean Durand , domestique à la Reparnière , vient d’être cité pour la 3è fois à l’ordre du jour. Voici l’objet de cette dernière citation : "Avoir assuré la liaison , sans souci des marécages , traversant l’Aisne à la nage pour porter un pli à son Capitaine, avoir assuré la prise de la Sucrerie , et ramené 13 prisonniers dont un officier . "
Dans la dernière offensive , quatre de nos chers soldats ont été blessés : Joseph Roy du bourg , au bras gauche ; Aug. Ganachaud de la Biretière , à un doigt ; Eugène Baudry de la Haute-Favrie , à un pied ; et Léon Epiard de la Belle Etoile , à la hanche , à un genou et à un pied . Heureusement , aucune de ces blessures n’est jugée très grave .
Lettre d’un infirmier . - Cher Mr le Curé, Notre ambulance est très instable , depuis les récents succès . Pour nous rapprocher des lignes , nous sommes à la merci d’un coup de téléphone . La radiologie nous a quittés subitement lundi dernier .
J’ai passé une excellente fête de Pâques à Domrémy , j’ai visité avec respect et émotion tous ces lieux vénérables et si riches en souvenirs historiques : la maison de Jeanne d’Arc devant laquelle s’inclinent les drapeaux de nos régiments qui passent ; à l’intérieur , la chambre de famille qui servait de cuisine , la chambre de Jeanne , celle de ses frères , la cave etc. . . , tout près , la vieille église où elle fut baptisée , où elle fit sa Première Communion , ( les fonts où elle fut baptisée existent encore et servent pour le baptême des enfants de la paroisse ) ; l’église de Greux , où Jeanne d’Arc aimait à prier Notre-Dame de Bermont ; la basilique construite au lieu où Jeanne entendait ses voix , près du Bois Chenu qui était la propriété de son père et qui domine la vallée de la Meuse . Dans la chapelle de Notre-Dame des Armées reposent les restes de quelques soldats et officiers célèbres , comme le général De Charette , chef des zouaves pontificaux .
Le canon ne cesse de retentir dans la direction de Verdun ; mais la Providence veille , et après l’heure de la justice , de beaux jours se lèveront . Emm. D.
Bulletin paroissial du 20 mai 1917 - N°280
Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Auguste Fruneau , époux de Angélina Bossard du Temple , tombé au champ d’honneur , le 4 mai 1917 .
Bulletin paroissial du 03 juin 1917 - N°283
Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Adolphe Bossis , du petit Breuil du Faux , et de Louis Boutin de la Roche Chotard , tous les deux tombés au champ d’honneur , en combattant vaillamment pour la patrie .
Bulletin paroissial du 10 juin 1917 - N°284
Nos soldats : - On a reçu avis de disparition du fils Dugast , de la Favrie. lequel n’avait pas donné de ses nouvelles depuis de longues semaines . Espérons qu’il est au nombre des prisonniers .
Et cependant combien parmi ces derniers souffrent un véritable martyre . Lisez plutôt cet extrait d’une récente lettre d’Achille Hervouet , de la Favrie , prisonnier à Langensalza .
"Ici , chers parents , tout n’est pas rose . Si malheureusement pareil cas se représentait , je vous assure que mourir pour sa patrie serait le plus beau rêve. Quant à la captivité , jamais je n’y serais : car la mort de suite est mille fois préférable à tant de souffrances. "
Jean-Baptiste Avrilleau , des Grimaudières et Lucien Fouchet , de la Ségouinière ont été cités à l’ordre du régiment et ont été décorés de la Croix de guerre .
"J. Bte Avrilleau , soldat énergique et dévoué , d’un sang froid remarquable , dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 1917, a arrêté à la grenade un fort détachement ennemi qui tentait de pénétrer dans nos lignes , lui a infligé des pertes sérieuses qui ont déterminé sa retraite . "
"Lucien Léon Fouchet , soldat très énergique volontaire pour toutes les reconnaissances dangereuses ; s’est particulièrement distingué le 16 avril 1917 , en se portant courageusement à l’assaut d’une position ennemie sous un feu violent de mitrailleuses. "
Bulletin paroissial du 17 juin 1917 - N°285
La pétition en faveur du Sacré-Coeur . - La plupart des personnes de S. Philbert de Bouaine l’ont signée avec joie . Quelques uns cependant , par irreligion , ou sottise , ou même , qui le croirait ! par crainte , ont refusé de donner leurs noms . Que Dieu , à qui ils craignent moins de déplaire qu’aux hommes , leur pardonne et les éclaire ! Pourquoi , en effet , voulons-nous que l’image du S. C. figure sur le drapeau national ?
Nous le voulons parce que le Sacré-Coeur le veut . Le Sacré Coeur est Roi , et il veut régner non seulement sur les individus , mais encore sur les peuples . Or , la mise de son image sur le drapeau français serait la reconnaissance publique , officielle de sa royauté sociale .
Nous le voulons à cause des grandes promesses que le Divin Coeur à faites à Paray-le -Monial ; notamment à ceux qui honoreraient son image .
Nous le voulons à cause des merveilles accomplies par la bannière de Jeanne d’Arc , grâce aux noms de Jésus et de Marie que la pieuse héroïne y avait fait inscrire .
Nous le voulons à cause des victoires célèbres remportés par Constantin avec l’étendard dont la croix lumineuse qu’il vit dans les airs lui montra le modèle et la puissance : in hoc siquo vinces .
Et après avoir évoqué ce souvenir dans une encyclique mémorable , Léon XIII ajouta , en parlant du Coeur de Jésus , le Labarum des temps nouveaux :"Nous devons placer en Lui toutes nos espérances. "
A l’encontre de notre thèse , on ne manque pas de faire observer que la drapeau national est intangible . Il est intangible, en effet , mais seulement jusqu’à l’heure , et cette heure est venue où l’intérêt de la patrie exige qu’on y ajoute l’emblème du Coeur divin qui n’a jamais marqué la France et qui peut encore la délivrer et la sauver .
Nos soldats : - Lettre de Mr l’abbé Paul Dugast. Monsieur le Curé , C’est du fond d’un excellent abri que je vous envoie ces quelques mots . Je voudrais pouvoir vous le faire visiter de fond en comble car il vous intéresserait beaucoup . Il y a un mois , vous y auriez trouvé des mitrailleuses boches prêts à faucher les trop audacieux assaillants , et confiants dans la solidité de leur béton armé qui devait résister à tout bombardement. Ils n’avaient d’ailleurs pas tort et , les quelques morsures qu’ont fait à l’abri les nombreux 155 français qui sont tombés dessus n’auraient pas suffi à mettre les boches en fuite . Il faut voir la position telle qu’elle est pour comprendre quel héroïsme il a fallu à nos braves coloniaux pour gravir une côte à pic , balayée par des mitrailleuses boches se croisant dans tous les sens , c’est presque surhumain . Vraiment , il faut le reconnaître , Hindenburg avait bien choisi sa ligne de résistance et il l’avait admirablement organisée . Les premiers éléments se trouvaient à flanc de coteaux , dominant entièrement la vallée , préalablement mise à nu par la destruction des maisons et des arbres qui s’ y trouvaient . Sur la même ligne tous les 25,50 et 60 mètres , suivant la position , vous voyez un abri pour mitrailleurs , en ciment armé comme celui où je suis . Ces abris construits depuis longtemps étaient dissimulés sous le gazon . A 20 mètres en avant un réseau serré de fils de fer barbelés était destiné à arrêter la marche en avant de l’assaillant . En un mot , la position pouvait à bon droit paraître imprenable . Et pourtant , les 5 , 6 et 7 mai , c’est-à-dire quelques jours avant que nous les relevions (le 11) , les coloniaux sont montés à l’assaut et ont réussi à se rendre maîtres de la place. Inutile de vous dire au prix de quels sacrifices ! Qu’il vous suffise de savoir que beaucoup d’entre eux sont encore sur le terrain , entre les lignes françaises et boches , malgré que nous ayons transportés beaucoup dans un cimetière , jusqu’avant hier .
Les boches n’ont pu se consoler de la perte d’une telle position , aussi , se sont-ils empressés de nous attaquer , le 16 au matin , pour essayer de la reprendre ; mais ce fut en vain et ils se firent faucher comme nos coloniaux quelques jours avant. Depuis ce jour , ils n’ont pas renouvelé leur tentative ; ils ont , comme nous , employé leur temps à se fortifier sur place .
Que nous réserve l’avenir ? Je l’ignore .
Par le fait , nous n’avons pas eu beaucoup de blessés ces derniers jours . Toutefois , comme je vous l’ai dit , nous avons eu du travail bien pénible , vous le devinez aisément . Beaucoup de ces cadavres étaient là depuis plus de trois semaines , en complète putréfaction par conséquent. De tels spectacles sont peu encourageants et font bien désirer la fin d’une telle boucherie . Et cependant rien ne nous l’annonce . A moins d’une intervention de Dieu , il faudra beaucoup de temps encore pour vaincre les Allemands par les armes . Espérons que la paix viendra plus tôt qu’on ne l’espère , elle serait si bien accueillie par tous .
Bulletin paroissial du 24 juin 1917 - N°286
Le drapeau national avec l’image du Sacré-Coeur
Parmi les 1140 personnes de S. Philbert de Bouaine qui ont signé les feuilles de pétitionnement réclamant l’image du S. C. sur l’étendard de la France , plusieurs ont regretté que le but de la requête n’ait pas suffisamment été précisé . Voici à ce sujet quelques lignes qui pourront peut-être donner satisfaction à leur légitime désir .
On voudrait que le Sacré-Coeur fut placé sur le Drapeau religieux de la France . Mais qu’est-ce donc que le Drapeau religieux de la France ?
Ce serait l’Etendard Sacré , emblème du pays , symbole de notre Foi et nos espérances , reconnu officiellement par le pouvoir législatif et exécutif , et déposé comme un hommage national de soumission et de reconnaissance dans le Temple National , déjà lui aussi érigé et reconnu par la Loi
Bulletin paroissial du 01 juillet 1917 - N°287
Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Armand Dugast , de la Favrie , frappé par un éclat d’obus et tombé au champ d’honneur , à l’âge de 19 ans .
Nos soldats : - Nous sommes heureux de transcrire sur ce bulletin , les citations suivantes :
Cité à l’ordre du Régiment : Léandre Guibreteau (du bourg) , téléphoniste , ayant fait preuve de courage en réparant des lignes téléphoniques sous le bombardement .
Cités à l’ordre de la brigade : Donatien et Léon Garnier ( de l’Errière ) grenadiers d’élite , volontaires pour toutes les missions se sont dépensés sans compter avec un beau courage pour établir un barrage dans un boyau , sous le feu des mitrailleuses .
Bulletin paroissial du 15 juillet 1917 - N°289
Gerbéviller-la -Sainte ( en Lorraine ). - Emouvant récit fait par un de nos chers poilus .
Aux armées , Juin 1917.
Profitant de quelques journées de repos , nous avions formé le projet , quelques camarades et moi , de faire un petit pèlerinage aux ruines de Gerbéviller . Par un beau soleil du matin nous enfourchons donc nos bicyclettes , et nous voilà partis filant à toute allure sur la route poudreuse .
A dix kilomètres en approchant la ville , les champs sont fleuris de cocardes tricolores . C’est le cadre que font au tombeau de la cité martyre les tombes de ses défenseurs . Et ces tombes sont semées sans ordre , creusées à la hâte à l’endroit même où est mort chaque soldat , au bord des chemins, au creux des sillons , et surtout à la lisière des bois où chasseurs et coloniaux s’accrochaient désespérément pour retarder la marche de l’envahisseur .
Au fur et à mesure que nous avançons , les cocardes se font plus nombreuses , témoignant de la résistance plus acharnée.
Tout à coup , nous découvrons la ville : une colline blanche de pierraille sans verdure , hérissée de ruines pointues comme des dents que dépassent le squelette d’une tour et d’un clocher .
La première vue est terrifiante : pas une maison , petite ou grande , qui n’ait été crevée du haut en bas ; elles montrent toutes leur intérieur , leurs entrailles aux trois quarts épandues ; on dirait qu’elles ont toutes la tête coupée et le ventre ouvert . Les plus élevées et luxueuses , celles de deux ou trois étages , sont les plus invraisemblables ; leurs pans de murs déchiquetés qui , dans le lointain , simulaient de capricieuses pyramides , sont par places restés debout jusqu’au faîte ; leurs pierres calcinées , noircies par l’incendie , se détachent peu à peu du bloc qui devient de plus en plus instable. Des maisons éventrées et des monceaux de ruines : voilà tout ce qui reste de Gerbéviller.
Le vieux pont seul a résisté , unissant toujours cette ville morte à son faubourg meurtri de l’autre côté de la Mortagne . C’est ce faubourg que notre route s’insinue au milieu des ruines , entre les façades déchiquetées et les amoncellements de pierres qu’on a dû relever de chaque côté de la route pour permettre de passer , et nous descendons ainsi jusqu’à la rivière .
Tout ce quartier n’a pu être défendu . Aussi , ce ne fut qu’un jeu pour les Boches de s’en emparer et de le réduire à feu et à sang : il n’en reste plus une maison debout .
Mais ce fut une autre affaire quand il s’agit pour eux de passer la rivière : ils avaient compté sans les petits chasseurs , les "Diables Bleus" , chargés de défendre le pont pour assurer la retraite de nos troupes . Ils étaient 57 sous les ordres d’un sous-officier avec la mission de tenir 5 heures . Ils ont tenu 12 heures , toute une longue journée pendant laquelle les efforts des deux régiments bavarois furent brisés malgré leurs mitrailleuses et leurs canons . Et c’est peut-être la seule raison du martyre de Gerbéviller.
En dépit de toutes les fausses accusations et de tous les faux prétextes , c’est parce que Gerbéviller s’est merveilleusement défendue qu’elle a été odieusement persécutée . La vaillante cité lorraine a donc été véritablement martyre , martyre de sa foi patriotique .
Je vous laisse à penser l’angoisse des habitants pendant cette journée tragique . On avait bien confiance pourtant dans les fameux chasseurs : ils étaient presque tous enfants du pays . Le sous-officier aussi était bien connu : c’était lui qui depuis longtemps , était moniteur de gymnastique au patronage de "Monsieur l’Abbé" . - On savait bien qu’ils tiendraient jusqu’au bout de leurs forces ; mais ils étaient si peu nombreux en face de la multitude des barbares ! Et puis , les munitions manquaient : il leur fallait courir le village pour ramasser les cartouches abandonnées par les blessés pendant la retraite .
Les obus tombaient sans discontinuer sur la petite ville , les balles sifflaient dans les rues , les femmes et les enfants pleuraient dans les caves , et le vent apportait par-dessus la Mortagne , la fumée des incendies et les cris des parents et amis qu’on torturait de l’autre côté de la rivière où les Boches se vengeaient sur ce qu’ils occupaient déjà du dépit de ne pouvoir envahir toute la ville .
Mais l’instant inoubliable , c’est celui où les défenseurs ayant reçu l’ordre de se retirer , la digue fut rompue . Ivres de sang et d’éther , les Barbares se précipitent dans ce quartier qu’ils convoitaient depuis 12 heures. Ils avancent en rangs serrés dans la petite rue , et cette avalanche humaine envahit la ville en vociférant au son de leurs fifres criards , avec leurs casques et leurs armes embrasés du reflet de l’incendie qui semble avancer vers eux . Car , avec une méthode sauvage et déconcertante , des groupes se détachent de la bande pour l’incendier chaque maison , pendant que d’autres , bloquant les issues , empêchent les habitants de sortir ou les fusillent sur le pas de leur porte .
Aujourd’hui encore , il est impossible de remonter cette véritable voie pompéienne qui était jadis la grande rue de Gerbéviller sans revivre de façon poignante , tous les drames qu’évoque chacune de ces ruines . Sur cet escalier de pierre brusquement interrompu en son milieu , dans le cadre de cette porte s’ouvrant dans le vide , on voit une femme ou un enfant fuir l’incendie pour retomber dans le brasier . Entre les murs de ce vestibule , on voit encore des habitants traqués entre le feu qui les pousse au dehors et les baïonnettes qui les empêchent de sortir , et partout , sous les décombres , dans toutes les caves, des familles ensevelies, sous les ruines de leurs maisons , asphyxiées par l’incendie ou fusillées par les Boches à la faveur d’un soupirail .
Ainsi , chaque foyer en s’effondrant a enseveli les habitants qu’il avait vu naître , et Gerbéviller n’est plus qu’un immense campo-santo.
Quel cimetière plus impressionnant que celui-là où chaque famille a pour monument funéraire les ruines même de son foyer ! ( à suivre )
Bulletin paroissial du 22 juillet 1917 - N°290
Gerbéviller-la -Sainte . ( suite )_ Le château a été comme le reste , témoin d’atrocités et de carnage, et c’est dans sa chapelle que le vandalisme des barbares a pu satisfaire le mieux . Cette petite chapelle palatine , si remarquable dans ses proportions , qu’elle semble être cathédrale quand on la considère sans repère , alors que dans la cour du château elle s’encadre presque dans le cintre du portail , était une véritable châsse qui renfermait de précieuses reliques .
Je ne parle pas des objets d’art que le Marquis de Lambertye y avait accumulés : tapisseries , tableaux , boiseries , grilles, flambeaux , etc . . . , qui ont été volés ou détruits . Mais il y avait encore d’inestimables reliques sacrées : un morceau de la Vraie Croix , un reliquaire en or contenant des cheveux de la Sainte Vierge, des tombeaux , des urnes funéraires . L’une d’elles contenait les ossements de Tarcisius , le martyr de l’Eucharistie. Les tombeaux sont éventrés et les urnes brisées . Tarcisius a été une seconde fois mis à mort par les infidèles ; on a retrouvé dans le ruisseau les débris du marbre de Falguière .
Enfin , poursuivant notre triste pèlerinage sur la trace des barbares , nous arrivons à l’église : c’est là qu’ils ont mis le comble à leurs forfaits . Jusque là , ils avaient torturé les humains et profané les reliques des saints : ici, ils s’en sont pris à Dieu lui-même .
La toitures est défoncée et les vitraux sont brisés , mais les murs sont restés debout , et le clocher déchiqueté se dresse encore vers le ciel , qu’il semble prendre à témoins du sacrilège des impies .
Le chaos inextricable de l’intérieur donne une idée du carnage qui s’est déroulé dans ce lieu saint , dont l’écho n’avait jamais répété que le murmure des prières ou le chant des psaumes . Le grand Crucifix lui-même n’a pas été épargné ; il a été amputé de ses jambes , mais ses bras sont restés accrochés , dans l’attitude de la miséricorde et du pardon , comme ils avaient pardonné jadis aux bourreaux du Golgotha .
Ce n’était pas encore assez de s’en prendre à l’image du Christ. Une cervelle boche devait trouver un sacrilège encore plus grand : il fallait tuer Dieu lui-même , le fusiller vivant dans l’Eucharistie . C’est pour cela que le Tabernacle a été percé à bout portant de 18 balles et qu’on a retrouvé ensuite le ciboire renversé et les saintes hosties réduites en miettes .
Tel est le martyre de Gerbéviller .
Non loin de l’église se trouve un modeste couvent , un de ces couvents comme on en voit dans toutes les villes de province , servant à la fois d’asile aux enfants , de patronage aux jeunes filles et d’hospice aux vieillards . C’était depuis bien longtemps le refuge où tous les affligés du pays savaient trouver auprès de Soeur Julie remède ou consolation .
A la guerre, cette"auberge des douleurs " était prédestinée pour recevoir des blessés . elle fut en effet transformée en ambulance d’étape , et dix jours déjà avant l’arrivée des Allemands , les bonnes soeurs ne se couchaient pas , ayant sans cesse dans leur maison plus de 200 blessés qu’elles devaient soigner tout le jour avec leurs moyens de fortune , et évacuer la nuit pour en recevoir d’autres .
Elles n’eurent pas davantage de répit pendant l’occupation allemande pour protéger les vieillards et les blessés dans le couvent que les barbares voulaient incendier et qui ne doit d’avoir été épargné qu’au courage et à la ténacité de la Supérieure .
Après l’occupation , le couvent de soeur Julie fut toujours l’abri , le refuge des malheureux et des blessés , surtout dans les combats qui se déroulèrent du 24 au 31 août , période pendant laquelle la ville fut deux fois prise et reprise : les soeurs ramassaient les blessés dans la rue , devant leur porte .
C’est pour ces services que la Communauté fut citée à l’ordre de l’armée de Castelnau , et que la supérieure reçut , des mains mêmes du Président de la République , la Croix de la Légion d’honneur.
Aujoud’hui encore , les quelques familles qui restent à Gerbéviller sont abritées auprès de soeur Julie, dans les maisons qu’elle a pu sauver de l’incendie, autour du couvent .
Aussi , pour le visiteur découragé par la vue de tant d’horreurs , quelle consolation de trouver ce vieux couvent , éclaboussé de sang et de mitraille , mais toujours debout , flanqué de sa petite chapelle , si petite que la pointe de son clocher ne dépasse pas les toits des maisons voisines.
Vous pouvez frapper à la porte en toute confiance : on vous ouvrira toujours . On vous fera entrer dans un petit parloir , si calme au milieu du chaos des ruines environnantes , dans le silence de la Communauté , troublé seulement par la voix des enfants de la chapelle .
Nous y sommes entrés , non sans une certaine émotion . Bientôt , nous entendons du bruit de pas et de chapelet : c’est soeur Julie qui vient à nous , la main tendue . Elle ne porte pas sa décoration . Tout dans sa physionomie révèle une bonhomie et une simplicité naturelles , exagérées encore par modestie , comme pour dire "vous voyez , je ne suis rien , je n’ai rien fait par moi-même : c’est ma Foi qui a tout fait".
Comme nous nous excusons de l’avoir dérangée , elle répond qu’elle n’est pas si grand personnage pour qu’on ait tant d’égards à son endroit, et, l’ayant par hasard félicitée de son courage, elle nous dit que toutes ses soeurs en auraient fait autant à sa place . Puis, avec un complaisance inlassable , Sr Julie se prête à toute nos questions et nous fait le récit détaillé du martyre de Gerbéviller , tel que je l’ai raconté tout à l’heure , toujours d’une voix égale et douce , avec une expression calme qu’elle devait avoir , même en face de l’ennemi , confiante en la justice divine. ( à suivre )
Bulletin paroissial du 29 juillet 1917 - N°291
Gerbéviller-la -Sainte (suite ). _ Cependant , au récit de certaines atrocités , le regard de soeur Julie s’assombrit et elle passe la main devant ses yeux comme pour chasser la vision de ces enfants, de ces jeunes filles à qui elle avait consacré toute sa vie , ces fleurs d’innocence qu’elle protégeait amoureusement dans son asile ou son patronage , et qui ont été honteusement maltraitées sous ces yeux par les bandits. _ Et ces atrocités prennent dans sa bouche un caractère particulièrement angoissant , parce que les victimes ne sont plus inconnues . Elle les appelle par leur nom : c’est la petite Louise Perrin qui a été fusillée dans l’écurie où elle s’était réfugiée , c’est le petit Abel Plaid , un enfant de 14 ans que sa mère a trouvé mort , agenouillé , les mains derrière le dos , les pans de sa casquette verte , rabattus sur les yeux : c’est Mademoiselle Oliger poursuivie par les Boches dans le couloir de sa maison , s’échappant par l’escalier du lavoir , et restant cachée 3 jours et 3 nuits dans les roseaux de la rivière pendant que les bandits incendiaient sa demeure où ils la croyaient blottie . C’est cette mère retournant chez elle affolée , pour chercher l’enfant qu’elle avait laissé et dont les barbares lui tendent le corps carbonisé ; c’est ce pauvre Monsieur Legrey qui a été crucifié à sa porte et dont la vieille bonne de M. le Curé croit encore entendre les hurlements, chaque fois qu’elle passe l’angle de la Rue de l’Est ; ce sont les 15 vieillards , fusillés à la "Prêle" , ligotés par 5 avec des branches de saule ; c’est le boulanger Jacques qui a été précipité dans son four . . . et combien d’autres encore!. .
Enfin , comme nous l’en prions , soeur Julie veut bien nous raconter comment elle a pu faire respecter ses blessés et son couvent . N’attendez pas de grands mots ni d’attitudes héroïques :
L’histoire est merveilleuse dans sa simplicité .
Dès que les Allemands sont signalés dans la ville , la Supérieure se présente à la porte , entourée de la Communauté . Peu après , les officiers arrivent à la tête de leur bande. Ils arrêtent leurs chevaux qu’ils placent face à la porte, et , sabre au clair, commencent à discourir en Allemand sur un ton courroucé .
Soeur Julie , qui entend fort bien cette langue , les prie de parler français : "Vous pensez , Messieurs, si j’allais me donner la peine de parler leur charabia avec leur manie de mettre les verbes à la queue . C’était bien le moins qu’ils puissent faire de parler français" .
Alors le Colonel frémissait de rage :
- "Vous avez dans votre maison des civils qui ont tiré sur nous .
"
- "Non , Monsieur , je n’ai que des soldats blessés , désarmés".
- "Je veux voir"
- "Entrez"
Et la petit soeur précède dans le couvent le colosse , si grand qu’il accrochait toutes les portes , avec le "paratonnerre" de son casque . Derrière , 3 officiers suivent , révolver au poing . Ils parcourent ainsi toute la maison , à la recherche des francs-tireurs , le colonel hurlant , toujours très exalté :
"On a tiré sur nous , de votre couvent : donnez-moi les fusils , je veux voir les fusils".
Dans la salle des grands blessés , il faut retourner , tous les lits où les armes doivent être cachées , et chaque fois , c’est le même cérémonial : Les 3 officiers se placent à la tête du lit brandissant leur révolver pour tenir en respect l’agonisant , pendant que leur chef , grognant toujours rabat les couvertures et retourne l’oreiller , brutalement , sans égards pour la douleur du blessé .
Puis , sortant un poignard de sa vareuse , il le met sous la gorge du malheureux , pour lui faire avouer qu’il n’est pas militaire , qu’il est franc-tireur et qu’il a tiré sur eux .
A l’un de ses malheureux , la pointe est si menaçante que Sr Julie indignée n’a que le temps d’interposer ses mains sous le fer . Et cette exclamation jaillit de sa poitrine : - "Oh!Monsieur , c’est un blessé , il est sacré".
Le colonel , honteux de ce soupçon , rengaine son poignard :
- "Mais, ma soeur, nous ne sommes pas des barbares !"
Alors , pour toute réponse , soeur Julie ouvrit la fenêtre . Le clocher s’élevait en flammes au-dessus du brasier de la ville, et la chambre était déjà pleine de fumée noire , chargée d’étincelles.
Le colonel , détournant les yeux , regarda la pointe de ses bottes , et comme dit soeur Julie : "Quand on regarde le bout de ses souliers , c’est qu’on a deux pensées . "
La barbaire de l’orgueilleux chef teuton était vaincue par la douce ténacité de la religieuse : elle obtint la promesse que son couvent serait respecté.
Mais sa tâche n’était pas finie. Déjà , les équipes d’incendiaires s’attaquaient aux maisons voisines et le couvent risquait d’être brûlé par contagion . La soeur n’hésita pas à commander les soldats :
- "Vos chefs ne veulent pas qu’on brûle l’hôpital . Courez chercher des seaux . "
Et les incendiaires obéirent .
La supérieure , montée sur une chaise , les manches retroussées , jetait de l’eau par les fenêtres du rez-de-chaussée , tout en activant les porteurs :
- "Schnell , schnell (vite!vite!) !"
C’est ainsi que soeur Julie sauva de l’incendie ce qui reste de Gerbéviller . Grâce à elle, quelques foyers demeurent où renaît peu à peu la vie du pays. ( à suivre )
Bulletin paroissial du 05 août 1917 - N°292
Gerbéviller-la -Sainte (suite et fin ) _ En sortant du couvent , nous trouvons des enfants jouant au soleil dans les ruines , une femme remontant de la rivière , chargée de linge encore mouillé , un vieillard poussant une brouette et Monsieur le Curé se rendant au confessionnal .
Le digne pasteur qui a tenu à rejoindre son poste dès que son retour de captivité , nous raconte avec le même simplicité que Sr Julie , certains détails de l’occupation .
Pendant qu’il nous entretient à l’un des carrefours les plus dévastés de la ville , une fillette vient à passer , épanouie de joie dans ce décor lugubre , tenant précieusement , du bout des doigts , pour ne pas la froisser , une robe neuve !
Et M. le Curé gronde presque :
- "Tu as une bien belle robe, petite Jeanne".
- "C’est la chère soeur qui me l’a donnée . . . "
Le soir du 24 août , pendant que la ville agonisait dans les flammes , le chef qui avait commandé à ce crime , remontait la colline en traînant derrière lui la troupe des otages .
Arrivé sur le plateau , il se retourna pour contempler son oeuvre , et tandis que les vieillards qu’il emmenait pleuraient au spectacle infernal qui se déroulait à leurs pieds , ce nouveau Néron triomphait :
"Que c’est beau , que c’est grandiose !. . . "
Ce ne sont pas les mêmes sentiments qui nous animent , mais c’est le même cri qui monte à nos lèvres ce soir , en nous éloignant de Gerbéviller.
Dans la nuit qui tombe sur la ville morte, on aperçoit une lumière : Ce sont les fenêtres du couvent de soeur Julie : c’est la "lanterne des morts" de G. . . , et comme ces lanternes dans les cimetières rappelaient aux anciens que tout ne finit pas au tombeau ; le couvent de soeur Julie dans ces ruines est un gage d’espérance et de vie .
Les Boches ne peuvent détruire que ce qui est périssable . Ils n’ont pas altéré l’âme immortelle de notre France , sa Foi patriotique et religieuse par laquelle elle vaincra .
Eugène B.
Bulletin paroissial du 19 août 1917 - N°294
Grièvement blessé. _ Le mois dernier, sur le plateau de Craonne, Georges Epiard du Cou , soldat au 4ème zouaves, a été grièvement blessé à la tête , à l’épaule et au bras . Il est soigné à l’hôpital de Laval, par les petites Soeurs des pauvres .
Bulletin paroissial du 16 septembre 1917 - N°298
Décès : Nous avons appris avec regret la mort de Alcime Jugiau , du bourg , et de Georges Vallé , des Loreaux : tous les deux sont décédés dans une ambulance au front , à la suite de leurs blessures.
Nous avons également appris par l’intermédiaire de la Croix Rouge , la mort de Lucien Volard , de la Haute Porcherie , disparu dès le début de la guerre .
Bulletin paroissial du 23 septembre 1917 - N°299
Lettre d’un jeune soldat ( 8 septembre 1917)
A toute la famille aimée : chers parents , chère soeur , chères petites mignonnes.
Voici que j’ai retrouvé mon sac , je vais enfin pouvoir vous décrire la fameuse attaque de la côte 304 .
Loué soit le Sacré-Coeur et la Sainte Vierge qui m’ont gardé encore une fois . Nos pertes quoique assez élevées ne sont pas proportionnées au marmitage que nous ont donné les Boches.
La Providence encore a étendu sur les petits soldats de France sa main protectrice .
Nous étions en repos le 22 août à Ligny en Barion , où nous embarquons avec le pressentiment que de graves évènements se préparaient pour le 128è et en particulier pour le 3è Bataillon qui devait attaquer à son tour . En arrivant à la côte 304 , les bruits se confirment , c’est bien cela : le 23 août au soir, chargés de vivres et de munitions, nous campons dans les trous d’obus à mi-côte de la terrible position boche . La mitraille fait rage, notre artillerie redouble son feu et envoie aux Boches un véritable ouragan de fer. Nous sommes là prêts à bondir au petit jour .
Du haut de la côte une forte odeur cadavérique descend vers nous , c’est bon signe , ces messieurs d’en face n’ont pas enterré leurs morts , ils ne doivent pas être en bon état , ils se rendront peut-être sans résistance on espère. Il y a là 2 bataillons qui attendent l’heure suprême . Oh ! qui pourra décrire les quelques minutes qui précèdent le : En avant !
Ils sont là les soldats de France , couchés dans des trous d’obus pleins de boue , on n’entend pas un mot, leur corps est ici, mais l’âme est loin . Dans un quart d’heure , beaucoup ne seront plus de ce monde , combien tout à l’heure vont tomber sous la mitraille . Chacun se reporte alors vers le petit coin de terre qui les a vus naître , vers le cher foyer où s’est écoulé notre enfance , on revoit la famille , les êtres adorés qui ne savent rien .
Une larme refoulée , d’un revers de main vient perler à la paupière . Oh !les jolis rêves faits jadis ; papa, maman, femme chérie , mes petits enfants , vous reverrai-je enfin ! Le jeune bleuet abandonne les jolis rêves , les vieux poilus qui ont presque l’âge d’être leur père cessent de rêver à leur foyer abandonné , à leurs femmes laissées dans la peine , peut-être dans la misère , à leurs petits enfants qui dorment encore sous les draps blancs: c’est l’heure suprême , on fait passer : "Préparez-vous, dans 10 minutes!"Quel est celui qui en ce moment n’a pas murmuré une prière ? qui n’a pas pensé à l’éternité ? Qui ????
J’étais couché dans un petit trou , il n’y avait pas de tranchée , j’avais prié toute la nuit , et le soir je m’étais confessé , j’étais en règle avec Dieu , la mort pouvait bien venir ; je m’étais même endormi là, sous les obus qui sifflaient au-dessus et j’avais épinglé sur ma capote mon fanion du Sacré-Coeur : une voix intérieure me disait que je sortirais intact de ce mauvais pas , j’étais sûr , de revenir . Il est 4 heures
½ , une lueur à l’horizon indique l’approche du jour , tous les coeurs battent plus fort. Tout à coup retentit un bref commandement : "Baïonnette au canon ! En avant !" La première vague s’élance , baïonnette haute , les grenadiers révolvers et poignards au poing , quelques-uns sont blêmes de peur , ils restent dans leurs trous , mais les officiers les délogent . C’est l’heure de la charge ; en un instant nous escaladons la crête , je reste pris dans un réseau de fil de fer, mais je me dégage en y laissant quelques bouts de molletières . Quelques obus boches tombent sur nous , plusieurs sont tués ou blessés ; l’attaque est déclenchée , rien ne nous arrête , les Boches crient : "kamarad" . Il sont terrifiés par le formidable bombardement qu’ils ont reçu . Ici quelques poilus ont trouvé le moyen de déshonorer leur nom et leur pays. Peut-être chez l’ennemi y a-t-il des brutes , mais elles ne manquent pas non plus chez nous. J’ai vu des sauvages lancer des liquides enflammés , en pleine figure des malheureux qui se rendaient haut les mains , d’autres tués à coup de crosse et de bâton . Ces atrocités m’ont fendu le coeur , il n’y a que des lâches qui les commettent, ceux qui font demi-tour quand les Fritz ont leur fusil en main .La côte est prise sans coup férir ,nous avançons toujours ,notre artillerie fait devant nous un feu de barrage , d’une intensité inconnue jusqu’alors . Pas un boche ne tire , ma baïonnette va être inutile. Tout à coup , j’aperçois à ma droite une cagna , personne n’est là , j’ai perdu ma section et je vais voir avec un vieux poilu . Nous crions : "Rendez-vous les Boches" ; personne ne répond . Alors je crains un piège, je m’approche ainsi que mon vieux poilu , nous nous mettons sur les flancs de l’entrée et je lance des grenades qui vont éclater au fond avec un bruit terrible . Toujours rien , nous sommes là , le doigt sur la gâchette, et la baïonnette haute , gare au premier qui va sortir , rien ne répond : ils dorment peut-être , en ce cas ils se réveilleront dans l’autre monde , je n’ai pas envie de descendre au fond , pour m’y faire tuer . Nous lançons encore 2 ou 3 grenades asphyxiantes et incendiaires et , En avant ! Tant pis pour eux s’ils ne nous ont pas entendus , nous leur aurions certainement fait grâce s’ils s’étaient rendus ; peut-être n’y avait-il personne ou ont-ils été tués par les grenades à éclats que j’ai lancées .
Je rejoins les autres et nous continuons la marche en avant ; nous tombons dans des trous où notre maison se logerait facilement , les abris sont effondrés , les cadavres boches couvrent le terrain. Un blessé m’appelle , sa main est arrachée et l’oeil gauche crevé , je lui fais un pansement rapide et continue ma route. Mais les Boches se réveillent , les mitrailleurs font de terrible besogne ; il faut arrêter d’ailleurs , nous sommes au but fixé . Devant nous les artilleurs boches détallent au plus
vite ; je leur envoie quelques balles , le plus dur n’est pas fait , conquérir 2 kilom. de terrain bouleversé n’est pas tout , il faut le tenir , et repousser les attaques ennemies . Il ne faut pas songer aux tranchées , il n’y en a plus trace , nous nous tenons dans un trou d’obus et nous les attendons à notre tour , la grenade à la main et le fusil prêt . Avec mon outil , j’aménage mon trou que je partage avec Amélineau . Les Boches surpris de notre arrêt , installent leurs batteries et commencent le marmitage des positions enlevées , les obus tombent en rafale autour de nous , soudain , l’un tombe près de nous , nous recevons une terrible secousse , je regarde par-dessus , j’entends des cris , et à travers la fumée et la poussière , je vois des pans de vêtements voler en l’air , un casque retombe à mes pieds . J’ai appris plus tard que le Commandant , un capitaine et six hommes avaient été tués là . Pendant 2 jours je suis resté dans ce trou , ayant pour abri mon Sacré -Coeur et mon Chapelet. Comment se fait-il que tout autour de nous les autres ont été tués ou blessés , tandis que nous n’avons eu que la terre qui nous retombait sur le dos ? C’set une preuve convaincante de la protection divine . ( à suivre )
Nos soldats au front : _ Nous sommes heureux de donner le texte de la citation à l’ordre du régiment de Léon Epiard , de la Belle-Etoile , membre de la Jeunesse Catholique :
"Plusieurs fois volontaire pour patrouilles ou missions dangereuses . Le 12 juillet faisait partie d’une équipe de grenadiers s’est porté résolument à l’attaque des lignes ennemies malgré un feu violent d’artillerie et de mousqueterie. "
Bulletin paroissial du 30 septembre 1917 - N°300
Lettre d’un jeune soldat ( suite ) _ Vers le soir du 2è jour, j’apprends que la compagnie est partie plus loin . Que faire ? nous étions seuls Amélineau et moi , plus un rescapé d’à côté qui était fou ; nous prenons nos équipements et , en avant sous les obus . Bah , il n’y en a pas pour nous !Nous courons toute la nuit dans les fils de fer et dans la boue , la compagnie est introuvable . Il est
5 heures du matin ; nous nous trouvons en plein marais , dans l’eau jusqu’aux genoux . La faim et la soif se font sentir nous n’avons plus de vivres , nous buvons de l’eau des trous d’obus , nous croquons quelques biscuits et nous faisons une fervente prière. Tout à coup , les Boches craignant
une attaque , nous envoient un formidable feu de barrage , nous nous couchons dans le marais sans nous soucier de la boue ; les marmites font voler la boue qui retombe en masses énormes sur le dos de ceux qui sont à proximité : qu’importe , nous nous nettoierons à l’arrière . Enfin le tir cesse , mais il fait jour , impossible de sortir , les Boches sont à quelques cent mètres , et leurs mitrailleuses nous abattraient . Toute la journée nous sommes restés là , ce n’est que le lendemain que nous avons rejoint des camarades . 2 jours après nous étions relevés de ce sale coin .
Plaise à Dieu que nous n’y retournions jamais .
Voilà chers Parents , le récit de ces 5 jours que nous avons passés là-haut . Béni soit le ciel qui nous a favorisés .
J’oublie un passage : Le pauvre diable qui nous a rejoint était presque fou , 3 de ses copains avaient été tués à ses côtés ; au moment où les Boches ont commencé le tir de barrage dans le marais , il a voulu sauter dans un trou profond est resté pendu à des fils de fer : Il était là , hurlant de peur ne pouvant se dégager , j’ai pris son poignard (c’était un grenadier ) , et j’ai coupé ses courroies ; il est tombé dans le trou plein de boue et y est resté toute la journée . Souvent depuis j’ai remémoré avec lui ses terribles souvenirs . Il est à peu près remis . Pendant 4 à 5 jours , il était complètement ahuri.
Notre drapeau a reçu la médaille militaire , et le régiment aura probablement la fourragère .
Nous n’avons aucun souvenir de la Côte 304 ; si ce n’est en faisant l’attaque qu’on ramasse les souvenirs . Si nous allions en permission d’ici peu , nous porterions nos casques , mais quand !!
En attendant, continuons de prier pour que finisse au plus tôt cette terrible guerre. Je vous embrasse.
F. B.
Bulletin paroissial du 7 octobre 1917 - N°301
Nos soldats au front : _Nous apprenons avec regret que Félix Bachelier du bourg , l’auteur de la lettre si intéressante qui a paru dans les deux derniers bulletins , vient d’être blessé assez grièvement . Pour récompense de sa bravoure extraordinaire , il a été décoré de la médaille militaire et de la Croix de guerre avec palme : nous donnerons plus tard sa citation . Son frère Joseph , séminariste ,qui se trouvait dans la même Compagnie , a appris lui-même la nouvelle à ses parents .
Voici un extrait de sa lettre :
Bien chers parents , Cette fois encore vous devez un fier merci au Sacré-Coeur . Félix vient d’être blessé : Ne jetez pas les hauts cris , il n’est pas blessé grièvement : quelques éclats dans la cuisse droite seulement . Parti hier soir en patrouille dans un secteur très calme , il a été pris avec ses camarades sous un terrible feu de barrage déclenché par les Boches qui essayaient un coup de main dans le secteur voisin . Un obus est tombé au milieu de la patrouille . Les quatre autres patrouilleurs ont été tués , lui seul n’a été que touché légèrement , lui seul portait étendu sur sa poitrine , le fanion du Sacré-Coeur .
Je vous laisse à penser si j’étais inquiet pendant ce feu de barrage . Aussitôt sa fin , je sortis pour aller voir dans notre petit poste s’il y avait des blessés quand , soudain , j’entends un cri lointain : "Brancardiers français !" Je crois reconnaître sa voix : je cours avec un camarade , et à travers les trous d’obus et les fils de fer , au milieu de mille difficultés , nous le ramenons dans la tranchée . Là , les brancardiers l’ont emmené vers le poste de secours . Il est hors de danger . Sans doute ce matin une auto l’a emmené vers l’arrière .
Nous ne saurions trop remercier le Sacré-Coeur et avoir confiance en lui . Ceux qu’il garde sont bien gardés , vous le voyez.
Pauvre petit !J’étais si ému quand je l’ai embrassé hier soir avant de le quitter . Il ne souffrait pas , me disait-il , mais se sentait très faible . Ca se comprend d’ailleurs . Il s’était traîné vers nos lignes , était déjà fatigué par la commotion de l’obus , et n’était pas sans avoir perdu un peu de sang .
A bientôt . Je vous embrasse tout de tout coeur . _Union de prières dans les Sacré-Coeur de Jésus et de Marie toujours .
Une carte du pauvre blessé reçue Jeudi matin , nous apprend malheureusement qu’on a été obligé de lui couper la jambe : il dit être en bonne voie de guérison ; nous le souhaitons et ses parents et pour lui .
Les deux frères ont montré une égale bravoure , puisque Joseph lui-même a été cité en ces termes à l’ordre de la division :
"Très bon soldat , a donné le plus bel exemple de dévouement , le 24 août 1917 . S’est porté sous un violent bombardement au secours de son sergent grièvement blessé . "
La médaille militaire et la Croix de guerre avec palme ont été conférées à deux autres jeunes Gens de la paroisse , membres de la Jeunesse Catholique .
La citation du soldat Georges Epiard du Cou, ( 4è régiment de marche de zouaves ) est ainsi conçue : "Excellent soldat , le 7 juillet 1917 , au cours d’un bombardement très violent , a donné le plus bel exemple de bravoure et de sang-froid . A été grièvement blessé à son poste de combat . "
Dieu merci ce brave soldat est actuellement en convalescence et hors de danger . Malheureusement il n’en a pas été ainsi de ce cher Georges Vallé des Loreaux , dont nous avons appris le mois dernier la mort au champ d’honneur .
Voici quelques extraits d’une lettre que lui écrivait un de ses chefs quelques jours avant sa mort :
"Je t’ai proposé immédiatement pour une récompense. Je pense qu’elle te parviendra bientôt . Je la voudrais aussi forte que possible . Mais quelque soit la récompense , trouve la meilleure de toutes dans le souvenir excellent que tu as laissé ici , dans l’intime que tous te portent et que je suis heureux de pouvoir te témoigner . Tu es de ceux , mon cher ami , dont on regrette l’absence , si courte qu’elle puisse être , dont on apprécie chaque jour davantage le dévouement , le bon esprit , le courage . Tu es de ceux que l’on est fier et heureux de commander , etc. . "
La récompense a été accordée , et certes la citation est vraiment très belle :
"Gradé courageux et dévoué , qui s’est tout particulièrement fait remarquer par sa belle attitude au feu au cours des affaires des 25 avril et 5 mai 1917 . Vient à nouveau de se signaler le 20 août 1917, en refusant bien que grièvement blessé , de se mettre à l’abri , malgré un intense bombardement avant d’avoir porté secours à l’un de ses hommes gravement atteint . "
A ces différentes citations s’ajoute celle d’Eugène Naulin de la Blinière , du 203è d’infanterie :
"Soldat courageux et plein d’entrain , a déjà été blessé deux fois , le 7 septembre 1914 et le 7 mars 1916 . (Citation à l’ordre du régiment )
Nous adressons nos plus sincères félicitations à tous ces héros du devoir , qui savent si bien unir dans un même amour Dieu et la France : ils font honneur à leur paroisse en même temps qu’à leur famille .
Nous continuons d’être très inquiets au sujet du jeune Avrilleau des Grimaudières , disparu depuis plusieurs semaines : le seul espoir qui nous reste est qu’il soit prisonnier .
Bulletin paroissial du 21 octobre 1917 -N°303
Nos soldats à l’armée - Armand Naulin de la Mercière, ( 264 è régiment d’infanterie ) a été cité à l’ordre du régiment : "N’ayant plus de grenades , a assuré la possession d’un barrage violemment attaqué par un ennemi abondamment pourvu de munitions. "Toutes nos félicitations .
Nous prions les familles dont les soldats ont mérité quelque citation glorieuse , de vouloir bien nous les communiquer aussitôt .
Bulletin paroissial du 11 novembre 1917- N°306
Nos soldats : M. l’abbé Philbert Morineau, de la Biretière , sergent a été grièvement blessé à la tête et à l’épaule par un éclat d’obus , au combat dit du " Chemin des Dames" . Nous apprenons avec grande joie qu’il va beaucoup mieux . Nous faisons des voeux pour son prompt rétablissement .
Bulletin paroissial du 25 novembre 1917 - N°308
Nos soldats : Nous sommes heureux de donner ici la citation à l’ordre du régiment de Gabriel Fisson du bourg :
"Téléphoniste , s’est signalé à maintes reprises en rétablissant les lignes coupées , par son mépris du danger ; a notamment rétabli les communications le 14 août 1917 , bien que gêné et très sérieusement incommodé par les gaz toxiques. "
le 10 septembre 1917. Lieutenant-Colonel : Boillet
Bulletin paroissial du 08 décembre 1917 - N°310
Décès : Nous avons appris avec regret la mort de deux de nos jeunes soldats : Alphonse Lemoine de la Pausetière des Landes, tombé au champ d’honneur le 9 novembre dernier ; et Aimé Biret du Gué-Bifou , disparu depuis le commencement de la guerre .
Bulletin paroissial du 16 décembre 1917 - N°311
Nos soldats : Nous étions fort inquiets au sujet de Alcime Dugast de la Ferrière, disparu depuis plus d’un mois. Nous venons d’apprendre avec joie que ce cher soldat n’est pas mort , mais qu’il est prisonnier au camp de Darmstadt.
Eugène Bourdet , sous-lieutenant au 5è Régiment d’infanterie coloniale , vient d’être décoré de la Croix de guerre , et cité à l’ordre du camp d’Armée en ces termes :
"Jeune officier conservant le plus grand calme sous les bombardements les plus violents . Le 10 octobre 1917 , ayant été renversé par l’éclatement d’un obus de gros calibre , s’est relevé aussitôt en disant à ses hommes : "Surveillez toujours , ce n’est rien !" _ Déjà blessé au cours de la Campagne. "
Toutes nos félicitations au vaillant sous-lieutenant .